Test Blu-ray : Les Chambres rouges

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Les Chambres rouges

Canada : 2023
Titre original : –
Réalisation : Pascal Plante
Scénario : Pascal Plante
Acteurs : Juliette Gariépy, Laurie Babin, Elisabeth Locas
Éditeur : ESC Éditions
Genre : Thriller
Durée : 1h58
Date de sortie cinéma : 17 janvier 2024
Date de sortie DVD/BR : 29 mai 2024

Deux jeunes femmes se réveillent chaque matin aux portes du palais de justice de Montréal pour pouvoir assister au procès hypermédiatisé d’un tueur en série qui les obsède, et qui a filmé la mise à mort de ses victimes. Cette obsession maladive les conduira à tenter par tous les moyens de mettre la main sur l’ultime pièce du puzzle, qui pourrait permettre de définitivement confondre celui que l’on surnomme le Démon de Rosemont : la vidéo manquante de l’un de ses meurtres…

Le film

[4/5]

Si on pourra sans aucun doute, et par facilité, ranger Les Chambres rouges dans la catégorie du « thriller », le fait est que l’œuvre de Pascal Plante n’a absolument rien à voir avec les canons du genre, du moins tels qu’ils ont été popularisés depuis la fin du Vingtième Siècle par le Se7en de David Fincher. Alors, bien sûr, Pascal Plante nous livre bel et bien ici un film de tueur en série, mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’il s’est vraiment efforcé de triturer son matériau de base dans le but de livrer au spectateur quelque chose de nouveau et d’original.

Prenant, dans un premier temps, l’apparence d’un drame judiciaire, Les Chambres rouges est un film trompeur, n’allant jamais vraiment dans la direction attendue, et ne suivant pas de schéma narratif habituel. En dépit des premières minutes du film, qui prennent place au palais de justice de Montréal, la procédure judiciaire ne semble pas réellement intéresser Pascal Plante, et finalement, le personnage du tueur – Ludovic Chevalier, alias le « Démon de Rosemont » – reste finalement également en retrait durant tout le film, même si l’acteur Maxwell McCabe-Lokos s’offre probablement le passage le plus glaçant de tout le métrage, et ce juste grâce à un petit mouvement de la main et trois doigts qui s’agitent… Mais qui à coup sûr vous hanteront longtemps.

Mais le cœur des Chambres rouges est ailleurs, et se situe dans le mystère malsain entourant le personnage de Kelly-Anne, magistralement interprété par Juliette Gariépy. Ses motivations sont troubles, et il est clair que quelque chose ne tourne pas rond chez elle. S’agit-il d’une justicière, d’un copycat, d’une complice ? Les actes qu’elle commet à la fin du film étaient-ils prévus dès le départ ? Ses motivations sont-elles d’ordre sexuel ? Ou cherche-t-elle simplement à résoudre l’affaire Chevalier ? Nul ne saurait le dire avec précision – ni le spectateur, ni le scénariste/réalisateur Pascal Plante, ni même l’actrice principale.

Toujours est-il que Les Chambres rouges fonctionne à sa curieuse manière, avec une tension et un sentiment de malaise diffus qui montent lentement jusqu’à devenir presque insupportable, et qui culminent dans une scène littéralement cauchemardesque – que l’on croirait tirée de Twin Peaks : Fire walk with me – durant laquelle Kelly-Anne, les cheveux blonds fraîchement teints, met des lentilles de contact bleues et enlève son manteau pour révéler qu’elle porte un uniforme scolaire en tous points similaire à celui porté par la troisième et dernière victime du Démon de Rosemont.

Contrairement à Clémentine (Laurie Babin), qui est tombée amoureuse du tueur, et dont elle fait la rencontre au deuxième jour du procès, Kelly-Anne ne semble absolument pas croire en l’innocence de Ludovic Chevalier. Dès les premières séquences des Chambres rouges, elle semble au contraire convaincue de sa culpabilité, et nourrir une fascination morbide pour le tueur. Le côté froid, monomaniaque et le manque d’empathie de Kelly-Anne créent un véritable rapport de force au sein de son amitié naissante avec Clémentine, même si on peut avoir l’impression, grâce à l’agencement de certaines séquences, qu’une idylle pourrait même voir le jour entre les deux jeunes femmes.

Cela dit, le manque d’empathie que l’on peut percevoir chez Kelly-Anne n’est pas total. Durant la première scène de procès, on peut en effet la voir pleurer, et le départ de Clémentine sera également un des rares passages du film durant lesquels l’héroïne des Chambres rouges perdra son self-control. Peut-être la rencontre entre les deux femmes a-t-elle créé une faille chez Kelly-Anne, toujours est-il qu’il y a quelque chose d’erratique et de mystérieux dans son comportement, que l’on retrouve jusque dans son appartement, qui s’impose comme une boîte stérile perchée dans le ciel de Montréal, doublée d’une véritable forteresse informatique où elle vit avec Guenièvre, une IA qui fait office pour elle de famille, d’amie, presque de confidente.

