Test Blu-ray : Mutant

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Mutant

États-Unis : 1982
Titre original : Forbidden World
Réalisateur : Allan Holzman
Scénario : Tim Curnen, Jim Wynorski, R.J. Robertson
Acteurs : Jesse Vint, Dawn Dunlap, June Chadwick
Éditeur : BQHL Éditions
Durée : 1h17
Genre : Science-Fiction, Horreur
Date de sortie cinéma : 15 décembre 1982
Date de sortie DVD/BR : 27 juillet 2021

Dans un avenir très lointain, sur l’hostile planète Xarbia, des scientifiques réfugiés au sein d’un laboratoire, s’efforcent de trouver une solution au problème de la faim ravageant la galaxie en croisant des cellules humaines et des bactéries extraterrestres. De leurs éprouvettes ne sort cependant pas ce qu’ils espéraient, mais une monstrueuse créature, très agressive, qui massacre tous ceux qu’elle croise. Comment l’arrêter avant qu’il n’y ait plus âme qui vive sur Xarbia ? La question se fait de plus en plus pressante…

Le film

[4/5]

Le début des années 80 fut une période faste pour le cinéma d’exploitation, que cela soit en Italie ou aux États-Unis, où des producteurs malins tentaient de reproduire à moindre coût les gros succès du box-office par le biais de séries B qui firent le bonheur de la Génération VHS. Tourné grosso modo à la même époque que Les Monstres de la mer, pour le compte de New World Pictures et donc sous la houlette de Roger Corman, Mutant fait donc partie de ces séries B de science-fiction qui pillaient allégrement et sans vergogne les blockbusters de l’époque – on pensera principalement ici à La guerre des étoiles, Alien et The Thing.

En fait, à sa sortie en 1982, Mutant n’est pas la première expérience de Roger Corman dans le monde du space opera : il avait en effet déjà produit Les Mercenaires de l’espace en 1980, et La Galaxie de la terreur en 1981, avec pour celui-ci rien de moins qu’un jeune James Cameron au poste de chef décorateur. Corman recyclera d’ailleurs quelques décors imaginés par Cameron pour ce nouveau film, ni vu ni connu, durant la première partie du métrage, qui suit le voyage spatial de Mike (Jesse Vint) et de son robot SAM-104 (Don Olivera), contraints de passer à la vitesse « atomique » pour éviter des ennemis – recyclés quant à eux des Mercenaires de l’espace – et se rendre dans une station de recherche génétique qui marquera le début d’une intrigue plus largement resucée d’Alien.

Derrière la caméra, le réalisateur Allan Holzman fait ce qu’il peut, essayant de toutes ses forces de livrer un spectacle excitant dans les limites du budget lui ayant été alloué par Roger Corman : monstres dégoûtants, effets gore en abondance, nudité totalement gratuite… Mutant ne tarde pas, dès lors, à s’imposer comme un pur film d’exploitation, proposant une connivence certaine avec le spectateur. Le « Sujet 20 » est une créature gentiment dégueulasse, se transformant à plusieurs reprises au fil du film, mais cela n’empêche par le réalisateur de remplir le cahier des charges lui ayant été imposé : l’action se verra ainsi régulièrement interrompue afin de présenter des scènes de sexe torride mettant en scène Mike et le personnel féminin de la base (June Chadwick et Dawn Dunlap), poussant le vice jusqu’à proposer de nombreux inserts érotiques durant les scènes de suspense (?!).

Et au final, le moins que l’on puisse dire est que ce spectacle déviant fonctionne plutôt bien dans le registre de ce que l’on appelle de façon un peu péjorative les « frissons bon marché », Mutant versant sans jamais se prendre au sérieux dans les excès en tous genres. Pour autant, le film d’Allan Holzman par vient tout de même à tirer son épingle du jeu, notamment en développant à l’image une atmosphère lourde de menace, constamment humide et peu accueillante – on a presque l’impression que l’odeur nauséabonde des couloirs de la base nous parviennent aux narines, rien qu’en le regardant. Cette impression presque baroque de pourrissement avancé est d’ailleurs renforcée par des effets visuels pas piqués des hannetons : corps fondant littéralement en une espace de magma visqueux, têtes trouées, membres arrachés, sang giclant dans les quatre coins du cadre…

Malgré sa durée très courte (1h17), Mutant parvient donc tout de même à intégrer un certain nombre d’effets et plus largement de scènes entières qui, d’un strict point de vue narratif, pourront paraitre assez superflues : sexe, nudité, effets craspec et musique bizarre se succéderont donc sur un montage étrange, blindé de plans très courts, parfois quasi subliminaux. Mais même durant ces scènes, le film avance toujours sur un rythme soutenu, maintenant toujours l’intérêt des spectateurs suffisamment en éveil pour leur donner envie de continuer, ne serait-ce peut-être que pour voir jusqu’où Allan Holzman et Roger Corman vont aller. Et heureusement, Mutant s’en tient le plus souvent à ses principes de base, réduisant le charabia scientifique et les interactions entre les personnages à leur strict minimum.

