Test Blu-ray : Réincarnations

0
182

Réincarnations

États-Unis : 1981
Titre original : Dead and buried
Réalisation : Gary Sherman
Scénario : Ronald Shusett, Dan O’Bannon
Acteurs : James Farentino, Melody Anderson, Jack Albertson
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h34
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 19 août 1981
Date de sortie DVD/BR : 8 octobre 2025

Le shérif de la petite bourgade de Potter’s Bluff mène une enquête sur une série de meurtres mystérieux. Le plus étrange est que certains témoins affirment revoir les victimes plusieurs jours après le drame…

Le film

[4/5]

Dans Réincarnations, Gary Sherman, accompagné de ses scénaristes Ronald Shusett et Dan O’Bannon, s’amusaient à faire un parallèle entre le citoyen modèle WASP et… le mort-vivant. Car les morts-vivants déambulant dans les rues du petit village côtier de Potter’s Bluff sont du genre à payer leurs impôts, à promener leur chien tranquilou et à vous regarder droit dans les yeux pendant qu’ils vous plantent une seringue dans l’orbite. Le film, sorti en 1981, s’inscrit dans cette vague de séries B américaines qui, pour notre plus grand bonheur, n’ont pas eu peur de mélanger les genres, ni de faire des doigts d’honneur aux conventions. Réincarnations, c’est un peu comme si Twin Peaks avait été tourné par un taxidermiste sous acide, avec un scénario signé par les deux lascars à qui l’on doit le premier Alien. Autant dire qu’on ne parle pas ici d’un épisode de Plus Belle la Vie

Ce qui frappe dans Réincarnations, c’est son ambiance. Potter’s Bluff, petite ville côtière visiblement sans histoire, devient le théâtre d’une série de meurtres aussi stylisés que dérangeants. Le film de Gary Sherman joue la carte du mystère horrifique, suivant l’enquête d’un shérif dépassé par les événements, incarné par James Farentino, et délivrant petit à petit les renseignements utiles au spectateur. La mise en scène, sans être révolutionnaire, sait se faire efficace : plans fixes oppressants, lumière vaporeuse, belle gestion du hors-champ… Mais Réincarnations ne se contente pas de faire peur. Il interroge. Sur la mort, bien sûr, mais aussi sur l’identité, la mémoire, et cette étrange pulsion humaine qui pousse à vouloir figer l’instant, quitte à le clouer dans un cercueil. Les morts reviennent, oui, mais pas pour bouffer des cerveaux : ils reviennent pour vivre, bosser, enseigner le vaudou et la magie noire à des gamins de CM1 et, accessoirement tuer les touristes de passage pour les faire intégrer la petite communauté, morte mais soudée, de Potter’s Bluff.

De fait, le film développe l’idée bizarre selon laquelle la mort n’est pas une fin, mais un processus administratif. Une sorte de reconversion professionnelle. On meurt, on revient, on enseigne la magie noire, on tue des gens, et on recommence. Le film pose la question de la normalité : qu’est-ce qui fait d’un être humain un vivant ? Son souffle ? Son regard ? Sa capacité à liker des vidéos de chats ou les derniers Trends obscènes à la mode sur TikTok ? Et en dépit de son sujet étrange, et grâce notamment à une atmosphère assez anxiogène, Réincarnations flirte avec le grotesque, mais ne tombe jamais dans le ridicule. Formellement, le film de Gary Sherman se distingue par ses effets spéciaux signés Stan Winston, futur oscarisé et ici en pleine démonstration de force. Les maquillages tiennent encore bien la route, même plus de quarante ans après la sortie du film en salles, et certaines scènes – notamment celle de la seringue dans l’œil – mériteraient d’être encadrées dans les toilettes d’un musée d’art contemporain.

