Test Blu-ray : Summertime

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Summertime


États-Unis : 2020
Réalisateur : Carlos López Estrada
Scénario : Mila Cuda, Paolina Acuña-González, Jason Alvarez, Austin Antoine, Bryce Banks…
Acteurs : Tyris Winter, Marquesha Babers, Maia Mayor
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h35
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 15 septembre 2021
Date de sortie DVD/BR : 15 janvier 2022

Les vies de 25 jeunes habitants de Los Angeles s’entrecroisent pendant une chaude journée d’été…

Le film

[4/5]

Quelques années après son premier film, le feel good movie solaire et poétique Blindspotting, qui se voulait une déclaration d’amour à la ville d’Oakland, Carlos López Estrada revient cette année avec Summertime, puissante ode pleine d’espoir et de vie, cette fois consacrée à Los Angeles. Quasiment invisible aux États-Unis après sa présentation au festival de Sundance, le film n’a connu qu’une exploitation assez confidentielle au pays de l’oncle Sam, de même qu’en France, où il n’aura attiré qu’un peu moins de 8000 curieux, sur un circuit de salles limité cela dit.

Faisant se croiser un peu plus de vingt-cinq jeunes gens à l’écran, Summertime ne suit pas à proprement parler de réelle intrigue : nous passons d’un groupe de personnages à un autre, sans évolution narrative, restant pendant trois à cinq minutes aux côtés de chaque personnage. Cette construction quasiment désarticulée est héritée de La Ronde de Max Ophuls (1950), et a souvent été reprise au fil des années, notamment dans les séries animées Les Simpson et Le monde incroyable de Gumball, afin de présenter une « vue d’ensemble » de l’univers et des personnages de ces deux brillantes séries.

C’est également là la volonté de Carlos López Estrada et de sa bande de « poètes » adeptes du spoken word : présenter Los Angeles sous un nouveau visage, éloigné des clichés sociaux, mais également de race ou de genre auxquels le cinéma nous a trop longtemps habitués. Et au final, Summertime s’impose bel et bien comme un kaléidoscope d’idées et de sensibilité qui, au fur et à mesure que le film déroule ses mini-intrigues, dessine les contours d’une œuvre forte, appelant à tous les incompris à trouver leurs propres mots, leur propre voix et d’ouvrir leur cœur, à l’image de ces jeunes issus de populations généralement assez sous-représentées (ou mal représentées) au cinéma – femmes, noirs, latino-américains, coréens, homosexuels…

Alors je sais ce que vous allez me dire : « ce film n’est pas pour moi, c’est pour les Inrocks ». Bon, c’est vrai que les Inrocks ont adoré, mais on aurait tort de bouder ces voix, cet optimisme exprimé par le biais de la poésie urbaine (slam, spoken word, hip hop), qui parvient sans en avoir l’air à délivrer gentiment à la fois leçons de vie et messages d’espoir. Grand film optimiste, Summertime est donc le fruit de la collaboration entre le réalisateur Carlos Lopéz Estrada et d’un large groupe d’Angelenos bien déterminés à mettre des mots sur leur colère et leurs frustrations.

De Venice Beach aux collines d’Hollywood, en passant par tout un tas de quartiers que seuls les connaisseurs éclairés de la géographie de L.A seront capables de reconnaître, Summertime dresse donc le portrait plein d’humour d’une génération, en passant de façon ludique d’un personnage à l’autre en chaîne, chacun d’entre eux ayant finalement le droit à son petit moment de gloire. Pour tisser les liens entre les différents personnages, Carlos López Estrada s’est donc inspiré non seulement de La Ronde, mais aussi et surtout du cinéma de Richard Linklater, et en particulier de films tels que Slacker et Waking Life, adoptant comme lui une structure en mode « flux de conscience », avec l’aide d’une caméra très mobile se déplaçant à la manière d’un insecte, planant et écoutant les conversations pendant un moment, avant de s’envoler à nouveau, à la recherche d’une autre personne intéressante.

