Test Blu-ray : Draguse ou le manoir infernal

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Draguse ou le manoir infernal

France, Belgique : 1976
Titre original : –
Réalisation : Patrice Rhomm
Scénario : Patrice Rhomm, Éric de Winter
Acteurs : Monica Swinn, Olivier Mathot, Claudine Beccarie
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h20
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 11 février 1976
Date de sortie Blu-ray : 15 avril 2022

L’historien David Léger est victime de rêves récurrents dans lesquels il se retrouve dans une étrange demeure en compagnie d’une femme, Draguse, sorcière pratiquant la magie noire. Lorsqu’il va voir Jérôme, son éditeur, celui-ci lui conseille d’écrire un roman érotique, un créneau en vogue et plus lucratif. David accepte à contrecœur et s’installe dans un manoir retiré afin de trouver l’inspiration. À sa grande surprise, il réalise que la maison est celle de ses cauchemars…

Introduction

Le Chat qui fume et les films que vous ne verrez jamais sur Netflix – Vague 1

L’explosion de Netflix et de quelques autres services de SVOD en France a, en l’espace de quelques années seulement, considérablement affaibli le secteur de la vidéo physique en DVD et Blu-ray. Aujourd’hui, les éditeurs vidéo doivent avoir recours à différentes astuces afin de maintenir les consommateurs dans leur giron. Cela dit, grâce à une présence accrue sur les réseaux sociaux, à des éditions collector en pagaille et à de « beaux objets » prenant la forme de luxueux coffrets, Le Chat qui fume est peu à peu parvenu à faire son trou dans le cul cœur des cinéphiles français, et à devenir un des acteurs les plus incontournables de son secteur d’activités.

Cependant, ce n’est pas parce qu’on s’est imposé comme le leader incontesté qu’il faut se reposer sur ses lauriers, et quitte à prendre des risques, Le Chat qui fume vient encore d’innover, en lançant le mois dernier une nouvelle série de films d’exploitation au format Blu-ray. Peut-être considérés comme un peu plus « obscurs » que les autres films disponibles dans le catalogue de l’éditeur, les cinq premiers titres de cette série parallèle sont de bonnes grosses raretés des années 70/80/90, ne faisant peut-être pas partie des plus connues et prestigieuses, mais ayant régalé les écumeurs de vidéoclubs à la grande époque de la VHS triomphante. Proposés à bas prix et dans des boîtiers standard, ces cinq films bénéficient de l’expérience – désormais unanimement reconnue – du Chat qui fume en matière de soin éditorial, et s’offrent de fait des éditions Blu-ray absolument inespérées.

Les cinq raretés proposées par Le Chat qui fume au sein de cette première vague sont :

Draguse ou le Manoir infernal – Patrice Rhomm, 1976

L’Aube sauvage (Savage Dawn) – Simon Nuchtern, 1985

Le Souffle maudit (Demon Wind) – Charles Philip Moore, 1990

Mutronics (The Guyver) – Screaming Mad George & Steve Wang, 1991

Red Mob (Chtoby vyzhit) – Vsevolod Plotkin, 1992

Si vous ne les avez peut-être pas tous loués dans les années 80/90, ces films, vous les connaissez tout de même, de nom ou de réputation – vous avez probablement lu des articles à leur sujet dans Mad Movies ou dans Impact, à la grande époque de Jean-Pierre Putters. On espère que ce galop d’essai trouvera son public, et saura attirer les amateurs de bandes déviantes vintage en France de la même façon qu’aux États-Unis. Cela fait un moment en effet que le marché a évolué dans cette direction aux États-Unis, pays où tous les nanars bénis de l’époque de la VHS, même les plus improbables ou les plus méconnus, voient le jour en Haute-Définition. Une bonne affaire pour des cinéastes tels que Fred Olen Ray, David DeCoteau, Jim Wynorski, Andy Sidaris, Rick Sloane, Kevin Tenney, Douglas Hickox ou Albert Band, hier méprisés, aujourd’hui largement remis sur le devant de la scène…

Si on est loin, très loin, d’en être au même point en France, Le Chat qui fume a tout de même fait le choix avec cette vague de se tourner vers le passé, quitte à exhumer de petits films que l’on n’aurait jamais cru voir débarquer en France il y a encore quelques années. Dans les 80’s, le crédo des éditions René Chateau était de nous donner à découvrir « les films que vous ne verrez jamais à la télévision ». Se posant dans la continuité de l’éditeur historique, Le Chat qui fume semble aujourd’hui bien déterminé à offrir au consommateur « les films que vous ne verrez jamais sur Netflix ».

Le film

[3,5/5]

Réalisateur et scénariste français, Patrice Rhomm est principalement connu des amateurs de bis pour avoir co-signé les scénarios des excellents Banco à Bangkok pour OSS 117 (1964) et Au service du diable (1971), sorti il y a quelques années chez Artus Films. Essentiellement marquée du sceau de la Nazisploitation, sa carrière derrière la caméra a semble-t-il un peu moins marqué les mémoires. Pourtant, dans la deuxième moitié des années 70, Rhomm a également réalisé deux films érotiques assez singuliers, Draguse ou le manoir infernal (1976) et Le Bijou d’amour (1978), qui avaient la particularité de mêler sexe et horreur d’une manière absolument foutraque mais, paradoxalement, également étonnamment artistique. Draguse ou le manoir infernal nous offre ainsi un spectacle bizarre, très empreint de sensualité, de fantastique et d’influences horrifiques.

