Test Blu-ray : L’Aube rouge

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L’Aube rouge

États-Unis : 1984
Titre original : Red Dawn
Réalisation : John Milius
Scénario : Kevin Reynolds, John Milius
Acteurs : Patrick Swayze, C. Thomas Howell, Lea Thompson
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h54
Genre : Guerre, Anticipation
Date de sortie cinéma : 12 septembre 1984
Date de sortie DVD/BR : 19 avril 2023

Par une belle journée d’automne, des centaines de parachutistes sous les ordres du colonel Ernesto Bella prennent d’assaut la ville de Calumet, au Colorado. Les Cubains alliés aux Soviétiques viennent de déclencher les hostilités contre les États-Unis…

Le film

[4/5]

Qu’on aime le film ou qu’on le déteste, quelle que soit la lecture que l’on choisisse d’en faire, il y a bien une chose que l’on est forcé de reconnaître concernant L’Aube rouge : c’est que personne n’est parvenu à capturer aussi bien que John Milius l’esprit d’une époque, et à retranscrire avec une telle acuité l’inconscient collectif des États-Unis au moment de la sortie du film. Sorti dans les salles américaines en août 1984, le film de John Milius est arrivé sur les écrans tout juste quelques jours avant la convention nationale du Parti Républicain, et s’est de fait quasiment inscrit, par son sujet et ses thématiques, dans la campagne de réélection de Ronald Reagan.

L’Aube rouge est en effet sorti à une époque où une grande partie du pays laissait libre cours à un patriotisme exacerbé, doublée d’une volonté farouche de se libérer de potentiels agresseurs étrangers. On pense forcément au fameux discours de Reagan sur « l’Empire du Mal » en mars 1983, prononcé devant l’Association nationale des évangéliques, qui mettait en garde contre l’Union soviétique et prédisait la chute du communisme au niveau mondial. Et même si bien sûr le film de John Milius plaçait son intrigue dans un contexte irréel (un panneau nous informait en préambule de la nature fictive de L’Aube rouge, qui se déroule en 1989 après la dissolution de l’OTAN), le scénario imaginé par Milius à partir du script de Kevin Reynolds jouait avec les pires craintes des Américains en les présentant comme des éventualités plausibles.

Par ailleurs, on ne niera pas ici l’immense talent de John Milius, qui parvient à faire de L’Aube rouge un immense film de guerre à partir d’un postulat de départ saugrenu – le film est clairement maitrisé de bout en bout et comporte plusieurs scènes fortes. Bien entendu, les idées politiques du cinéaste, républicain convaincu, transparaissent à l’écran. Cependant, L’Aube rouge peut-il pour autant être considéré comme un simple tract de propagande Reaganienne ? Pas tout à fait, car cela reste quand même un putain de bon film. A la base, le scénario de Kevin Reynolds se voulait d’ailleurs une relecture contemporaine de Sa Majesté des Mouches, et on n’oubliera pas que le film s’impose à sa manière comme une espèce de récit de coming of age brutal, forçant un petit groupe de gamins à grandir dans la violence, sous le joug de l’un d’entre eux, Jed (Patrick Swayze), le plus dur et le plus déterminé du groupe, qui s’est auto-proclamé chef et n’hésite pas à imposer ses règles à ses camarades. L’idée du « rite d’initiation » typique du passage à l’âge adulte sera également reprise lors d’une scène marquante de L’Aube rouge, qui verra le jeune C. Thomas Howell boire le sang d’un chevreuil qu’il vient d’abattre.

La « construction » de cette bande de jeunes hommes livrés à eux-mêmes, et leur passage à l’âge adulte se feront donc sous la figure autoritaire de Jed, père de substitution qui s’accroche dur comme fer aux valeurs conservatrices que son père (Harry Dean Stanton) lui a transmis, à lui ainsi qu’à son frère cadet Matt (Charlie Sheen). La scène prenant place derrière les grilles du camp de rééducation durant laquelle les deux frères retrouvent leur père en captivité est assez belle, et met en évidence la dynamique père/fils dans la société américaine des années 80. Une certaine défiance vis-à-vis du corps politique est également de mise dans L’Aube rouge, par le biais du personnage du maire (Lane Smith), qui est décrit comme un personnage veule, forcément complice des communistes. Son fils Daryl (Darren Dalton) sera également un exemple d’atavisme et de l’importance de la transmission père/fils, puisque cette dernière sera placée à un niveau plus élevé que l’appartenance au groupe ou la fidélité à la nation.

