Test Blu-ray 4K Ultra HD : Le Cercle infernal

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Le Cercle infernal

Royaume-Uni, Canada : 1977
Titre original : Full Circle
Réalisation : Richard Loncraine
Scénario : Harry Bromley Davenport, Dave Humphries
Acteurs : François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h41
Genre : Fantastique, Drame
Date de sortie cinéma : 3 mai 1978
Date de sortie DVD/BR/4K : 30 juin 2023

Londres – Un petit-déjeuner vire au drame dans la demeure du couple Lofting, lorsque Kate, leur fille, s’étouffe avec un morceau de pomme. Paniquée, Julia, la mère, tend un couteau à son mari, Magnus, afin qu’il effectue en urgence une trachéotomie. Devant son refus, elle tente l’opération, sans parvenir à sauver la petite fille. Traumatisée, Julia fait un séjour en clinique psychiatrique. À sa sortie, elle quitte Magnus et emménage dans une vieille maison victorienne. L’endroit est bientôt le théâtre de manifestations étranges. Plus tard, Julia apprend, lors d’une séance de spiritisme, que l’esprit d’un enfant hanterait les lieux. Serait-ce Kate, comme Julia en nourrit l’espoir ?

Le film

[4/5]

A l’origine du Cercle infernal, il y a tout d’abord « Julia », un roman de Peter Straub. Paru en 1975 aux États-Unis (et seulement en 1988 en France), « Julia » est donc le deuxième roman de Peter Straub, qui n’était à l’époque pas encore le grand spécialiste du roman fantastique qu’il deviendrait quelques années plus tard. D’ailleurs, s’il s’agit bel et bien, et comme toujours chez lui, d’une histoire de fantôme, Straub n’y empruntait pas frontalement la voie du fantastique pur. Très influencé par la psychanalyse, l’auteur nous proposait au contraire une réflexion sur le fil parfois ténu qui sépare la folie du surnaturel. Tout au long du roman, l’histoire et l’héroïne semblent en équilibre entre le réel et le surnaturel : Julia doit composer avec le poids de la perte de son enfant et avec la culpabilité qu’elle ressent face à cette mort tragique, et la maison où elle s’installe semble être le théâtre de phénomènes paranormaux. Mais s’agit-il de la réalité ou de la raison de l’héroïne qui lui joue des tours ?

Cette ambiguïté est maintenue par Peter Straub jusque dans les dernières lignes du roman, et les scénaristes du Cercle infernal, Harry Bromley Davenport et Dave Humphries, ont choisi de composer avec cette particularité notable du livre pour leur adaptation. Alors, folie ou surnaturel ? Bien entendu, le médium cinéma, et le fait que certaines informations soient amenées au spectateur par le biais de l’image, a obligé Richard Loncraine à trancher, à faire des choix, qui tendent à faire basculer Le Cercle infernal plutôt vers une interprétation que vers l’autre – on ne vous dira pas ici laquelle pour ne pas être taxé de vouloir #Spoiler l’intrigue du film. Et puis après tout, l’interprétation que le spectateur pourra faire du récit n’est finalement qu’une question de point de vue – on pourra en effet également considérer que les choses qui nous sont montrées au détour de certains plans peuvent aussi être sujettes à caution, même quand le personnage de Mia Farrow n’est pas à l’écran, dans le sens où elles s’inscrivent dans une intrigue générale toujours sur la corde raide entre le fantasme et la réalité.

Lauréat du Grand Prix lors du Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1978, Le Cercle infernal est un film qui, par son ambiance et à cause de son actrice principale Mia Farrow, tend à fonctionner en écho avec Rosemary’s Baby, réalisé par Roman Polanski en 1968. On y retrouve le même personnage central désemparé et en proie à la terreur, et il s’agit du même genre de récit, à nouveau porté par une narration lente, prenant le temps de faire entrer doucement le spectateur dans le récit, pour ensuite s’imprégner petit à petit de fantastique et d’horreur. Comme Rosemary l’héroïne du film de Polanski, Julia est dominée par les autres personnages du film, qui possèdent sur elle une emprise que l’on peut expliquer par son état psychologique fragile. De fait, le personnage interprété par Mia Farrow semble subir les événements les uns après les autres et finira par perdre complètement pied.