En somme, Réincarnations est une pépite oubliée, un film qui mérite d’être exhumé (sans mauvais jeu de mots, quoique). Il offre une relecture du mythe du zombie à la fois intelligente et déviante, et rappelle que l’horreur peut être un terrain fertile pour la réflexion. Même si parfois, ça sent un peu le sapin, et que le rythme de l’ensemble traîne parfois la patte, le scénario compense par une vraie singularité, une audace tranquille, et une capacité à faire frissonner sans avoir recours à des jump scares de supermarché. De plus, on pourra ajouter que le film joue aussi sur les codes du comic-book, avec notamment un twist final digne des E.C. Comics des années 50, qui s’avère aussi jouissif et inattendu qu’un orgasme en pleine messe du dimanche.

Le Blu-ray

[4/5]

Disponible depuis de nombreuses années aux États-Unis la bannière de Blue Underground, le label créé en 2002 par le scénariste / réalisateur William Lustig (Maniac, Vigilante, Maniac Cop…), Réincarnations débarque enfin en France au format Blu-ray, grâce aux efforts d’ESC Éditions, qui lui permettent enfin aujourd’hui d’être découvert par le plus grand nombre, dans une édition Combo Blu-ray + DVD + Livret, présentée dans un très joli digipack trois volets. L’image, restaurée en 2K, offre un rendu très propre, avec une belle gestion des contrastes et une palette de couleurs qui respecte la photographie vaporeuse du chef opérateur Steven Poster. Les noirs sont profonds sans être bouchés, et les détails sur les maquillages de Stan Winston ressortent avec une netteté réjouissante. Quelques plans nocturnes souffrent d’un léger grain, mais rien de rédhibitoire.

Côté son, la VO en DTS-HD Master Audio 1.0 est claire et restitue parfaitement les ambiances glauques de Potter’s Bluff. La VF, également en DTS-HD Master Audio 1.0, fait le job, même si le doublage sent parfois le studio parisien des années 80, avec des intonations dignes d’un sketch des Inconnus. Les dialogues restent néanmoins audibles, et la musique de Joe Renzetti conserve toute sa puissance anxiogène. On notera par ailleurs que le film nous est également proposé en VO DTS-HD Master Audio 5.1, mais la spatialisation proposée par ce remixage n’est particulièrement agressive. Musique et dialogues sont présentés avec une présence de qualité sur le canal avant, parfois accompagnée d’un soutien environnemental très subtil sur le canal arrière. Malgré une présence principalement sur le canal avant, le morceau ne semble jamais à l’étroit, car il se déploie et se propage vers les enceintes avant droite et gauche avec des effets directionnels et une musique corrects : un mixage simple et direct qui soutient le film avec brio.

Les suppléments du Blu-ray de Réincarnations édité par ESC Éditions sont plutôt généreux. On commencera par un retour sur la carrière de Dan O’Bannon (26 minutes) par Alexandre Jousse. Très complet et didactique, ce sujet aborde en voix off la carrière hors-normes du coscénariste d’Alien et futur réalisateur du Retour des Morts-vivants. Une excellente introduction pour qui voudrait se lancer dans la découverte de ce scénariste de génie. On trouvera ensuite un entretien avec Michel Landi (21 minutes), formidable affichiste. Dans son atelier, il reviendra sur son parcours et son métier, répondant aux questions de Jacques Ayroles, ancien directeur du fonds d’affiches de la Cinémathèque Française. Le rapport avec Réincarnations est flou (l’affiche du film n’est pas signée Michel Landi mais Dario Campanile), mais il permet d’opérer une transition avec le sujet suivant, un entretien avec Jean-Manuel Costa (9 minutes), qui reviendra sur son travail sur la réalisation de la bande-annonce française du film de Gary Sherman, qui animait en stop-motion la fameuse affiche de Campanile. Le tout est naturellement complété par les bandes-annonces, française et américaine, et par un livret de 34 pages signé Marc Toullec et intitulé « Réincarnations : Le village des damnés », qui revient sur la genèse du film et ses influences. Un bel objet, donc, pour un film qui mérite largement sa place dans toute vidéothèque digne de ce nom.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici