Test Blu-ray : Comme des chiens enragés

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Comme des chiens enragés

Italie : 1976
Titre original : Come cani arrabbiati
Réalisation : Mario Imperoli
Scénario : Mario Imperoli, Piero Regnoli
Acteurs : Piero Santi, Annarita Grapputo, Paola Senatore
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h38
Genre : Thriller
Date de sortie DVD/BR : 19 novembre 2018

 

Dans la Rome des années 1970, trois amis, Tony, Rico et Silvia, surmontent leur ennui en laissant libre cours à leurs bas instincts. Braquages, torture, viols et meurtres constituent leur quotidien, tandis que le commissaire Muzi et sa collègue Germana cherchent à les démasquer. Tony, le cerveau de la bande, est le fils d’un homme riche et influent, lui-même corrompu. Se croyant intouchables, le jeune homme et ses complices sont entraînés dans une spirale infernale à laquelle seul Muzi pourra mettre un terme…

 


 

Le film

[3,5/5]

Polar énervé réalisé en 1976 par Mario Imperoli, Comme des chiens enragés est un film d’exploitation pur et dur. Bien entendu, en tant que film d’exploitation destiné à un public populaire, le long-métrage surfe sur des thématiques en vogue dans les années 70, et s’impose comme le pur produit de son époque.

Tout d’abord, ce film aussi foutraque que franchement déviant s’inscrit dans une « tradition » encore relativement récente à l’époque : celle du « poliziottesco » ou néo-polar italien, également connu sous le nom de polar bis italien. Encore assez peu connu en France (malheureusement, bien peu de néo-polars italiens ont été à ce jour édités en DVD), ce genre volontiers extrêmement violent, putassier et démagogique s’attachait à relater sur un ton noir et sans concessions des faits divers sanglants, le plus souvent traités de façon outrancière. En effet, comme dans de nombreux westerns spaghetti tournés à la même période, les flics étaient montrés comme de véritables cowboys, solitaires et adeptes de la loi du talion, tandis que les truands prenaient souvent des allures de salopards intégraux, dont la plus infime trace de valeur morale avait été réduite à néant par des années de soumission à la société capitaliste. Politiquement, ces films au demeurant le plus souvent absolument jouissifs jusque dans leurs excès – violence, gore, nudité, usage de drogues, viols, rackets, homophobie – s’avèrent difficiles à cerner : le néo-polar propose en effet une vision de la société italienne de l’époque en totale déliquescence sociale et morale, corrompue par la lutte des classes et sans juste milieu entre une bourgeoisie insouciante (et forcément décadente) et le reste de la population, obligé de survivre dans la misère. Parfois considéré comme un cinéma à tendance anarchiste, ou à contrario fasciste, voire « je-m’en-foutiste » ou apolitique, le néo-polar véhicule tout un tas d’idées contradictoires, issues de la gauche comme de la droite. Le mieux est sans doute d’y voir un cinéma de « personnages », de pur divertissement, sans se soucier du discours sous-jacent : ainsi, les personnages peuplant le genre sont le plus souvent de parfaits anti-héros, inadaptés au système et à leur époque, racistes, homophobes, et même parfois ouvertement bas de plafond, voire même parfaitement antipathiques.

 

 

D’une façon un peu plus précise, il semble que Comme des chiens enragés soit né d’une sous-catégorie au sein même du « poliziottesco » : celle du film de truands, délaissant le bon côté de la loi pour se concentrer sur un petit groupe de personnages négatifs, mais dont l’immoralité, l’absence de valeurs et les actes délictueux s’imposent quasiment comme une « philosophie » anti-système. Ils balaient d’un revers de la main les notions d’honneur et de respect, afin de trouver la « liberté » au cœur d’un système qui les emprisonne et qu’ils n’ont pas la possibilité de changer. Le film de Mario Imperoli trouve donc ses racines dans deux films réalisés en 1974 : celui de Mario Bava Cani arrabbiati tout d’abord, plus connu sous son titre américain Rabid dogs. Le titre du film est d’ailleurs un clin d’œil appuyé au film de Bava, qui suivait tout comme celui qui nous intéresse aujourd’hui la cavale sanglante de truands sans foi ni loi. Malsain et d’une noirceur redoutable, le film de Bava nous présentait des truands poussés aux dernières extrémités suite à un enchainement de mauvaises décisions ; mais qu’il s’agisse des « méchants » ou des « gentils », aucun personnage ne trouvait grâce aux yeux du cinéaste : tous pourris ! Le deuxième film auquel Comme des chiens enragés fera irrémédiablement penser est La rançon de la peur, le petit chef d’œuvre d’Umberto Lenzi. En effet, on retrouvera dans le personnage de Tony Ardenghi (Cesare Barro) toute la morgue et le sentiment d’impunité de celui incarné par Tomás Milián, violent, psychotique et manipulateur, dans le film de Lenzi. Dans les deux cas, on a un truand aussi fascinant que charismatique, leader incontesté de son groupe de truands sur lesquels il s’abroge le droit de vie et de mort. Dans les deux cas également, on sent une forte conscience de classe, qui accentue encore le côté malsain et délétère de l’ensemble, même si bien sûr, les deux personnages se trouvent aux extrémités opposés d’un point de vue social : en effet, Tony, le cerveau de la bande de Comme des chiens enragés, est un bourgeois, fils à papa d’un homme riche et influent, se pensant intouchable. Néanmoins, cela n’empêchera pas l’escalade de violence…