Une poignée de scènes invitent donc le spectateur à découvrir la froide intimité de Kelly-Anne, ainsi que son rapport à la technologie. Lors de ces séquences nous montrant le visage de Juliette Gariépy absorbé dans la contemplation d’écrans, Les Chambres rouges met en évidence la vulnérabilité de tout un chacun à l’ère de l’Internet. La facilité effarante avec laquelle Kelly-Anne trouve des informations personnelles sur les familles des victimes et découvre des informations que la police mettait à l’abri des regards indiscrets souligne de façon assez brillante les limites – et les dangers – de notre utilisation des outils numériques, et en particulier des réseaux sociaux.

Mais Les Chambres rouges met également en évidence le fait qu’à l’inverse, l’isolement extrême et paranoïaque dans lequel vit Kelly-Anne n’est pas non plus la solution la plus saine. En ce sens, il est significatif que le pseudo de Kelly-Anne sur le Net soit « Lady of Shalott ». Il s’agit d’une référence à un poème arthurien d’Alfred Tennyson : la Dame de Shalott ayant l’interdiction de regarder directement la réalité du monde extérieur, elle était condamnée à voir le monde à travers un miroir. Kelly-Anne vit dans une isolation similaire, observant le monde – et le bien nommé Chevalier – à travers les écrans du dark web. Et comme dans le cas de la Dame de Shalott, qui déclencha une malédiction en observant Lancelot, le fait pour Kelly-Anne d’observer « directement » Ludovic Chevalier marquera le début d’une série d’événements funestes.

Le Combo Blu-ray + DVD

[4/5]

Côté Blu-ray, Blaq Out nous livre avec cette galette Haute-Définition des Chambres rouges un encodage pour le moins soigné : l’ensemble est d’une précision absolue, avec des couleurs éclatantes, explosives même, et un piqué précis, qui ne trouvera ses limites que sur une poignée de scène en très basse lumière ou saturées de couleurs extrêmement vives. S’il a dû composer avec l’ambiance visuelle pour le moins singulière du film et avec la photo très particulière de Vincent Biron, l’éditeur s’en tire vraiment bien, et nous propose véritablement d’entrer au cœur du film de la façon la plus convaincante qui soit. Côté son, le film est encodé en DTS-HD Master Audio 5.1, et le mixage s’avère vraiment impérial, fin, intense, bien spatialisé et vraiment spectaculaire durant les séquences les plus angoissantes du film.

On notera que même si le film est tourné en français, une poignée de passages apparaîtront comme automatiquement sous-titrés, principalement quand les deux actrices du film utilisent des locutions typiquement québecoises. Cela dit, on comprend toujours la totalité de leurs propos, et on aurait donc parfaitement pu se passer de ces sous-titres. On notera également que Blaq Out n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent si vous visionnez Les Chambres rouges sur un « simple » téléviseur.

Dans la section suppléments, on commencera par un commentaire audio de Pascal Plante, très informatif, qui sera complété par plusieurs bonus vidéo assez passionnants. Le premier consiste en un entretien avec Pascal Plante et Juliette Gariépy (32 minutes). Le cinéaste et l’actrice principale reviendront sur le projet ainsi que sur leur rencontre. Pascal Plante évoquera ses recherches sur le sujet ainsi que sur le script et la part d’improvisation laissée à ses acteurs. Une partie de l’entretien sera consacrée au personnage de Kelly-Anne, et plus précisément sur ses motivations, qui sont laissées à l’interprétation de chacun. Plusieurs pistes sont ainsi amorcées, certaines venant du réalisateur ou de Juliette Gariépy, d’autres leur ayant été soumises par des spectateurs ayant vu le film. Pascal Plante évoquera également la musique du film, composée par son frère Dominique Plante à partir d’une tracklist que le réalisateur avait définie.

On continuera ensuite par une séance de questions / réponses avec le public (25 minutes), le tout ayant été enregistré lors d’une avant-première française du film. On y évoquera également les motivations de Kelly-Anne, et un spectateur dressera un parallèle entre Les Chambres rouges et la série de comic books Red Room d’Ed Piskor, qui explore le même genre de légende urbaine que le film de Pascal Plante. Les spectateurs évoqueront également quelques détails formels du film et leur signification : le fond d’écran de Kelly-Anne, ou le signe de la main du tueur. L’idée d’une suite est également évoquée. On terminera enfin avec les shootings photos de Kelly-Anne (2 minutes), ainsi qu’avec un mini-concert du compositeur Dominique Plante et de ses musiciens (20 minutes), qui nous proposent de nous rejouer la bande-originale du film en « live ». L’éditeur a également attiré notre attention sur le fait qu’un making of (49 minutes) a également été ajouté sur un DVD Bonus : il s’agit d’un assemblage de moments volés sur le tournage du film, sans voix off ni intervention de l’équipe, qui nous permettra de saisir l’ambiance sur le plateau et de contempler Pascal Plante au travail.

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