Test Blu-ray 4K Ultra HD : Gwendoline

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Gwendoline

France : 1984
Titre original : –
Réalisation : Just Jaeckin
Scénario : Just Jaeckin
Acteurs : Tawny Kitaen, Brent Huff, Zabou Breitman
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h45
Genre : Fantasy, Aventure, Érotique
Date de sortie cinéma : 8 février 1984
Date de sortie DVD/BR : 13 juillet 2020

Décidée à retrouver son père disparu, parti en quête d’un papillon rare, Gwendoline se lance à sa recherche avec l’aide de Beth, sa demoiselle de compagnie. Parvenues dans un port malfamé de Chine, les deux jeunes femmes sont kidnappées par des truands, puis libérées par un aventurier nommé Willard. Ce dernier accepte alors d’accompagner Gwendoline et Beth dans un long périple qui les conduira jusqu’à la mystérieuse contrée de Yik-Yak. Là-bas, au cœur d’un volcan, une reine cruelle et tyrannique dirige d’une main de fer une armée d’amazones…

Le film

[4/5]

Dans les années 70 en France, il n’y a pas que La septième Compagnie et Le gendarme de Saint-Tropez à avoir donné naissance à de véritables « sagas » cinématographiques. Avec presque neuf millions d’entrées en France en 1974, Emmanuelle a en effet rencontré un immense succès public, et développé un véritable engouement populaire ayant duré de très nombreuses années. Ce succès a également permis à Just Jaeckin, cinéaste, photographe, peintre et sculpteur français, de s’assurer une courte carrière (1974-1984) dans le domaine de l’érotisme.

La carrière de Jaeckin semble d’ailleurs tellement liée à la saga Emmanuelle qu’en février 1984, lorsque sort en salles son dernier film, Gwendoline, ce dernier se retrouvera en face-à-face avec Emmanuelle 4, qui remportera d’ailleurs d’une courte tête la bataille du box-office : 945.000 entrées pour Gwendoline, 1,27 millions pour Emmanuelle 4. Alors là, je sais ce que les plus jeunes parmi nos lecteurs sont en train de se dire : « Keu-Waa, mais c’est ouf que des films de cul fassent autant d’entrées ?!? » Alors oui. Si on n’approuve certainement pas votre vocabulaire, il faut tout de même avouer que la France de 1984 aimait le cul.

C’est d’ailleurs particulièrement clair en cette année 1984, puisque c’est l’année où Valérie Kaprisky attirerait 1,5 millions de voyeurs pour L’année des méduses et 1,3 dans La femme publique, et ce sur la seule promesse de la découvrir dans le plus simple appareil. Les affiches de films n’hésitaient d’ailleurs pas à jouer la carte du nichon pour attirer le chaland : la palme va – aussi – à La femme publique, mais on pense aussi à Maria’s lovers ou à Aldo et Junior

Mais attention, le jeune : 1984, ce n’est pas que du cul et du nichon. 1984, c’est aussi une belle année pour les films français aujourd’hui complètement oubliés, avec plein de gros succès populaires inédits en Blu-ray : Vive les femmes (2 millions d’entrées), Rue barbare (2 millions), Aldo et Junior (1,4 millions), L’addition (1,3 millions), Un été d’enfer (1,2 millions), Liste noire (955.000), Le garde du corps (830.000) ou encore Par où t’es rentré on t’a pas vu sortir (823.000).

Mais trêve de digressions, et retour à Just Jaeckin, et plus précisément à Gwendoline. Un film dont vous connaissiez sans doute une poignée de photos et de visuels hauts en couleurs, mais qui restait assez difficile à voir depuis l’avènement du format DVD, même si un bipack le couplant au Tendres cousines de David Hamilton était sorti en 2005. En l’occurrence, le fait de proposer un coffret contenant à la fois le film d’Hamilton et Gwendoline ne fait qu’entériner une monumentale erreur d’appréciation concernant le film : celle de considérer l’ultime long-métrage de Just Jaeckin comme un « simple » film érotique.