Le film nous propose de suivre la trajectoire sordide d’un écrivain nommé David Léger (Olivier Mathot), spécialiste du roman historique, qui se voit contraint par son éditeur d’accepter de rédiger un best-seller érotique. Pour éviter les distractions et se concentrer sur son travail, il décide donc de séjourner dans un vieil hôtel particulier, mais chaque nuit, il verra se matérialiser ses propres fantasmes, prenant les traits de Draguse (Monica Swinn), une femme étrange bien décidée à le hanter et à lui taquiner le trilili… Voilà qui ne risque pas d’arranger ses relations – déjà difficiles – avec sa petite amie Julia (Martine Fléty). Vous n’aurez aucun mal à deviner, à la lecture de ce pitch rapide de Draguse ou le manoir infernal, que le film de Patrice Rhomm joue la carte de l’atmosphère, s’amusant tout autant de la perte de repères de son personnage que de celle du spectateur : il sera en effet vite impossible distinguer le rêve ou les fantasmes de David de la réalité…

La présence d’une poignée de scènes porno au cœur du film, courtes mais bien explicites, contribue d’ailleurs à déstabiliser le spectateur, tout autant qu’à accentuer son trouble : Patrice Rhomm franchit les lignes, refuse les marquages de genre trop restrictifs, tout en s’amusant manifestement de mettre une partie du public mal à l’aise. Pour autant, cette volonté de refuser les concessions ainsi que l’hypocrisie est également ce qui rend Draguse ou le manoir infernal si unique en son genre : le film de Patrice Rhomm s’avère en effet un concentré de plaisir bizarre et pervers, bouffant littéralement à tous les râteliers et formant au final un patchwork tellement singulier qu’il en devient finalement assez indispensable. On aura donc droit au cœur du film à un peu de Nazisploitation, à un tas d’images sataniques étranges et de plans volontairement macabres, à un gros gode taillé dans un fémur humain, à une longue scène assez étonnante nous proposant une plongée en immersion dans les sex-shops et les cinémas porno du Paris des années 70, le tout suivant une ligne narrative ténue jusqu’à un final qui, d’une façon très étrange, nous est apparu comme authentiquement sincère et émouvant.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Grâces soient rendues au Chat qui fume, qui propose aux cinéphiles de découvrir des pépites inédites du cinéma français ! Comme les autres titres de la vague évoquée un peu plus haut, Draguse ou le manoir infernal nous arrive donc au format Blu-ray chez l’éditeur, et bénéficie, côté packaging, d’une maquette et d’une composition graphique toujours signée Frédéric Domont, mais dans un boîtier plastique presque aussi classieux que les Digipacks que nous propose habituellement Le Chat qui fume.

Côté Blu-ray, Draguse ou le manoir infernal s’offre une présentation remarquable, en version intégrale, au format 1.66 respecté et 1080p. Le master est issu d’une sublime restauration 4K, et l’ensemble nous propose une image précise, agréable et respectueuse de la granulation d’origine. Le niveau de détail est élevé, la palette de couleurs offre des nuances audacieuses de rouge, de bleu et de vert, avec des tons chair naturels, tandis que les noirs sont profonds et les ombres très détaillées. L’image est stable, et ne souffre que de légères taches et/ou rayures occasionnelles : du très beau travail. Côté son, le film est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine. L’ensemble s’impose dans un rendu acoustique clair et équilibré.

Du côté des suppléments, Le Chat qui fume nous propose tout d’abord un entretien avec Monica Swinn (39 minutes), la fameuse interprète de Draguse. Cette dernière reviendra sur son attirance pour la contre-culture des années 70, qui la mèneront petit à petit à travailler avec Jess Franco, qu’elle admire beaucoup, Jean Rollin, Max Pécas ou encore José Bénazéraf, afin de se lancer dans la grande aventure du « film de cul », comme elle le dit elle-même. S’exprimant sans langue de bois, elle abordera les bons et les mauvais côtés du Bis de l’époque. Elle évoquera également rapidement sa reconversion dans le monde de l’édition et de la presse. On continuera ensuite avec un entretien avec Erika Cool (12 minutes), retracera brièvement sa carrière de mannequin et ses débuts au cinéma, notamment par le biais d’un petit rôle dans Draguse ou le manoir infernal, qui a principalement contribué à la faire connaître dans le domaine du cinéma X. Si elle affirme qu’elle n’était pas au courant que le film de Patrice Rhomm comprendrait des inserts explicitement pornographiques, elle s’est tout de même par la suite spécialisée dans le domaine de l’érotisme et de la pornographie, rencontrant des cinéastes tels que José Bénazéraf ou Alain Payet, avant de quitter définitivement le milieu en 1982. On terminera enfin par un entretien avec Éric de Winter par Christophe Bier (14 minutes). Coproducteur et coscénariste de Draguse ou le manoir infernal, Éric de Winter se remémorera son implication dans le film de Patrice Rhomm, notamment à travers son rôle de responsable des effets spéciaux. Il reviendra également sur la grande liberté dont bénéficiaient les aspirants-cinéastes dans le Paris des années, notamment grâce au développement du cinéma érotique. Selon Christophe Bier, Draguse aurait été le premier film à avoir été classé X en France. On pensait pour notre part qu’il s’agissait de La Chasse sanglante de Peter Collinson. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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