La Saison des femmes
Inde : 2015
Titre original : Parched
Réalisation : Leena Yadav
Scénario : Leena Yadav, Supratik Sen
Acteurs : Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte, Surveen Chawla, Lehar Khan
Éditeur : Pyramide Vidéo
Durée : 1h47
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 20 avril 2016
Date de sortie DVD : 20 septembre 2016
Synopsis : Inde, Etat du Gujarat, de nos jours. Dans un petit village, quatre femmes osent s’opposer aux hommes et aux traditions ancestrales qui les asservissent. Portées par leur amitié et leur désir de liberté, elles affrontent leurs démons, et rêvent d’amour et d’ailleurs.
Le film
[4/5]
L’état du Gujarat se situe à l’ouest de l’Inde, il est limitrophe avec le Pakistan, le Rajasthan, le Madhya Pradesh et le Maharashtra. 90 % de sa population est hindouiste et ce fut le premier état de l’Inde à interdire la vente et la consommation d’alcool. Des détails qui ont leur importance lorsqu’on constate que, dans ce film, censé se passer dans cet état, les hommes dessoulent rarement, ce qui n’arrange pas beaucoup les affaires de leurs mères et de leurs épouses, méprisées, trompées, battues, etc. En fait, seuls 3 hommes sont montrés de façon franchement positive dans La Saison des femmes : un jeune entrepreneur qui donne du travail aux femmes sans chercher à les exploiter, ni financièrement, ni sexuellement ; un jeune homme sincèrement amoureux de la jeune fille de 15 ans qu’on a marié de force à un autre parce les moyens financiers de sa famille étaient insuffisants ; un homme qui connait sur le bout des doigts l’art des caresses et qui, à ce titre, arrive, lui, à donner du plaisir aux femmes. Ses seuls concurrents : les téléphones portables dont les vibrations peuvent avoir un effet qu’on ne soupçonnait pas ! Leena Yadav se focalise surtout sur 4 femmes : Bijli, une danseuse / prostituée qui n’hésite jamais à ruer dans les brancards ; Rani, une jeune femme qui fut mariée et mère à 15 ans, qui fut trompée et battue par son mari et qui, ayant arrangé un mariage pour son fils de 17 ans, digne fils de son père, commence par vouloir transformer sa belle-fille de 15 ans en bonne à tout faire, exactement comme l’avait fait sa belle-mère avec elle ; Janaki, la belle-fille de 15 ans ; Lajjo, une jeune femme au mari très violent et qui, n’ayant jamais réussi à être enceinte, se croit stérile. Petit à petit, l’une entrainant l’autre, ces 4 femmes vont finir par comprendre qu’elles peuvent vivre sans les hommes, tout du moins certains d’entre eux.
La Saison des femmes est né d’une rencontre entre la réalisatrice Leena Yadav et Tannishtha Chatterjee, future interprète de Rani, la comédienne rapportant des conversations avec des villageoises qui prouvaient que ces dernières parlaient beaucoup plus facilement de sexe que les citadines, pourtant a priori plus libérées. S’étant mis en tête la réalisation, pour son troisième long métrage, d’un film mettant en scène de telles habitantes des campagnes et souhaitant réagir à la société indienne qui condamne trop souvent les femmes aux rôles d’objets sexuels et de servantes des hommes, Leena Yadav a passé beaucoup de temps à interroger de nombreuses femmes sur leur vécu, un peu partout en Inde. Un état a particulièrement retenu son attention, le Gujarat. Un état composé en grande partie de petites communautés régies par des normes patriarcales particulièrement archaïques, un état aux qualités cinématographiques évidentes avec ses paysages arides en totale opposition à la richesse des couleurs des tenues portées par les femmes. Les personnages du film ont été inspirés à la réalisatrice par des femmes qu’elle a réellement rencontrées, les 4 rôles principaux donnant un tableau assez complet de la difficile condition féminine dans son pays. Leena Yadav tenait particulièrement à montrer, au travers du personnage de Rani, le rôle important tenu par les mères qui, ne questionnant pas les normes sociales dans lesquelles elles ont vécu, perpétuent sans état d’âme un statu quo déplorable par l’éducation qu’elles donnent à leurs enfants. C’est d’une certaine façon Rani qui a façonné son fils Gulab et qui en a fait un homme destiné à se comporter comme Manoj, le mari violent de Lajjo. On notera que La Saison des femmes, censé se dérouler dans l’état du Gujurat, a été tourné dans le Rajasthan voisin. En effet, par peur que leurs femmes soient perverties à son contact, les villageois du Gujurat n’acceptaient pas que, sur leur terre, une femme dirige une équipe composée majoritairement d’hommes.
Dans ce film très fort, à la fois social et politique, la réalisatrice a glissé quelques scènes de chant et de danse dans la tradition du cinéma de Bollywood, des scènes peu appuyées qui passent très bien et qui permettent d’entendre quelques très beaux ghazals et de la musique qawwali. Parmi les interprètes, les cinéphiles pointus pourront reconnaître Surveen Chawla (Rakhi dans Ugly) dans le rôle de Bijli, Radhika Apte ( Kumudhavalli dans Kabali) dans le rôle de Lajjo, et, surtout, Tannishtha Chatterjee (Nazneen Ahmed dans Rendez-vous à Brick Lane; Suman Saini dans Siddharth) qui interprète le rôle de Rani. Quant au Directeur de la photographie, c’est, excusez du peu, l’oscarisé Russell Carpenter, le Directeur de la photographie de Titanic !
Le DVD
[4.5/5]
On ne peut que féliciter l’éditeur Pyramide Vidéo pour ce beau DVD qu’il nous propose. Trois bonus nous permettent de bien cerner l’environnement du film : tout d’abord un entretien de 23 minutes avec Leena Yadav dans lequel elle nous raconte la genèse du film ; sa recherche des comédiens, facile pour deux des rôles féminins principaux, difficile pour les deux autres (trouver une comédienne acceptant de se dénuder pour les besoins du film, trouver une comédienne acceptant de se faire couper les cheveux pour les besoins du film), encore plus difficile pour un rôle de prostituée ; une anecdote macabre sur ce qui peut arriver aux hommes qui cherchent à libérer les femmes du joug qu’elles subissent ; sa recherche de l’argent permettant de monter le film. Trois entretiens de 11 minutes au total nous permettent de rencontrer, individuellement, trois membres de l’équipe technique, tous les trois de grande renommée, tous les trois fascinés par cette rencontre avec l’Inde : le Directeur de la Photographie américain Russell Carpenter, le Chef Monteur américain Kevin Trent et l’Ingénieur du Son suédois Paul Ottoson. Le troisième bonus est un making-of de 9 minutes au total et divisé en deux parties : le making-of du film, le making-of des séquences de danse.
Sinon, le DVD laisse le choix entre Dolby 2.0 et Dolby 5.1, il se voit en version originale (mélange d’hindi et de kutchi, un dialecte local) sous-titrée en français, on entend les musiques et les dialogues avec un son de très bonne qualité et le transfert sur DVD arrive à bien respecter le chatoiement des couleurs et la très belle photo de Russell Carpenter.