Car si bien sûr l’érotisme soft fait indéniablement partie de l’ADN du film, Gwendoline est bien plus que cela : il s’agit d’un mélange improbable de sérial et de nichons, auquel le temps qui passe a finalement conféré une aura étrange, presque farfelue, notamment à cause de (ou grâce à) ses décors en carton-pâte et ses séquences d’action aux limites du surréaliste. Il s’agit en tous cas d’un film absolument unique, tellement bizarre qu’il en apparait aujourd’hui réellement plein d’un charme authentique et quasiment inimitable.

A l’origine de Gwendoline, il y a les bandes dessinées de John Willie « Sweet Gwendoline », créées dans la deuxième moitié des années quarante et qui occuperont en partie Willie jusqu’en 1958 : il s’agit d’une bande dessinée d’aventures très, disons, hum, orientées, au cœur de laquelle l’héroïne se retrouve systématiquement ligotée. Sweet Gwendoline, la « reine de l’évasion », est ainsi devenue une véritable icône du bondage, et, par extension, du SM. En France, « Les aventures de Gwendoline » de John Willie ont tout d’abord été publiées en 1976 chez Les humanoïdes associés, avant d’être réédité en 1979, puis en 1985 chez Futuropolis dans une édition augmentée, et plus récemment (2011-2012) chez Delcourt dans des éditions plus explicitement érotiques.

Devant la caméra de Just Jaeckin néanmoins, Gwendoline renoue avec ses origines, et donc avec le sérial, qui avait été boosté quelques années auparavant par le succès des Aventuriers de l’arche perdue (Steven Spielberg, 1981), qui serait rapidement suivi de ses démarcations italiennes, telles que Les aventuriers du cobra d’or (Antonio Margheriti, 1982) ou Le trésor des quatre couronnes (Ferdinando Baldi, 1983). Dans la peau de l’Indiana Jones de service, on trouvera Willard (Brent Huff), un bellâtre aux yeux bleus, qui accompagnera Gwendoline et sa fidèle acolyte Beth dans leurs aventures dans la cité légendaire de Yik-Yak (sic). Dans la peau de l’héroïne, on trouvera donc Tawny Kitaen, qui tournerait la même année aux côtés de Tom Hanks dans Le palace en délire, puis que l’on retrouverait en 1986 dans Witchboard avant de la perdre définitivement de vue.

En revanche, les français connaissent bien l’interprète de Beth puisqu’il s’agit de Zabou Breitman, qui n’était pas encore très connue à l’époque. Après avoir présenté le segment Les quat’z’amis dans Récré A2, puis joué dans la comédie musicale « Dorothée au pays des chansons » avec Dorothée en 1981, elle se ferait finalement remarquer dans la comédie Elle voit des nains partout, puis baladerait son physique maigrichon et son drôle de visage – qui évoquait à vrai dire à l’époque d’avantage Olive, la femme de Popeye, que Blanche-Neige – dans Gwendoline. Un grand écart artistique qui lui permettrait finalement, 35 ans plus tard, d’être une des actrices / réalisatrices les plus respectées de l’hexagone.

La présence de Zabou – et de son sacré tempérament comique – au générique de Gwendoline nous permet également de revenir sur une autre erreur d’appréciation régulièrement commise au sujet du film de Just Jaeckin, et selon laquelle il s’agirait d’un « nanar », et qu’il s’avérerait « involontairement drôle ». Deux conneries de poids, si vous voulez mon avis. D’une parce que l’humour fait partie intégrante de Gwendoline, et qu’il suffira de regarder les acteurs surjouer (à la Bruce Campbell dans le cas de Brent Huff) tous leurs sentiments et leurs postures corporelles pour s’en convaincre. De deux parce que la reconstitution de décors typiques du « sérial » – et donc un peu kitsch – est une volonté réelle de l’entreprise menée par le réalisateur d’Emmanuelle. Les gags sont bel et bien volontaires (comme durant ce passage durant lequel nos trois héros sont ligotés et que Willard fait l’amour à distance à Gwendoline jusqu’à lui donner un orgasme verbal), la tonalité globale est à la bonne humeur et à un humour bon enfant. Même le comité de censure français – qui peut pourtant parfois s’avérer bouché comme pas possible – a bien remarqué que le film était tourné vers le plus pur esprit « bande dessinée », et n’a pas attribué la moindre interdiction au film, classé « tous publics » malgré la quantité assez importante de nichons ballottant joyeusement dans son dernier acte.