En faisant le choix de résister à l’envahisseur et de défendre leur patrie, les jeunes gens qui composent le groupe des « Wolverines » se rendront néanmoins bien compte de la futilité de la guerre et du recours sempiternel à la violence. Au fur et à mesure que les pertes s’accumulent dans les deux camps, ils se verront même contraints, au cœur d’une scène bouleversante, de faire le choix d’exécuter ou d’épargner l’un d’entre eux, considéré comme un traître. Cette scène, qui constitue une véritable charnière au cœur de L’Aube rouge, ne transforme pas le film pro-guerre de John Milius en un film anti-guerre, mais il a tout de même le mérite de mettre en évidence les paradoxes de tous les conflits armés, et des victimes collatérales qu’ils font dans les deux camps. On aurait certes sans doute aimé que John Milius aille plus loin, notamment en explorant les outrages subis par les femmes en temps de guerre, et on a parfois l’impression que L’Aube rouge va prendre cette direction, notamment lors des séquences de disputes entre Erica (Lea Thompson), Toni (Jennifer Grey) et Matt, mais la subversion n’était probablement pas l’objectif de John Milius, qui préfère jouer la carte de l’amour platonique entre les personnages de Lea Thompson et de Powers Boothe, et laisser de côté l’attitude misogyne de Matt. Par ailleurs, le film prend même le temps de développer et de faire évoluer certains personnages ennemis, notamment du point de vue de leurs conflits intérieurs ainsi que du besoin de retrouver un peu d’humanité dans les situations les plus difficiles.

Au final, L’Aube rouge s’avère sans aucun doute bien plus profond qu’il n’en a l’air. À travers un point de départ anti-communiste très inspiré par l’époque dans laquelle il a vu le jour, le film de John Milius défend des idéaux et un mode de vie face à ce qui inspirait la plus indicible terreur au moment du tournage du film. Mais au-delà de ses aspects les plus conservateurs, le film permettra surtout au spectateur de vibrer aux côtés de personnages crédibles et attachants, et de les accompagner au cœur des tourments de la guerre. L’Aube rouge dépeint avec un souci du détail étonnant le processus de survie en groupe, les exigences physiques liées à cette survie en milieu hostile et, plus important encore, les défis mentaux auxquels sont confrontés ces personnages qui n’ont rien demandé mais se retrouvent plongés dans le chaos et contraints de faire face à une nouvelle existence.

Le Blu-ray

[4/5]

Après une première édition Blu-ray sortie en 2013 (et depuis longtemps épuisée), L’Aube rouge re-débarque aujourd’hui en France en Haute Définition, grâce à ESC Editions qui lui consacre pour l’occasion une jolie édition Combo Blu-ray + DVD. Côté Blu-ray, le piqué et la définition sont très satisfaisants, poussières et autres rayures ont été mises au ban et la stabilité de l’ensemble est satisfaisante. Si quelques inévitables moments de faiblesse peuvent survenir çà et là, l’ensemble s’impose néanmoins comme assez solide, avec des couleurs éclatantes et homogènes. Du très beau travail technique. Côté son, ESC nous propose de découvrir le film en VO et DTS-HD Master Audio 5.1, dans un mixage multicanal époustouflant et immersif, mais les fans du film de longue date le visionneront probablement tous en VF, et donc en DTS-HD Master Audio 2.0, dans un mixage sans souffle, proposant des voix claires et un bon équilibre acoustique.

Niveau bonus, on commencera avec un making of rétrospectif (23 minutes) qui permettra aux acteurs et à l’équipe de revenir sur le contexte du tournage, sur le scénario, mais également sur le côté politique du film et la façon dont il diffère des récits hollywoodiens traditionnels. On y reviendra également sur le style du réalisateur John Milius ainsi que sur le travail des acteurs. Une poignée de featurettes reviendront également sur le réalisme du film en termes d’équipement et de matériel militaire (10 minutes), sur la façon dont les acteurs avaient été formés au combat et familiarisés à l’utilisation des armes (10 minutes), ainsi que sur les lieux de tournage, et notamment à Las Vegas – pas au Nevada mais au Nouveau-Mexique. On terminera enfin avec une présentation du film par Cédric Delelée (12 minutes), présenté comme un « spécialiste à Mad Movies », qui remettra le film dans son contexte de tournage ainsi que dans la carrière de John Milius, et reviendra sur l’efficacité du film ainsi que sur ses aspects plus politiques.

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