Les Cavaliers
États-Unis : 1959
Titre original : The Horse Soldiers
Réalisation : John Ford
Scénario : John Lee Mahin, Martin Rackin
Acteurs : John Wayne, William Holden, Constance Towers
Éditeur : Rimini Éditions
Genre : Western
Durée : 2h00
Date de sortie cinéma : 30 septembre 1959
Date de sortie DVD/BR : 6 novembre 2024
Une troupe de soldats de l’Union prend la route vers le Sud dans l’intention de détruire une ligne de chemin de fer à Newton Station. La section est menée par le rude Colonel Marlowe et un médecin major à qui tout l’oppose. Une belle sudiste est forcée d’accompagner les soldats dans ce qui va devenir la mission la plus difficile et la plus meurtrière de la guerre civile américaine…
Le film
[3,5/5]
Tourné entre le chef d’œuvre La Prisonnière du désert (1956) et L’Homme qui tua Liberty Valance (1962), que beaucoup considèrent comme le dernier grand film de la prolifique carrière de John Ford, Les Cavaliers est quant à lui généralement considéré, à l’image de films tels que Le Sergent noir ou Les Deux Cavaliers, comme un Ford « mineur ». Sans forcément chercher à infirmer ou confirmer cette assertion, il convient de se demander ce qu’est exactement un Ford mineur. Parce qu’en toute objectivité, à la découverte des Cavaliers, on a tendance à se dire qu’un film de John Ford, même plus faible que les autres, reste encore tout à fait capable de rivaliser avec – voire même de surpasser – pratiquement tous les westerns Hollywoodiens produits à la même époque. De plus, si Les Cavaliers est un des maillons faibles de la filmographie de John Ford, mais cela ne l’a pas empêché de rencontrer un joli succès commercial à sa sortie en 1959, et 65 ans plus tard, il reste un divertissement solide et intéressant, riche en séquences d’action explosives et soutenu par les performances délicieusement piquantes de ses deux personnages principaux, incarnés par William Holden et John Wayne, l’acteur fétiche de Ford.
Même si la filmographie de John Ford comporte plus d’une vingtaine de westerns, Les Cavaliers s’avère le seul long-métrage du cinéaste consacré à la guerre de Sécession. Adapté du roman « The Horse Soldiers » de Harold Sinclair, lui-même basé l’histoire vraie d’une brigade de cavalerie de l’Union menée par le colonel Grierson, qui a parcouru près de 1000 kilomètres à l’intérieur du territoire sudiste, sabotant des voies ferrées, faisant sauter des ponts et détruisant des entrepôts confédérés en chemin. John Wayne incarne le colonel John Marlowe, un ancien ingénieur des chemins de fer chargé de mener ces dangereux raids derrière les lignes ennemies. Ses méthodes sont expéditives, visant à agir rapidement, afin de faire le maximum de dégâts pour perturber les lignes de ravitaillement confédérées et de filer au plus vite. Conformément au règlement, le personnage de John Wayne devra intégrer à ses hommes le major Henry Kendall (William Holden), chirurgien de son état, mais depuis la mort de sa femme suite à une opération ratée, Marlowe déteste les médecins, et entre les deux hommes, les débuts sont difficiles…
Les Cavaliers étant adapté d’une histoire vraie, le spectateur connaît à priori déjà le dénouement de l’histoire, et du raid de Grierson sur Newton’s Station : on sait donc déjà que les Yankees réussiront leur coup. De ce fait, John Ford n’utilise la guerre de Sécession que comme toile de fond afin de développer d’un mélodrame d’époque haut en couleurs, et fait le choix de concentrer sa narration sur les interactions entre les personnages. Entre Marlowe et Kendall tout d’abord ; s’ils combattent bel et bien dans le même camp, les deux hommes sont constamment en désaccord, discutant les décisions de commandement en se toisant avec une méfiance réciproque. Pour couronner le tout, les deux officiers se retrouvent confrontés à une femme, Hannah Hunter (Constance Towers), qui après avoir accueilli Marlowe et ses hommes, s’apprêtait à divulguer des informations capitales aux troupes confédérées voisines. Hannah est donc faite prisonnière, et un triangle amoureux flou se formera peu à peu entre Marlowe, Kendall et Hannah, même si le film évite de s’aventurer sur un terrain trop romantique.