Et puisque l’on parle d’esprit BD, on ajoutera d’ailleurs qu’il est presque impossible de ne pas déceler dans Gwendoline la profonde influence qu’a pu avoir la revue de bandes dessinées Métal hurlant (1975-1987), ainsi que sa petite sœur Métal (hurlant) Aventure (1983-1985). On ne serait même pas loin d’une adaptation officielle dans l’absolu, puisque Claude Renard et François Schuiten, collaborateurs réguliers de Métal hurlant entre 1979 et 1981, se sont occupés de la conception des décors et des costumes du film. Attendez donc de voir la charge des soldats de Yik-Yak – une contrée peuplée uniquement d’amazones au crâne chauve arnachées de cuirasses de métal, et dirigée d’une main de fer par une Bernadette Lafont étonnante, se régalant d’infliger des tortures érotico-sadiques aux intrus masculins. Attendez de voir ces décors sophistiqués sublimés par la lumière superbe d’André Domage. Tellement superbe que les jeunes rappeurs toulousains BigFlo et Oli lui ont consacré une chanson il y a quelques années : « Ah c’est Domage, ah c’est Domage, c’est p’têt’ la dernière fois ». Bref, un soin tout particulier a été apporté à la conception visuelle de l’univers dans lequel nous emporte Gwendoline. Tout ça à une époque où l’on créait toute la magie à même le plateau, sans recours à d’artificiels effets numériques.

Doté d’un budget confortable de 35 millions de francs (ce qui, avec l’inflation, correspondrait sans doute de nos jours à 180 euros), Just Jaeckin voit grand, et si le résultat à l’écran est sublime (avec certes une indiscutable attirance pour le « kitsch »), on est vraiment loin, très loin de la série Z que certains y voient désespérément depuis 1984. Pour l’anecdote, on notera que Pierre Bachelet a repris un des thèmes qu’il avait composé pour Gwendoline l’année suivante afin de le transformer en l’un de ses plus grands tubes : « En l’an 2001 ».

Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD + Blu-ray

[5/5]

Éditeur absolument incontournable sur le front de la vidéo en France, Le chat qui fume prend grand soin de proposer aux cinéphiles des exclusivités s’imposant dans ce qui s’impose sans peine comme de « beaux objets » propres à fasciner les collectionneurs. A ce titre, le packaging du Combo Blu-ray + Blu-ray 4K Ultra HD de Gwendoline représente probablement ce qui se fait de mieux dans l’hexagone en matière de soin éditorial apporté à un coffret. Comme à son habitude, l’éditeur nous propose un superbe Digipack trois volets aux couleurs du film surmonté d’un fourreau cartonné au visuel original composé par Frédéric Domont alias Bandini. Bref, on a vraiment entre les mains une édition collector de grande classe, un packaging qui en impose avant même le visionnage de la série. Le soin apporté à l’ensemble et la qualité des finitions en font vraiment un superbe objet, qu’on sera très fier de voir trôner sur nos étagères. On ajoutera par ailleurs que le tirage de cette édition est limité à 1000 exemplaires, et que le film est proposé en Blu-ray 4K Ultra HD pour la toute première fois au monde.

