Test Blu-ray : Des pissenlits par la racine

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Des pissenlits par la racine

France, Italie : 1964
Titre original : –
Réalisation : Georges Lautner
Scénario : Clarence Weff, Georges Lautner, Albert Kantof, Michel Audiard
Acteurs : Michel Serrault, Mireille Darc, Maurice Biraud
Editeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h36
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 6 mai 1964
Date de sortie DVD/BR : 6 mars 2020

Un mauvais garçon vient de trépasser. Ceux qui l’avaient rendu à une vie meilleure, le cachèrent dans une contrebasse. Quand on apprit, dans le “milieu” que le truand possédait le ticket gagnant 100 millions au tiercé, et que ce ticket se trouvait dans la veste du “macchabée”, donc dans la contrebasse, ce fut le début d’une sacrée course au trésor…

Le film

[5/5]

Des pissenlits par la racine est un film tourné rapidement, à l’économie, par un Georges Lautner pas encore auréolé de ses plus grands succès publics. Pour autant, il se révèle déjà une merveille de précision et de tempo comique, un véritable travail d’orfèvre, nous proposant une harmonie totale et absolue entre la mise en scène de Lautner et l’écriture de Michel Audiard. De plus, cette maestria est mise au service d’une série d’acteurs en état de grâce, trouvant toujours le timing et l’intonation juste afin de souligner le talent de dialoguiste / sniper d’Audiard. A de très rares exceptions près, toutes les vannes, toutes les répliques – ou « punchlines » comme on les appelle aujourd’hui – imaginées par Audiard mettent dans la lucarne, provoquant le rire et l’admiration chez le spectateur. Du grand Art.

Un résultat touchant à ce point du doigt la perfection est épatant à plus d’un titre. La collaboration entre Michel Audiard et Georges Lautner n’en est en effet encore qu’à ses balbutiements, et le fait d’adapter une série noire mineure signée Clarence Weff n’intéresse à priori pas outre mesure Audiard. Cependant, il parvient, par le recours à une caractérisation fantaisiste – et même ouvertement cartoonesque – à transcender sans le moindre problème l’intrigue servant de base au récit. La magie des mots, et de l’interprétation bien sûr, fera le reste. Pourtant, et dans le même ordre d’idées, Des pissenlits par la racine ne marquait que la première collaboration entre Georges Lautner et Mireille Darc, qui tourneraient finalement rien de moins que treize films ensemble. Premier essai, mais première réussite puisque l’actrice crève littéralement l’écran, aux côtés de Michel Serrault, Maurice Biraud ou Francis Blanche, qui deviendraient – ou étaient déjà – des habitués du cinéma de Lautner.

S’il y a bien un acteur en revanche que l’on n’aura pas souvent vu dans les films de Georges Lautner, c’est bien Louis de Funès, absolument parfait dans la peau du pleutre Jacques, et à qui l’année 1964 réserverait son « explosion » tardive en termes de popularité, à 50 ans, avec les succès fracassants du Gendarme de Saint-Tropez et de Fantomas. De Funès appartenait de fait à une « famille » de cinéma à la tonalité et à l’humour qui semblent fort éloignés de ceux que développeraient Lautner et Audiard au sein de leurs collaborations à venir. Pour autant, dans un rôle proche de ceux qu’ils réserveraient plus tard à Jean Lefebvre, Louis de Funès s’avère comme on l’a dit tout à fait étonnant. Etonnant et drôle, tantôt grâce à son talent naturel – la scène de l’hôpital – tantôt grâce à l’inventivité de la mise en scène de George Lautner – on pense bien sûr à la scène durant laquelle il tente de convaincre son cousin (Serrault) de l’aider à cacher l’encombrant cadavre.

Car qu’il dispose d’un calendrier de tournage confortable ou doive tourner, comme ici, en l’espace de dix jours, Georges Lautner n’en demeure pas moins un formaliste génial, et l’un des techniciens les plus doués – avec Edouard Molinaro peut-être – de la comédie française de l’époque. Car loin de se reposer uniquement sur le verbe – pourtant brillantissime – de Michel Audiard, le cinéaste réfléchit sa mise en scène, se concentrant parfois sur l’efficacité, parfois sur la poésie ou l’expérimentation. Contrairement à une idée reçue malheureusement souvent vraie dans le domaine de la comédie, c’est souvent bel et bien le talent de metteur en scène de Lautner qui a permis d’immortaliser les bonnes histoires imaginées par ses scénaristes. Ce talent de Lautner pour l’image a d’ailleurs non seulement permis de trouver l’harmonie parfaite du fond et de la forme quand il disposait d’un bon scénario, mais également de largement sauver les meubles quand il n’avait sous la main qu’un script faiblard, voire même complètement naze.