En dépit d’un récit en mode « diesel », qui laisse lentement chauffer le moteur, Le Cercle infernal n’en demeure pas moins un spectacle assez obsédant, et même quasi-hypnotique dans sa dernière demi-heure. Richard Loncraine y mêle avec un certain brio le naturalisme et les éléments fantastiques, déstabilisant volontiers le spectateur, qui se dit que tout peut littéralement arriver à tout moment. Dans la peau d’une femme complètement paumée, Mia Farrow nous ressert quasiment à l’identique sa prestation de Rosemary’s Baby, mais comme chez Polanski, elle nous livre une performance exceptionnelle, toujours sur le fil entre la raison et l’hystérie. Elle porte sur ses épaules une partie de la réussite du film, qui n’aurait pas pu fonctionner sans une actrice aguerrie dans le rôle principal.

Mais Mia Farrow n’est pas l’unique point fort du film. Le Cercle infernal fonctionne en effet en partie parce qu’il permet au fantastique de se trouver insidieusement un chemin dans le récit. Si l’on excepte la maison en elle-même (qui est à sa manière un personnage à part entière du film), les décors, les costumes et le production design extrêmement naturalistes confèrent au film un sentiment d’authenticité et de simplicité qui s’opposera rapidement au dédale des couloirs de l’immense maison baroque dont Julia vient de faire l’acquisition. Ce contraste fort permet à Richard Loncraine de dégager une atmosphère inquiétante qui convient parfaitement à son sujet, et qui se voit lors de certaines séquences encore accentué par la musique de Colin Towns, tantôt minimaliste, tantôt dissonante et étrange, comme par exemple pendant la séquence durant laquelle Magnus, l’ex-mari de Julia, visite la maison en son absence. Dans ce cas précis, la musique ajoute clairement une touche de bizarrerie et de surnaturel supplémentaire.

On ne pourra également que saluer la superbe photo du film, le travail de Peter Hannan apportant une touche délicieusement éthérée au Cercle infernal, qui sied parfaitement au contraste recherché par Richard Loncraine entre le réalisme et le surnaturel et apporte presque une dimension « gothique » à certaines scènes du film, et une atmosphère littéralement étouffante sur d’autres séquence, telles que celle de l’asile, durant laquelle Mia Farrow fait une rencontre inquiétante, dont l’impact est encore renforcé par l’utilisation d’une forte lumière très blanche. D’une façon générale, le réalisateur Richard Loncraine trouve le bon équilibre entre l’étrange et le familier, et parvient même souvent à mettre en valeur les aspects les plus fantastiques – voire les plus dérangeants – de son récit. On ne saura donc que trop vous conseiller de vous lancer dans la troublante expérience que constitue le visionnage du Cercle infernal, histoire de faire la rencontre avec le fantôme de Mia Farrow et tenter avec elle de plonger dans le passé afin de comprendre ses motivations.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Alors que la grande majorité des éditeurs français joue la carte de la sécurité, avec des éditions aux bonus et aux visuels recyclés d’éditions antérieures en provenance d’autres pays du globe, alors que la notion de « bel objet » et d’optique de « collection » implique le plus souvent le fait de disposer d’un budget conséquent, Le chat qui fume casse décidément tous les codes. L’éditeur français prouve en effet mois après mois qu’il est possible de proposer à un prix raisonnable des films inédits en Haute-Définition. Encore mieux, ces dernières débarquent accompagnées d’une pleine cargaison de bonus, et sont présentées dans des éditions luxueuses, dont la maquette est composée par un graphiste de talent – Frédéric Domont – qui n’épargne pas sa peine afin de livrer, titre après titre, des visuels de toute beauté qui font baver le monde entier d’envie.