Techniquement, l’éditeur n’est pas en reste puisque le transfert 4K du film est littéralement à tomber à la renverse, de toute beauté, rendant ses lettres de noblesse visuelle à une œuvre trop longtemps moquée et sous-estimée. Couleurs, piqué, contrastes et encodage, tout est fait pour magnifier le travail de Just Jaeckin et de son chef op’ André Domage (« Ah c’est Domage, ah c’est Domage ») sur cette grande série B branque et volontiers déviante qu’est Gwendoline. La texture argentique de l’image a été préservée, sans que cela ne nuise jamais à la profondeur de champ ou au niveau de détail. Une tuerie ! Côté son, seule la version française nous est proposée ici, ayant la préférence de Just Jaeckin. Cette dernière est mixée en DTS-HD Master Audio 2.0 et s’avère enthousiasmante, rendant hommage à la douce hystérie du film – le doublage français est assuré entre autres par Patrick Floersheim, voix française de Michael Douglas, et Anne Rondeleux, voix française de régulière de Mädchen Amick et de Shannen Doherty – les acteurs français assurant leur doublage par leurs propres moyens. Des voix connues et appréciées pour une VF de qualité !

Du côté des suppléments, on plongera directement dans le vif du sujet avec un entretien avec Just Jaeckin (34 minutes), qui reviendra sur sa carrière artistique, riche et bien rempli : sculpteur, photographe, réalisateur de pubs… Il reviendra sans fausse pudeur sur sa conception de l’érotisme, sa façon de travailler sur la suggestion, et se targuera de développer au cinéma « l’érotisme des femmes ». Il évoquera les réactions hostiles – voire insultantes – rencontrées après le succès d’Emmanuelle, et le stress que cette animosité a provoqué chez lui – selon ses dires, ses cheveux sont devenus blancs en réaction à la réception de son film. Il reviendra également sur sa volonté contrariée de changer de genre, puis se remémorera plus précisément le tournage de Gwendoline, les acteurs, les décors, les maquillages, etc. Un deuxième entretien avec Just Jaeckin (14 minutes) reviendra de façon plus ramassée sur le film, en citant quelques anecdotes inédites. Ainsi, il nous apprendra que ce n’est pas par snobisme que Zabou Breitman refuse de s’exprimer sur le film, mais suite à des problèmes de production.

On continuera ensuite avec un entretien croisé avec Claude Renard et François Schuiten (34 minutes). Ils reviendront tous deux sur leur parcours (l’institut St-Luc à Bruxelles), leur intégration au projet Gwendoline et le travail aux côtés de Just Jaeckin. Avec humour et sans langue de bois, ils évoquent leurs idées telles qu’elles ont été exposées au chef décorateur André Guérin et à la directrice artistique Françoise De Leu. Tous deux évoquent la dimension « sulfureuse » qui semble les avoir troublé, ainsi que leurs épouses. Ils se souviennent également de la découverte de leurs décors « construits » sur le plateau, et le sentiment de les avoir trouvés « trop propres ». Ils semblent garder un souvenir ému de leur collaboration sur le film.

La parole est ensuite donnée au producteur du film avec un passionnant entretien avec Jean-Claude Fleury (18 minutes). Ce dernier reviendra sur ses relations avec Jean-Pierre Dionnet qui lui a permis de négocier l’achat des droits de la bande dessinée de John Willie, qu’il a d’ailleurs acheté en même temps que ceux de la bande dessinée RanXerox, l’œuvre-culte de Tanino Liberatore et Stefano Tamburini. Il reviendra sur les multiples problèmes de production qu’il a rencontrés après le tournage du film, mais il garde un excellent souvenir de cette expérience avec Just Jaeckin et semble apprécier Gwendoline à sa juste valeur – un film de fantasy qui ne se prend pas au sérieux. Enfin, l’éditeur Le chat qui fume nous propose un entretien avec Françoise Deleu (14 minutes), française Françoise of course, mais contrairement à ses camarades elle s’exprimera quant à elle en anglais. Après avoir abordé sa carrière au cinéma, elle se remémorera sa rencontre avec Just Jaeckin ainsi que le tournage du film et l’ambition générale de l’entreprise. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce du film. Une édition indispensable à acheter sur le site du Chat qui fume !

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