Les nombreux textes qui nous sont présentés dans Summertime sont personnels, et même clairement intimes – ils sont très différents les uns des autres stylistiquement parlant, et n’appartiennent définitivement qu’à leurs auteurs respectifs. Pour autant, les interprètes ne jouent pas nécessairement leur propre rôle à l’écran. Dans un premier temps, les différents personnages pourront être perçus comme des stéréotypes, mais là se situe précisément l’habileté de Carlos Lopéz Estrada et de son équipe : ils pointent du doigt le fait que les spectateurs, trop habitués aux clichés les plus éculés, se précipitent souvent sur des « étiquettes » par trop superficielles. Viendra alors seulement le « deuxième effet Kiss Kool », avec la découverte de personnages complexes, à l’image du flamboyant Tyris Winter, qui s’exprime par le biais d’avis sur Yelp, ou de la jeune Maia Mayor, dont le texte résume parfaitement la pression sociale subie par les femmes de la génération réseaux sociaux. Dans ce contexte, la poésie est non seulement vécue comme une thérapie, mais également comme une arme pour affronter le monde. Idem pour les autres Arts faisant occasionnellement leur apparition dans le film, tels que la Danse ou le graffiti.

À sa manière bon enfant, Summertime prend ainsi le pouls d’une ville et d’une génération, d’une façon finalement si convaincante que l’on se prendrait même à rêver que le film fasse des petits, et inspire en France un équivalent donnant la parole aux grands noms du Spoken Word, du slam et du hip hop – en bref de la culture urbaine. Même s’ils sont moins jeunes que les « Millenials » mis en scène par Carlos Lopéz Estrada, on imagine ce que pourrait donner une variation française du film imaginée par des fines plumes telles que Dooz Kawa, Lucio Bukowski, Julien Delmaire, Disiz, Hocine Ben ou encore Hippocampe fou.

Le coffret Blu-ray + DVD + Livret

[5/5]

A l’occasion de la sortie en Combo Blu-ray + DVD de Summertime, Metropolitan Vidéo se fend d’un objet assez superbe, rendant ses lettres de noblesse à l’appellation « Édition Collector », et rendant surtout un bel hommage à un film qui aurait mérité de rencontrer son public dans les salles. Il s’agit donc d’une bien belle édition, proposée dans un imposant coffret, contenant en plus d’un digipack 2 volets un beau livret de 36 pages riche en illustrations et en retranscriptions de poèmes – il s’agit d’un extrait du livre « Summertime : Odes to L.A », disponible à la vente sur Internet. On a donc entre les mains un véritable et bel objet de collection, mais Métro ne mise pas tout sur la présentation puisque l’éditeur nous a également rajouté plus d’une heure de suppléments sur le Blu-ray du film.

Côté galette, le Blu-ray du film nous propose une image littéralement impeccable : tourné en numérique, le film s’impose sans peine avec une définition accrue, des couleurs naturelles et des contrastes sans souci. Côté son, le film de Carlos López Estrada nous est proposé dans un mixage VO et DTS-HD Master Audio 5.1, à la spatialisation discrète mais bien réelle, qui profite surtout à d’intéressants effets d’ambiance, qui se développent à leur guise sur la scène arrière, l’immersion étant prolongée par un recours fréquent au caisson de basses. Tout à fait plaisant !

Dans la section suppléments, on commencera avec un intéressant making of (46 minutes), qui reviendra sur le parcours du film dans sa totalité, de la découverte de l’association Get Lit par Carlos López Estrada jusqu’à la présentation du film à Sundance, en passant bien sûr par le tournage. La parole est largement laissée aux artistes, le cinéaste restant la plupart du temps en retrait. Très intéressant ! On continuera ensuite avec une featurette suivant la rencontre entre Kelly Marie Tran et les poètes du film (8 minutes). Avec l’aide des artistes, l’interprète de l’héroïne dans Raya et le dernier dragon (un film également réalisé par Carlos López Estrada) s’efforcera d’écrire un poème personnel et étonnant, qu’elle déclamera en fin de sujet. On aura ensuite droit à une session de questions / réponses sur le film (12 minutes), également orchestrée par Kelly Marie Tran, qui nous permettra de mieux comprendre le fonctionnement « de groupe » des membres de Get Lit. On terminera avec un poème inédit (Home, Pt. 3) prenant place dans l’univers du film, récité de façon collégiale, et les anglophones confirmés pourront se régaler d’un commentaire audio du réalisateur, accompagné d’une partie des membres du casting, disponible en VO non sous-titrée.

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