Test Blu-ray 4K Ultra HD : Le Voyeur

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Le Voyeur

Royaume-Uni : 1960
Titre original : Peeping Tom
Réalisation : Michael Powell
Scénario : Leo Marks
Acteurs : Carl Boehm, Moira Shearer, Anna Massey
Éditeur : StudioCanal
Durée : 1h41
Genre : Drame, Horreur
Date de sortie cinéma : 21 septembre 1960
Date de sortie DVD/BR/4K : 31 janvier 2024

Mark Lewis est cameraman dans un studio cinématographique. À ses heures perdues, il prend des photographies de nus, vendues sous le manteau dans des kiosques à journaux. Le père de Mark, scientifique de renom, consacra sa vie à l’étude de la psychologie de la peur, utilisant son propre fils comme cobaye. Mark, aujourd’hui adulte, est devenu un tueur fou, obsédé par la peur et qui filme l’agonie de ses victimes…

Le film

[5/5]

Difficile de prendre en défaut l’immense classique du cinéma qu’est Le Voyeur. Incroyablement moderne et en avance sur son temps, le film de Michael Powell est une œuvre légendaire, ayant influencé des générations de réalisateurs dans le monde entier. Parmi les cinéastes s’étant revendiqué de l’héritage du Voyeur, on compte notamment – excusez du peu – des personnalités telles que Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Roman Polanski, Gaspard Noé ou encore Bertrand Tavernier. Un sacré tour de force pour un film qui, à l’époque de sa sortie, s’était attiré une hostilité sans précédent de la part de la critique, et avait un terme à la carrière de Michael Powell au Royaume-Uni.

L’une des plus impressionnantes réussites à mettre à l’actif de Michael Powell sur Le Voyeur est de proposer au spectateur de s’identifier à un personnage pour le moins négatif. A première vue, Mark Lewis (Carl Boehm, bien éloigné de son rôle dans la série Sissi) est un jeune homme discret qui travaille comme cameraman dans un grand studio de cinéma. Pendant son temps libre, il prend également des photos de jeunes femmes dénudées pour un petit marchand de journaux de Soho, mais sa véritable obsession se situe ailleurs : fasciné par la peur, il tue des femmes en filmant ses meurtres, tentant de saisir l’expression de terreur sur le visage de ses victimes.

Dès les premières séquences du Voyeur, le spectateur est rapidement amené à s’identifier à ce serial killer, à en comprendre ses motivations, sa psychologie, tout autant que ses failles. Car même s’il s’agit d’un tueur froid, méthodique agissant de façon détachée, Mark souffre bel et bien de ne pouvoir ainsi s’empêcher de céder à ses pulsions. Cette douleur est notamment liée à l’attachement grandissant qu’il ressent pour le personnage d’Helen (Anna Massey) : le spectateur se rendra ainsi compte au fil des séquences que pour elle, il tente en vain de trouver une façon de « guérir » et de s’arrêter de tuer.

Ainsi, bien des années avant Maniac (William Lustig, 1980) ou Schizophrenia (Gerald Kargl, 1983), le film de Michael Powell explorait déjà les arcanes les plus sombres de la psyché d’un tueur, et de la façon la plus troublante qui soit. Et Le Voyeur est peut-être si troublant parce que le film bénéficie de la maestria technique de Powell, doublée de la sublime photo d’Otto Heller, qui nous offre des compositions de plans à couper le souffle et une gestion des couleurs accentuant l’impression d’étouffement du spectateur. Collaborateurs de longue date, Powell et Heller sont ainsi parvenus à trouver l’équilibre parfait entre beauté formelle et sentiment d’oppression, ce qui tend à rendre la plupart des plans du film à la fois superbes et profondément dérangeants.

