Test Blu-ray : My own private Idaho

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My own private Idaho

États-Unis : 1991
Titre original : –
Réalisation : Gus Van Sant
Scénario : Gus Van Sant
Acteurs : River Phoenix, Keanu Reeves, James Russo
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h44
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 15 janvier 1992
Date de sortie DVD : 26 novembre 2018

Scott et Mike sont prostitués et amants. Mais si Scott, dont le père est très riche et qu’il déteste, a un avenir tout tracé, Mike, quant à lui, traqué par ses souvenirs, sombre dans des crises de narcolepsie. Au cours d’un voyage en Italie, Scott tombe amoureux de Carmella et abandonne Mike…

Le film

[5/5]

En 1991, la découverte de My own private Idaho a marqué la découverte de Gus Van Sant, cinéaste qui ferait parler de lui au cœur de la sphère cinéphile tout au long des années 90-2000, avec un pic de popularité inédit en 2003, puisqu’il obtiendrait la prestigieuse Palme d’Or à Cannes avec Elephant. Depuis une dizaine d’années cependant, le cinéaste fait un peu moins parler de lui. On salue donc bien bas l’initiative de Metropolitan Vidéo, qui a décidé de coupler la sortie du tout dernier film, Don’t worry he won’t get far on foot (lire notre article), à la sortie en Blu-ray de son troisième long-métrage, My own private Idaho donc, unanimement reconnu comme le plus grand chef d’œuvre de sa carrière.

Pour les spectateurs l’ayant découvert en salle dans les années 90, le souvenir de My own private Idaho reste profondément ancré non seulement à la personnalité de River Phoenix, décédé en 1993 à l’âge de seulement 23 ans, mais également à une époque où l’identité sexuelle était une thématique forte du cinéma indépendant américain et international, ce qui avait ouvert la voie à de nombreux films puissants, très émouvants, tels que The crying game (Neil Jordan, 1992), ou développant une rage et une énergie incommensurable, tels que les films de Gregg Araki The living end (1992), Totally f***ed up (1993) ou The doom generation (1995). On pense aussi à des cinéastes tels qu’Atom Egoyan (The adjuster, 1991) ou Hal Hartley (Trust me en 1991, Amateur en 1994), qui signaient également à la même période des œuvres fortes et personnelles, qu’on était persuadé, en tant que cinéphile, de ne jamais oublier. Mais la « pérennité » en termes de cinéma a ses raisons que la raison ignore, et la plupart de ces films sont aujourd’hui, et contre toute attente, largement oubliés, invisibles. « Cultes », peut-être, pour certains d’entre eux. Tous sont à redécouvrir en tous cas.

Le troisième film de Gus Van Sant fait donc partie de cette vague de films, et se pose comme à la croisée des chemins entre toutes les œuvres citées un peu plus haut : à la fois sulfureux, assez poignant et par moments quasi-expérimental, My own private Idaho s’avère un très beau portrait de jeunes en perdition, errant au cœur d’un monde dont ils n’attendent, au final, peut-être déjà plus rien. River Phoenix et Keanu Reeves, bien que fort différents, s’imposent comme les deux faces d’une même pièce, la sensibilité à fleur de peau : ils crèvent littéralement l’écran. Derrière la caméra, Gus Van Sant ose tout, brisant le côté sans cesse le côté « réaliste » de l’ensemble, mais parvient tout de même, malgré l’utilisation d’effets formels gonflés et parfois un peu kitsch, à plonger le spectateur au cœur même de l’action, à le forcer presque à partager la philosophie de vie des personnages à l’écran : tout est question d’équilibre, et la justesse est paradoxalement toujours de la partie, en dépit des nombreuses digressions comiques ou théâtrales (le film est adapté de la pièce de Shakespeare « Henry IV ») que nous assène le récit, en dépit aussi des délires visuels du cinéaste, qui donnent au récit des allures baroques et lui apportent au final une réelle valeur ajoutée.

Le Blu-ray

[5/5]

My own private Idaho vient donc de débarquer en Blu-ray sous les couleurs de Metropolitan Vidéo, qui nous livre comme de coutume une galette Haute Définition superbe et soignée. Le film de Gus Van Sant a visiblement été restauré, et le résultat est à la hauteur de nos attentes : l’image est débarrassée de toute tache ou poussière, d’une stabilité impeccable et définition et piqué sont littéralement excellents. Ce nouveau transfert respecte à la lettre la photo du film et un tournage à majorité en extérieur, le grain a été préservé et l’encodage ne nous réserve aucune mauvaise surprise. Côté son, la VO est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, mais a également été remixée en DTS-HD Master Audio 5.1, sans que cela ne dénature outre mesure l’esprit du mixage d’origine ; la VF quant à elle est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0 et respecte la sobriété de l’ensemble. La profondeur et la clarté sont de la partie, les mixages sont bien équilibrés ; on ne remarque ni souffle, ni craquement, ni distorsion numérique quelconque.

Du côté des suppléments, My own private Idaho s’offre une édition également très complète. L’éditeur a en effet recyclé le DVD de suppléments de son édition collector de 2006, qui reprenait déjà les excellents suppléments de l’édition « Criterion » aux États-Unis. L’éditeur nous propose donc tout d’abord un making of rétrospectif d’environ trois quarts d’heure au cœur duquel le monteur Curtis Clayton, les directeurs de la photo John Campbell et Eric Alan Edwards ainsi que le directeur artistique David Brisbin reviendront sur le scénario du film, les idées visuelles de Gus Van Sant, ainsi que sur l’atmosphère générale du tournage et du long-métrage. On poursuivra ensuite avec une analyse du film intitulée « Les rois de la route ». Le spécialiste du cinéma Paul Arthur y proposera un retour sur le film par le prisme des œuvres de Shakespeare et d’Orson Welles : personnages, emprunts à la littérature classique, tout est passé au crible et l’ensemble, bien qu’un peu longuet, s’avère assez passionnant. On poursuivra le tour du propriétaire avec un petit quart d’heure de scènes coupées, puis on se régalera de plusieurs entretiens tournant autour du film : on s’échauffera avec un entretien avec la productrice Laurie Parker et Rain Phoenix, petite sœur de River et Joaquin Phoenix (20 minutes environ), pour d’avantage se concentrer sur une rencontre entre Gus Van Sant et Todd Haynes (audio) : les deux cinéastes y évoqueront durant environ une heure l’émergence d’un nouveau cinéma gay, le scénario initial de My own private Idaho, le financement du film et les acteurs River Phoenix et Keanu Reeves, et parleront également du tournage de certaines scènes en particulier. On terminera enfin avec une rencontre entre Gus Van Sant, Jonathan Caouette et JT Leroy, alias Laura Albert (audio). Ceux-ci y discuteront de l’influence de My own private Idaho sur le film Tarnation, réalisé par Jonathan Caouette en 2004 ainsi que sur les romans de JT LeRoy (« Le livre de Jérémie » entre autres).

On notera cela dit que cette édition nous propose surtout un riche livret inédit de 16 pages signé Nicolas Rioult, proposant une passionnante analyse du film en partant d’une assertion d’Agnès Varda. Un exemple de livret vraiment inspiré, dont la lecture est facile et addictive, surpassant de loin ceux proposés par d’autres éditeurs (suivez mon regard), signés par des journalistes réputés pour leur participation passée à un magazine prestigieux, mais dont le but est de faire du remplissage sur un livret en mode « automatique », paraphrasant IMDb même quand ils n’ont rien à dire. Nicolas Rioult, lui, a des choses à dire, et les fait partager avec sa plume de talent. Chapeau bas donc.

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