Critique : The Green Inferno

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The Green Inferno

Etats-Unis, 2013
Titre original : The Green Inferno
Réalisateur : Eli Roth
Scénario : Eli Roth et Guillermo Amoedo
Acteurs : Lorenza Izzo, Ariel Levy, Aarons Burns, Kirby Bliss Blanton
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 1h41
Genre : Horreur
Date de sortie : 16 octobre 2015 (VOD)

Note : 3/5

Eli Roth n’est pas Quentin Tarantino, mais il connaît néanmoins bien les classiques du film de genre. Il nous en livre la preuve par le biais de cet hommage aux festins cinématographiques de cannibales, particulièrement féroces et populaires en Italie dans les années 1970 et ’80. Cependant, The Green Inferno nous paraît entretenir un lien plus étroit et plus proche dans le temps avec Hostel, le deuxième film du réalisateur. Dans l’un comme dans l’autre, il est question d’un groupe de jeunes Américains, soit naïfs, soit idéalistes, voire un peu des deux, qui s’aventurent à l’étranger, où ils doivent traverser un calvaire à l’issue mortelle pour la plupart d’entre eux. La formule pour créer l’horreur peut paraître identique dans les deux films. Au détail près que cette odyssée-ci en terre inconnue se montre plus pointue du côté des effets sanguinolents et moins glauque dans son ambiance générale, au profit d’une tenue globale du récit plus viscérale et efficace que dans la descente aux enfers du trafic d’organes en Europe de l’Est. Nous avons même été si pris – ou plutôt agréablement surpris – par ce conte de survie, que sa sortie exclusive en vidéo à la demande nous semble regrettable, en comparaison avec la majorité des films d’horreur minables qui trouvent leur chemin jusqu’en salles.

Synopsis : La jeune étudiante Justine est choquée, lorsqu’elle apprend dans un cours des détails douloureux sur la circoncision féminine, encore pratiquée dans de nombreux pays. Après avoir ressenti une telle indignation, elle voudrait passer à l’action. L’occasion indirecte se présente, quand elle sympathise avec l’association dirigée par l’étudiant plus âgé Alejandro. La nouvelle mission de cette dernière se déroulera au Pérou, où une tribu d’indigènes risque d’être chassée de ses terres ancestrales par les bulldozers d’une compagnie de forage. Le plan d’Alejandro consiste à s’opposer en groupe aux ouvriers armés et à attirer l’attention des médias internationaux à travers cette intervention pacifique. Justine se joint aux activistes, pleine d’enthousiasme, quoique nullement consciente des dangers qu’elle courra pendant son séjour à vocation humanitaire.

L’idéalisme confronté à la réalité

The Green Inferno prend son temps, avant de plonger dans l’enfer couleur rouge-sang. Tellement de temps en fait, que l’on pourrait croire en une vision plus ambitieuse de la part de Eli Roth que de simplement susciter le dégoût et la terreur. Le cheminement idéologique du personnage principal, depuis le calme dominical dérangé par le bruit des manifestants sur le campus jusqu’à l’embarquement pour l’aventure, confère ainsi un fond d’observation sociale particulièrement intriguant à l’histoire. Bien sûr, les clichés sur la justification d’une intervention américaine en toute circonstance y vont bon train. Mais en même temps, cette longue introduction prépare adroitement le terrain pour ce qui va suivre. Contrairement à la volonté peu sophistiquée des personnages dans Hostel de faire la fête, celle de Justine et de ses nouveaux amis vise davantage à sauver intelligemment le monde. Une entreprise en fin de compte aussi utopique que l’avait été auparavant l’hédonisme libidineux dans un pays dont les touristes ignoraient tout. L’optimisme aux yeux bleus rencontrera certes assez rapidement ses limites, mais avant de parvenir au chapitre choquant, le récit se démarque plutôt positivement par un don d’observation malicieux de l’engagement citoyen à l’ère du numérique.

Oh, le salaud !

Car au moment où le massacre chez les cannibales démarre d’une façon assez spectaculaire, le spectateur a déjà pu établir un rapport assez intime avec les différents personnages pour se soucier de leur sort peu enviable. La répartition des cases éprouvées d’identification entre les bons et les méchants se déplace alors progressivement, jusqu’à effacer toute notion classique de héros sans reproche. Tout comme l’élimination systématique des survivants instaure moins un climat de panique qu’une ambiance délétère, où les dernières apparences d’altruisme volent en éclats. Dans ce contexte précaire, la narration n’opte point pour une défiance musclée, susceptible de soustraire les proies à leur fin culinaire. Elle s’emploie au contraire à distiller un fatalisme macabre, dont les aspects les plus savoureux sont à peine relativisés par les rares écarts de conduite du film. Tandis que la spirale de la violence devenait carrément insupportable dans Hostel au fur et à mesure que les geôliers disséquaient leurs victimes, la mise en scène jongle ici habilement entre la surenchère de l’horreur et un regard plus ironique sur les tensions psychologiques au sein du groupe de rescapés. Face à cet entrain narratif, les rares déceptions – notamment la place trop prévisible réservée à l’enfant à la flûte ou la courte séquence pendant le générique de fin qui affaiblit considérablement l’ambiguïté morale de la conclusion – peinent heureusement à faire le poids.

Conclusion

Au risque de nous répéter, la décision de la part du distributeur de sortir ce film d’horreur redoutable directement en vidéo dématérialisée, soi-disant à cause de l’encombrement des salles de cinéma, nous laisse perplexe. Car The Green Inferno aurait certainement trouvé son public, s’il avait bénéficié d’une sortie classique. Il ne nous reste alors qu’un sentiment de reconnaissance d’avoir pu le découvrir en salle de projection, lors de l’une des rares séances publiques ou privées. Le quatrième film du réalisateur nous y a réconciliés avec l’univers de Eli Roth, perçu peut-être à tort jusqu’à présent comme un théâtre de la répulsion gratuite.

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