Si on peut évidemment voir dans Le Voyeur une parabole sur le métier de cinéaste, ce qui a gêné les critiques à l’époque de la sortie du film dans les salles britanniques est peut-être davantage à aller chercher du côté du parallèle que l’on peut faire entre le personnage de Mark Lewis et la société britannique du début des années 60. Le scénario de Leo Marks n’hésite pas en effet à critiquer ouvertement l’Angleterre de l’époque, qui derrière sa prospérité et sa moralité de façade, cache un côté sombre, doublée d’une fascination pour la pornographie et le meurtre. A ce titre, le personnage du marchand de journaux incarné à l’écran par Bartlett Mullins est assez fascinant, puisqu’on le verra tout à la fois organiser des shootings photo coquins à l’étage de son magasin et, dans le même temps, vendre des barres chocolatées à des enfants. Mais il ne s’agit là qu’un des multiples intérêts du Voyeur, qui, on le répète, est un chef d’œuvre absolu qui nous apparaît aujourd’hui dans toute sa splendeur grâce à une restauration 4K absolument prodigieuse.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Le Voyeur vient donc de ressortir au format Blu-ray 4K Ultra HD, sous les couleurs de StudioCanal, éditeur qui semble bien déterminé à nous proposer tous les mois de nouveaux fleurons de son catalogue vidéo dans leur présentation la plus spectaculaire. Le film de Michael Powell a donc bénéficié d’une toute nouvelle restauration 4K, effectuée à partir du négatif original, et nous est proposée à la fois en HDR10 et en Dolby Vision. Le film est par ailleurs présenté dans un Combo Blu-ray 4K Ultra HD + Blu-ray, dans un sublime Digipack 3 volets contenant également un livret de 32 pages contenant une introduction de Martin Scorsese, une intéressante analyse du film ainsi que de nombreuses photos.

Aucun superlatif ne serait à la hauteur pour souligner à quel point ce transfert 4K du Voyeur est réussi, et dès la fin du générique de début (évidemment marqué par les défauts inhérents aux plans à effets), les qualités formelles du film ne pourront QUE vous sauter immédiatement aux yeux. La tonalité générale des couleurs reste évidemment la même, mais elles sont plus denses, plus saturées, et les fluctuations de densité des lumières et des ombres affichent une grande subtilité. La définition est précise, et la stabilité générale de l’image est excellente. A cette présentation vidéo optimale s’ajoute par ailleurs un traitement tout aussi remarquable des pistes son : la version originale ainsi que la version française (on ignorait à vrai dire qu’il en existait une) nous sont proposées en LPCM Audio 2.0 (mono d’origine), et s’avèrent toutes deux absolument satisfaisantes, même si on aurait tendance à considérer que le film ne peut s’apprécier à sa juste valeur qu’en VO, et ce pour de simples raisons artistiques.

Du côté des suppléments, l’éditeur fait également très fort : StudioCanal nous offre en effet presque deux heures de bonus, auxquels on ajoutera par ailleurs un riche commentaire audio par le critique Ian Christie. Ce dernier reviendra de façon claire et précise sur de nombreux aspects formels, thématiques et symboliques du film, tout en revenant également sur l’hypocrisie de sa réception critique et l’impact que celle-ci a eu sur la carrière de Michael Powell. La dent dure de la critique britannique des années 60 sera également au centre de l’entretien avec Christopher Frayling (28 minutes), qui citera non sans une certaine ironie certaines des critiques les plus véhémentes à l’encontre du film. Il reviendra également sur sa découverte du film, sur son style visuel ainsi que sur sa construction narrative. On poursuivra ensuite avec un entretien avec Rhianna Dhillon et Anna Bogustskaya (28 minutes), qui permettra aux deux critiques de nous proposer une lecture « féministe » du Voyeur tout en revenant sur l’héritage du film dans le cinéma contemporain. Le sujet suivant, très technique, est centré sur la restauration du film (15 minutes) et les différents défis auxquels ont dû faire face les techniciens Simon Lund, Seth Berkowitz et Daniel Devincent afin de nous proposer une restauration en tous points fidèle à la vision de Michael Powell.

En plus de ces suppléments inédits, StudioCanal nous propose également de nous replonger dans des bonus un peu plus anciens, telles que cette discussion autour du film (19 minutes) réunissant le réalisateur Martin Scorsese, le critique de cinéma Ian Christie, la veuve de Michael Powell Thelma Schoonmaker, le professeur Laura Mulvey et l’acteur Carl Boehm. Ils reviendront sur l’histoire fascinante du film ainsi que sur l’impact dévastateur qu’il a eu sur la carrière de Michael Powell au Royaume-Uni. On enchainera avec une courte présentation du film par Martin Scorsese (3 minutes), ainsi qu’avec un entretien avec Thelma Schoonmaker (11 minutes), qui permettra à la veuve de Michael Powell de revenir sur les critiques assassines qu’avait reçu le film et de saluer les efforts déployés par Martin Scorsese pour le réhabiliter depuis. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.

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