Mutant est donc assez efficace dans son domaine, et les limites techniques de l’ensemble – ainsi que celles de la musique du film, signée Susan Justin – finissent même par lui ajouter un charme supplémentaire, ce qui contribue clairement à lui conférer un statut de petit plaisir coupable. Une parfaite distraction pour celles et ceux qui ne verront rien de rédhibitoire dans ses aspects les plus « cheap ».

Le Blu-ray

[4/5]

Les cinéphages et autres bouffeurs de VHS dans les années 80 ne sauraient exprimer leur bonheur de voir débarquer Mutant au format Blu-ray en France. On salue donc bien bas l’initiative de BQHL Éditions d’avoir sorti le film d’Allan Holzman de l’oubli dans lequel il était tombé depuis quelques années. C’est d’autant plus plaisant de retrouver ce gros « Bis » qu’il nous est ici proposé dans des conditions remarquables. Côté image, la copie est quasi-irréprochable : la restauration a été faite avec soin, et le Blu-ray (naturellement encodé en 1080p) s’impose sans peine comme tout à fait respectueux des couleurs et de la granulation d’origine, tout en proposant un piqué et un niveau de détail assez bluffants. Les contrastes ne sont jamais pris à revers, et les (nombreuses) scènes nocturnes ne souffrent jamais de noirs « bouchés ». Les pistes audio ne sont pas en reste : les deux mixages (VF / VO) sont proposés en LPCM Audio 2.0 (mono d’origine). Les amateurs de versions françaises surannées se régaleront probablement du doublage du film, assuré entre autres par Céline Monsarrat, qui n’est pas seulement « LA » voix française de Julia Roberts mais fut également une des grandes voix de l’animation des années 80 (la Schtroumpfette dans Les Schtroumpfs, Bulma dans Dragon Ball…). Un beau boulot technique.

Du côté des suppléments, BQHL Éditions est allé nous dégotter – sur l’édition américaine de chez Shout ! Factory – une poignée d’entretiens et de documents d’archive tout à fait intéressants. On commencera déjà par le fait de pouvoir découvrir le film dans sa version Director’s Cut, cinq minutes plus longue que la version que nous connaissons. Vous pourrez retrouver le détail des différences entre les deux versions sur le site de référence Movie-Censorship. On continuera ensuite avec un entretien avec Roger Corman (6 minutes), qui permettra au mogul américain de revenir sur le recyclage des décors tirés de productions précédentes. Il évoquera l’influence d’Alien, et le changement du titre original – Mutant, comme chez nous – pour Forbidden World. Il terminera avec quelques mots sur le casting, les lieux de tournage, les effets spéciaux et la post-production du film.

Place ensuite au gros morceau de cette interactivité : un passionnant making of rétrospectif (34 minutes). Ce dernier donnera la parole à Allan Holzman (réalisation / montage), Robert Skotak (effets spéciaux), Dennis Skotak (photo), Christopher Bigg (maquillages), Aaron Lipstadt (réal de seconde équipe),Tony Randl (effets optiques), Jesse Vint (acteur) et Susan Justin (musique). Leurs propos, détendus et sans langue de bois, permettront de se faire une idée plus précise de la genèse et de la production du film. Conçu dans l’urgence par Roger Corman, le film a visiblement bénéficié du talent d’une équipe compétente, travaillant vite et bien. Les difficultés pour trouver les deux actrices principales sont abordées, de même que les exigences de Corman en termes de nudité à l’écran, qui ont semble-t-il compliqué le tournage. On notera par ailleurs une poignée d’anecdotes amusantes, concernant notamment les éléments humoristiques que Corman a exigé de couper ou l’utilisation de vrais cadavres d’animaux sur le plateau. Aaron Lipstadt, qui réaliserait Androïd pour le compte de New World Pictures quelques mois plus tard, reviendra également sur le côté « formateur » de son expérience sur Mutant.

On terminera enfin avec un sujet consacré aux effets spéciaux du film (14 minutes), aux côtés de la légende John Carl Buechler (1952-2019), qui reviendra sur sa rencontre avec Roger Corman ainsi que sur son boulot sur le film. La traditionnelle bande-annonce fermera le bal, mais avec BQHL Éditions, quand il n’y en a plus, il y en a encore, puisque le boitier du Blu-ray contient également un livret inédit de 24 pages signé Marc Toullec. Comme à son habitude, Marc Toullec a réuni de très nombreux entretiens qu’il organise afin de nous livrer un récit précis et complet de la production de Mutant. Dans le cas présent, son texte contient quelques redondances avec le making of disponible sur le Blu-ray, mais l’ensemble est comme toujours passionnant et facile à lire.

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