Comme d’habitude chez John Ford, les scènes de batailles que l’on retrouve tout au long des Cavaliers sont filmées à grande échelle, et bien qu’elles manquent de l’intensité et du spectacle visuel de certaines de ses œuvres précédentes, on y trouve plusieurs scènes mémorables, à l’image de l’assaut sur Newton’s Station, ou de cette scène durant laquelle le personnage incarné par John Wayne est confronté à un dilemme moral, lorsqu’il se retrouve face à des troupes de soldats très jeunes. On notera également que grâce à ces scènes, qui fonctionnent en parallèle avec le mélodrame qui se joue du côté des soldats, Les Cavaliers parvient à humaniser les deux camps rivaux et de révéler comment la guerre les affecte et les transforme de la même manière. C’est le point principal que les interactions entre Marlowe, Kendall et Hannah soulignent à maintes reprises : leurs différences, intellectuelles ou politiques, sont dénuées de sens car ils sont entourés par la mort et en subissent les conséquences. Très intéressant !
Le coffret Blu-ray Mediabook
[4/5]
Les Cavaliers est disponible depuis quelques mois dans une superbe édition Médiabook collector Blu-Ray + DVD incluant le film dans un tout nouveau master HD (restauré par le laboratoire TCS à la demande de Rimini), ainsi qu’un livre de 184 pages retraçant les 50 ans de carrière de John Ford et ses principaux westerns, avec de nombreuses photos rares et inédites. L’ensemble est accompagné de plus de trois heures de bonus : une édition incontournable pour tous les fans de western et de John Ford ! On passera rapidement sur la copie en elle-même, qui est satisfaisante malgré de nombreux défauts. L’image a été nettoyé et lissée, et une couche de grain numérique a été rajoutée par au-dessus afin de recréer un aspect argentique. On ne déplorera ni rayures ni griffes disgracieuses, et le Blu-ray propose une image d’une stabilité remarquable, mais l’ensemble comporte tout de même un côté très artificiel et bidouillé. Côté son, l’éditeur nous propose une version originale en DTS-HD Master Audio 2.0 mono, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs, le rendu acoustique est limpide, tonique et bien équilibré. Une belle restitution. La VF, qui nous est également proposée en DTS HD Master Audio 2.0, est claire et stable, mais elle ne dispose pas de l’ampleur générale de la VO.
Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose tout d’abord un livre de 184 pages écrit par Marc Toullec et intitulé « John Ford, Monument Man : le réalisateur et ses westerns ». Richement illustré, ce gros bouquin retrace la carrière de John Ford dans le genre western, depuis l’ère du muet jusqu’à ses westerns des années 60. Marc Toullec aborde 21 films dans le détail, en les remettant dans leur contexte de production et en évoquant les scénarios ainsi que les acteurs, sans entrer dans l’analyse approfondie. On continuera sur la galette proprement dite, en se penchant tout d’abord sur le commentaire audio de Joseph McBride (hérité du Blu-ray édité par Kino Lorber aux États-Unis). L’auteur du pavé « À la recherche de John Ford » (Actes Sud, 2007) nous livre un commentaire très instructif : on y apprendra notamment que John Ford était passionné par la guerre de Sécession, et possédait près de 6000 livres sur le sujet. Il reviendra sur l’adaptation du livre de Harold Sinclair, sur personnage de Hannah Hunter, les parallèles avec les personnages réels, la photo signée William H. Clothier, etc. On apprendra également que John Ford prévoyait de réaliser un western en Italie, mais que le projet ne s’est finalement pas concrétisé.
On continuera ensuite par une conversation entre Margaux Baralon et Emmanuel Raspiengeas (40 minutes). Journaliste cinéma, Margaux Baralon intervient régulièrement sur Europe 1 et FilmoTV, et Emmanuel Raspiengas écrit pour le magazine Positif. Sur le ton de la conversation badine, ils évoqueront le montage financier du film, le tournage, ou encore la mort accidentelle d’un cascadeur, qui va profondément affecter le cinéaste. Ils souligneront le fait que les héros du film font la guerre sans porter d’armes, mettront en évidence l’ébauche de comédie romantique non assumée, et évoqueront finalement la réception du film par la critique. On enchainera avec un entretien avec John Ford (29 minutes), extrait de l’émission « Cinéastes de notre temps » consacrée au cinéaste et diffusée en 1966. Cette interview permettra au cinéaste de revenir sur son parcours, de sa vie de cow-boy en Arizona à son arrivée à Hollywood, puis d’évoquer sa passion pour le western et sa façon de diriger les acteurs. Il reviendra également sur la grosse machinerie Hollywoodienne, et la façon dont il tournait ses films en gardant à l’esprit le fait que ceux-ci allaient s’exporter sur les marchés étrangers, et notamment en France. Outre la traditionnelle bande-annonce, on terminera le tour des bonus par un entretien avec William Holden (12 minutes), extrait d’un épisode de l’émission « Ciné Regards » diffusé en 1979. Il y évoquera son goût prononcé pour la moto et les voyages, et reviendra sur le fait qu’il recevait à l’époque de moins en moins de rôles intéressants.