 

 

Comme des chiens enragés s’impose donc comme un polar urbain âpre et volontiers racoleur dans son traitement, très complaisant, de la violence. Néanmoins, on ne va pas faire nos pucelles effarouchées : à travers ce récit simple et direct, Mario Imperoli (cinéaste qui n’aura eu que peu de temps pour exprimer son talent sur pellicule, puisqu’il s’est éteint en 1977) livre un film violent et nerveux, un brûlot agressif et farouchement anti-bourgeois. Dans l’absolu, le récit imaginé par Piero Regnoli et Mario Imperoli pourrait être rapproché de celui d’un autre film nous dépeignant la violence de la jeunesse bourgeoise italienne désœuvrée des années 70 : on pense bien sûr à San Babila, un crime inutile, déjà édité par Le chat qui fume il y a quelques mois. Néanmoins, si le film de Carlo Lizzani, sorti la même année, jouait la carte d’un naturalisme glaçant, ici, le réalisme laisse la place à l’emphase, à l’exagération : Regnoli et Imperoli sont des adeptes de la surenchère, mais les excès qui émaillent Comme des chiens enragés augmentent au final le plaisir du spectateur, intense, jouissif, allant crescendo de plus en plus loin au fur et à mesure que le récit évolue, à la façon d’un chant de guerre dédié à une lutte des classes sanglante. Alors bien sûr, certains crieront à l’œuvre putassière, démago et populiste, mais tout est question de ressenti et surtout de recul face à ces questions-là ; le film au final s’avère des plus réjouissants. Parce que le spectateur prendra bel et bien du plaisir devant le spectacle de ces fils à papa à l’attitude révoltante emportés dans une véritable spirale de violence : aucune empathie n’est développée par le cinéaste vis-à-vis de ses personnages, qui ne sont pas présentés comme des héros tragiques mais bien comme de vilaines petites ordures ne méritant en aucun cas de possibilité de rédemption. Les derniers mots du film apparaissant à l’écran sont d’ailleurs parfaitement clairs à ce sujet : « On ne va pas pleurer la mort d’un assassin ». Nuff said, le débat est clos.

 
 

Le Combo Blu-ray + DVD

[5/5]

Avant d’aborder la qualité du transfert en lui-même, on notera déjà la classe visuelle qu’affiche ce Combo Blu-ray + DVD de Comme des chiens enragés, qui donne paradoxalement un réel standing à un film n’ayant probablement jamais été pensé pour se voir traité avec autant d’égards. Mais comme toujours avec Le chat qui fume, on a entre les mains un véritable et bel objet de collection, traité sur un pied d’égalité avec les chefs d’œuvres de Dario Argento ou de Lucio Fulci déjà disponibles chez l’éditeur.

 

 

Idem du côté du master Haute Définition : dès les premiers plans, on constatera en effet que le boulot de restauration a été fait avec soin, la qualité visuelle de l’ensemble est vraiment saisissante. Le grain d’origine est bien là, le piqué est d’une belle précision, et les couleurs sont naturelles et rendent hommage à la belle photo du film, signée Romano Albani (Inferno). Bref, on est en présence d’un très beau Blu-ray, même si les plus tatillons pourront peut-être arguer que le grain est un peu plus présent sur les scènes en basse lumière. Côté son, c’est la classe également : le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 (VO uniquement) se révèle particulièrement clair dans la restitution des dialogues et des différentes ambiances. Du beau travail.

Au rayon des bonus, Le chat qui fume nous propose de découvrir un entretien avec Claudio Bernabei (« Pas de quoi pleurer », 31 minutes), assistant-réalisateur de Mario Imperoli sur le film. Sympathique et très modeste, il se remémore sa rencontre et sa collaboration avec le cinéaste, évoque la vie en Italie durant les « années de plomb » et le rôle, essentiellement technique, d’un assistant réalisateur, qu’il décrit comme celui d’un « maître d’armes ». Il reviendra également sur le tournage de certaines scènes de Comme des chiens enragés, notamment celle de la poursuite en voiture ; enfin, il terminera en affirmant que selon lui, le film n’est pas réactionnaire, même si Imperoli s’affirmait comme étant de droite. L’entretien se termine sur un carton informant le spectateur que les acteurs Jean-Pierre Sabagh, Annarita Grapputo et Paola Senatore ont décliné les demandes d’interviews concernant ce film. On terminera le tour des suppléments avec les traditionnelles bandes-annonces, du film d’Imperoli et d’autres films disponibles chez Le chat qui fume.

 

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