Test DVD : Rien à foutre

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Rien à foutre

Belgique, France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Emmanuel Marre, Julie Lecoustre
Scénario : Emmanuel Marre, Julie Lecoustre, Mariette Desert
Acteurs : Adèle Exarchopoulos, Mara Taquin, Alexandre Perrier
Éditeur : Condor Entertainment
Genre : Drame
Durée : 1h50
Date de sortie cinéma : 2 mars 2022
Date de sortie DVD : 6 juillet 2022

Cassandre, 26 ans, est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Vivant au jour le jour, elle enchaîne les vols et les fêtes sans lendemain, fidèle à son pseudo Tinder « Carpe Diem ». Une existence sans attaches, en forme de fuite en avant, qui la comble en apparence. Alors que la pression de sa compagnie redouble, Cassandre finit par perdre pied. Saura-t-elle affronter les douleurs enfouies et revenir vers ceux qu’elle a laissés au sol ?

Le film

[3/5]

« Le titre fait figure de programme dans ce premier long-métrage belge, présenté l’été dernier dans le cadre de la Semaine de la Critique à Cannes, puis au Festival d’Albi. Pourtant, il n’y a rien de spécifiquement agressif dans cette illustration filmique d’un immense ras-le-bol, juste l’indifférence d’une jeunesse en roue libre. Car la lassitude précoce par laquelle se définit l’héroïne de Rien à foutre est avant tout celle de sa génération. Le personnage a beau avoir quelques casseroles personnelles à traîner derrière lui, son flottement existentiel nous paraît symptomatique de cet âge ingrat, vers la fin de la vingtaine, lorsque les premières désillusions réduisent considérablement le champ des possibles. Des rêves, cette jeune femme interprétée avec une grande fragilité par Adèle Exarchopoulos n’en a qu’un seul, jugé inatteignable. Dès lors, elle se conforme à peu de choses près au cliché ambulant de l’hôtesse de l’air, sans attache, ni profondeur.

Or, la mise en scène de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre ne dessine guère ce cadre professionnel comme un enfer auquel il serait impossible de se soustraire après y avoir trop longtemps goûté. Ni comme le paradis du bling-bling, où le fait de changer de destination à un rythme effréné équivaudrait à un épanouissement personnel digne de la publicité la plus superficielle. Non, leur constat social va bien au-delà, puisqu’il distille savamment l’effet d’usure que la routine du déplacement constant exerce sur leur personnage principal, lui aussi en panne de repères.

Le retour aux sources familiales dans la deuxième partie du film n’y opère alors point en tant que passage libérateur, afin de sortir in extremis du tunnel de la surchauffe professionnelle. Au contraire, il a pour vocation de propulser cette déracinée encore plus loin de chez elle, quitte à se prendre le prochain mur insoupçonné, quoique parfaitement dans l’air du temps. »

Extrait de la critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien !

Le DVD

[4/5]

Mine de rien, et parce qu’il est parvenu à éviter les pièges de la dématérialisation sans pour autant cesser de nous proposer des sorties sur support physique, Condor Entertainment est parvenu à se créer une place de choix dans le cœur des cinéphiles français, et s’impose à ce jour comme l’un des éditeurs français les plus expérimentés et les plus incontournables. La sortie de Rien à foutre en DVD Collector est une nouvelle illustration de son savoir-faire technique : Condor connaît le support sur le bout des doigts, de même que ses limites intrinsèques, et maîtrise l’encodage de façon vraiment remarquable. Définition, piqué, couleurs, gestion du bruit vidéo, tous les écueils auxquels on pourrait s’attendre sont brillamment et soigneusement évités, même les scènes nocturnes affichent une belle pêche. Niveau image, c’est donc vraiment un sans-faute ; malgré les limites évidentes d’un encodage en définition standard, on se surprend à se dire que le film n’aurait pas forcément eu bien meilleure allure sur format Blu-ray : un travail étonnant et soigné. Coté son, le mixage du film est proposé au choix soit en Dolby Digital 5.1 ou en Dolby Digital 2.0 stéréo (l’option la plus cohérente si vous visionnez le film sans Home Cinema). Bien entendu, le film en lui-même ne se prête pas forcément à la démonstration acoustique, mais la spatialisation s’avère tout de même relativement dynamique sur le 5.1 en termes de spatialisation.

Pour nous permettre de bénéficier du maximum de suppléments, Condor Entertainment a fait le choix de nous les proposer sur un deuxième DVD, et on l’en félicite, d’autant que Rien à foutre nous est proposé dans un très joli Digipack aux couleurs du film. On commencera donc avec un entretien avec l’équipe du film (25 minutes). Les deux coréalisateurs, Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, le distributeur Martin Jérôme ou encore l’actrice Adèle Exarchopoulos s’exprimeront ainsi sur le film et sur ses différentes thématiques, telles que la solitude, la violence dans le travail, le deuil… L’idée de fuite en avant, ainsi que l’opposition en l’air / au sol sont également abordées, de même que la société contemporaine, vue comme l’ère de « l’évaluation » – une idée qui se retrouve tout autant dans le monde professionnel que sur les réseaux sociaux. On continuera ensuite avec un court-métrage d’Emmanuel Marre intitulé D’un château l’autre (2018, 39 minutes). Prenant place durant la campagne présidentielle de 2017, il s’ouvre sur de longues images d’un meeting d’Emmanuel Macron, et met en scène Pierre, 25 ans, étudiant boursier dans une grande école parisienne, et Francine, retraitée de 75 ans clouée dans un fauteuil roulant. Le film suit leurs discussions, confronte leurs points de vue sur la vie et la société, et met en scène leurs engueulades, tant leurs personnalités s’avèrent, politiquement et socialement, complètement opposées. La « jungle » de la vie parisienne est particulièrement mise en évidence, de la même façon que la fracture sociale au cœur de la France, qui contraste fortement avec le portrait de ces deux êtres que tout oppose à priori mais qui pourtant vont parvenir à se rapprocher. Intéressant. On terminera enfin le tour des bonus avec un autre court-métrage d’Emmanuel Marre, intitulé Le film de l’été (2017, 30 minutes), ayant obtenu le Grand Prix au Festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand en 2017. Le film suit la trajectoire de Philippe, un homme de 37 ans, que l’on découvre en compagnie de son ami Aurélien et de son fils Balthazar, 9 ans et demi, sur la route des vacances – Philippe profite de la voiture de son ami pour faire le voyage avec eux jusqu’à Lyon, où il a rendez-vous pour un entretien d’embauche. En réalité, personne ne l’attend à Lyon : après une tentative de suicide ratée, Philippe reprendra finalement la route avec Aurélien et retrouvera peu à peu goût à la vie au contact du jeune Balthazar. D’une façon assez intéressante, Emmanuel Marre détourne l’imagerie traditionnelle des « vacances », en ne s’attardant que sur des lieux tels que les parkings, les aires de repos d’autoroute, les stations-services et autres chambres d’hôtel miteuses type Formule 1.

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