Sorti en DVD en 2006 dans une édition assez calamiteuse estampillée PVB Editions, Le Cercle infernal intègre cette année les rangs prestigieux du catalogue du Chat qui fume, et s’offre par la même occasion un transfert assez inespéré au format Blu-ray 4K Ultra HD. Le Combo Blu-ray + Blu-ray 4K Ultra HD nous est donc, comme d’habitude avec Le Chat, présenté dans un écrin splendide, un sublime digipack trois volets limité à 1000 exemplaires surmonté d’un étui cartonné aux couleurs du film. En deux mots comme en cent, le packaging est une nouvelle fois au top, dans la plus parfaite continuité du travail éditorial effectué par le Chat qui fume depuis quelques années.

Côté master, la restauration 4K qui nous est ici proposée par l’éditeur donnera assurément l’impression à tous ceux qui avaient pu voir Le Cercle infernal au format DVD ces dernières années de redécouvrir complètement le film de Richard Loncraine, tout autant que la photo du film signée Peter Hannan. L’image du Blu-ray 4K Ultra HD nous propose un rendu visuel époustouflant, avec une granulation préservée et un niveau de détail extraordinaire, et ce même si le film se déroule souvent dans le noir ou dans l’obscurité – les couleurs, les contrastes et les noirs sont impressionnants : c’est magnifique, un bel hommage rendu au travail sur l’image assuré par Richard Loncraine et son chef op’. Même constat d’excellence et de fidélité au matériau d’origine du côté des pistes sonores : la version originale ainsi que la version française d’époque nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0, et proposent un bon équilibre et une excellente stabilité d’ensemble, sans souffle ni craquements intempestifs. On notera que si le film est probablement plus efficace en VO, la version française nous donne à entendre quelques voix bien connues des amateurs de VF, et notamment celle de Pierre Arditi, qui double ici le personnage incarné à l’écran par Tom Conti.

Pour les suppléments, c’est du côté de la galette Blu-ray qu’il faudra se tourner et comme à son habitude, Le Chat qui fume nous livre ici une série de bonus absolument passionnants. On commencera par un entretien inédit avec Richard Loncraine (27 minutes). Le cinéaste y évoquera ses souvenirs assez flous du tournage, évoquera ses méthodes de travail, et reviendra assez longuement sur le fait qu’il n’est qu’à demi satisfait du Cercle infernal, même s’il trouve remarquable le travail abattu par Peter Hannan sur la photo de son film. Bavard et adepte de la digression, il nous livrera quelques anecdotes amusantes, notamment concernant sa rencontre avec Woody Allen, qu’il considère comme un « trou du cul », ou encore sur le prix qu’il a reçu à Avoriaz, et qu’il considère avoir reçu uniquement parce que David Lynch n’était pas présent sur le festival. On continuera ensuite avec un entretien avec Samantha Gates (10 minutes), qui jouait la petite Olivia dans le film, et qui reviendra sur ses souvenirs du tournage et de l’ambiance sur le plateau. On continuera avec un entretien avec Tom Conti (11 minutes), qui évoquera ses débuts et son expérience sur le film, qui lui a permis de rencontrer Richard Loncraine qu’il considère comme l’un des meilleurs réalisateurs avec lesquels il ait eu l’occasion de travailler. Il notera également que la sortie de La Malédiction de Richard Donner a probablement fait beaucoup d’ombre au Cercle infernal. Dans un long entretien exclusivement enregistré pour Le Chat qui fume, l’historien du cinéma Simon Fritzjohn évoquera le véritable parcours du combattant ayant été nécessaire afin de remettre la main sur une copie du film de Richard Loncraine et d’en lancer la restauration (23 minutes). Enfin, on terminera avec une analyse du film par Vincent Capes (20 minutes), initialement enregistrée pour sa chaine YouTube « La Zone ». Pour vous procurer cette édition Blu-ray limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

1 COMMENTAIRE

  1. Attention : contrairement à ce qui est indiqué dans cette chronique, la piste française ne contient pas le doublage français d’époque mais le désastreux doublage disponible sur le calamiteux DVD sorti en France il y a quelques années. Donc point de Pierre Arditi pour Tom Conti, pas plus que d’Arlette Thomas pour Mia Farrow (qui l’avait doublée dans Mort sur le Nil) ni même des talentueux Bernard Dhéran ou Paule Emanuelle… Grosse déception de la part du Chat qui Fume qui ne semble même pas savoir que cette version française d’époque existe.

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