En dépit du planning de tournage très serré, le tour de force de Georges Lautner sur Des pissenlits par la racine est de parvenir à toujours dépasser la simple illustration, d’emmener le spectateur où il le veut par le biais de la mise en scène quand la musicalité des mots ne suffit plus. De fait, le cinéaste tente beaucoup de choses avec sa caméra, expérimente, pense ses axes de prise de vue avec malice, ce qui rend ses films toujours aussi moderne cinquante ou soixante ans plus tard. La scène du retour chez la tante Olphie, que l’on évoquait un peu plus haut, en est le parfait exemple, car c’est dans la mise en scène que Lautner va chercher l’effet comique, là où l’immense majorité de ses contemporains se seraient uniquement basés sur le talent naturel de Louis de Funès pour la comédie. Même constat pour la scène de l’initiation à la contrebasse entre Michel Serrault et Mireille Darc – les idées de Lautner en termes de mise en scène lui permettant de contourner et revisiter les codes (déjà bien détournés par les dialogues d’Audiard, avouons-le), et de tenter avec l’aide de ses opérateurs, des effets novateurs et parfois déstabilisants. Même dans un petit budget.

Avec ses répliques directes et ô combien efficace et la précision de tous les instants dont il fait preuve tout au long de son intrigue, Des pissenlits par la racine s’impose donc comme une des plus brillantes collaborations du duo Lautner / Audiard. Si les deux compères semblaient à l’époque à leur apogée d’un point de vue stylistique, et si le film avait plutôt bien marché dans les salles (1,5 millions d’entrées), on admettra qu’ils marqueraient d’avantage les mémoires avec deux autres films tournés pile à la même époque, et se basant sur des intrigues un peu plus originales. On parle bien-sûr des Tontons flingueurs, sorti juste avant, et des Barbouzes, sorti juste après. Mais ce n’est pas une raison pour bouder Des pissenlits par la racine, formidable pastiche de polar porté bien sûr par une interprétation parfaite et par une maitrise formelle littéralement époustouflante. Une petite merveille, tout simplement…

La collection « La séance »

Cela fait un an et demi maintenant que Coin de mire Cinéma propose avec régularité de véritables classiques français oubliés au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces quelques mois, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français semble avoir porté ses fruits, et Coin de mire est parvenu à se faire une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Comme on regrette d’avoir « loupé » les sorties précédentes – une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.

Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12x15cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » est donc un très bel objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.

L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de l’époque de la sortie, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas de Des pissenlits par la racine, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par TF1 Studio avec la participation du CNC.

La quatrième vague de la collection « La séance », qui contient déjà 25 titres au total, est disponible depuis le 6 mars, soit quelques jours à peine avant le confinement. Les titres annoncés sur cette vague auront de quoi mettre l’eau à la bouche des cinéphiles, puisqu’on y trouve Les espions (Henri-Georges Clouzot, 1957), La vérité (Henri-Georges Clouzot, 1960), Des pissenlits par la racine (Georges Lautner, 1964), Le monocle rit jaune (Georges Lautner, 1964), La chasse à l’homme (Edouard Molinaro, 1964) et Les jeunes loups (Marcel Carné, 1968). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.

Le coffret Digibook prestige

[5/5]

Cette nouvelle vague de classiques édités en Blu-ray par Coin de mire – et à laquelle appartient Des pissenlits par la racine – affiche décidément une forme insolente, prouvant le soin maniaque apporté par l’éditeur à ses restaurations de films de patrimoine. L’image du film de Lautner, naturellement proposée au format 1.66 et 1080p, est d’une remarquable stabilité. Le grain d’origine est scrupuleusement respecté, le piqué est d’une étonnante précision et les contrastes pointus accentuent l’impression de profondeur de l’ensemble. C’est une réussite totale. Côté son, le film est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 propres et clairs, restituant parfaitement non seulement les dialogues mais également la musique de Georges Delerue. Des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Dans la section suppléments, on sera littéralement ravi de pouvoir « reconstituer » chez soi une séance de cinéma de 1964 : une idée simple mais lumineuse. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 19ème semaine de l’année 1964 (9 minutes). Au menu cette semaine, le 1er mai et ses traditionnelles cérémonies, un mariage princier et la dix-septième édition du Festival de Cannes qui venait de commencer et comptait déjà une pléiade de stars sur les marches du palais. On terminera sur un amusant reportage consacré à Jean-Pierre Schecroun, peintre faussaire fraîchement sorti de prison ayant décidé d’abandonner la copie afin de créer « son » Art. On continuera ensuite avec une page de publicités, ou plutôt de réclames comme on le disait à l’époque. Glaces et friandises « en vente dans cette salle » sont au programme, mais également, pour la maison, du café, des clopes et de la bière ! Une belle façon de résumer la société de l’époque.

On continuera ensuite avec une version « longue » alternative de la scène du théâtre (11 minutes). Un document d’archive passionnant, et rarissime pour un film ayant plus de 50 ans. On poursuivra avec une intéressante présentation du film par Julien Comelli (29 minutes), comme toujours réalisé par son compagnon Erwan le Gac pour le compte d’Argentic Films. Comme à son habitude, il reviendra méthodiquement sur tous les aspects du long-métrage, reviendra sur le contexte de tournage et le replacera au sein de la carrière de Lautner, le tout étant entrecoupé d’extraits d’entretiens avec le cinéaste, occasionnellement un peu étouffés et difficiles à comprendre. On terminera avec une sélection de bandes-annonces de films disponibles au sein de la collection « La séance ».

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