Arras 2018 : Au bout des doigts

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Au bout des doigts

France, 2018
Titre original : –
Réalisation : Ludovic Bernard
Scénario : Ludovic Bernard, Johanne Bernard
Acteurs : Lambert Wilson, Kristin Scott Thomas, Jules Benchetrit
Distribution : Mars Films
Durée : 1h46
Genre : Drame
Date de sortie : 26 décembre 2018

Note : 2.5/5

A Paris, les gares et les métros sont toujours bondés. On y trouve un peu de tout, par exemple des hommes et des femmes qui ont osé franchir le mur invisible du périphérique pour tenter leur chance dans la capitale. Et dans la plupart des gares, la SNCF a installé des pianos en libre accès, une sorte de service public à l’égard des mélomanes les plus doués qui souhaitent se dégourdir les doigts en attendant leur train. Désolé si cette introduction dégouline de préjugés et de lieux communs, mais c’est ainsi que Au bout des doigts semble vouloir nous présenter le monde. Le troisième film de Ludovic Bernard accumule en effet les clichés sur la banlieue, cet univers apparemment en proie à la barbarie, où la précarité oblige de penser constamment au fric, en faisant une croix sur la culture sans trop d’états d’âme. Les bobos parisiens y en prennent également pour leur grade, des handicapés affectifs qui ne rêvent que de permettre aux pauvres infortunés l’ascension sociale, alors qu’ils ne savent plus quoi faire dans leur bulle préservée. Bref, les sélectionneurs de l’Arras Film Festival ont cédé aux sirènes du cinéma populaire dans ce qu’il a de plus réducteur et tendancieux avec ce film, qui joue pleinement la carte de la manipulation sentimentale, hélas sans produire autre chose que des poncifs plus ou moins indigestes. Dommage que des acteurs de la trempe de Kristin Scott Thomas et de Lambert Wilson se soient égarés dans ce pamphlet faussement indigné, qui colporte pourtant quasiment tous les bons sentiments nauséabonds à l’origine – quoique pas nécessairement responsables – de la fracture sociale en vigueur depuis trop longtemps en France. La seule valeur divertissante du film relève alors de sa capacité à enfiler, un par un, les passages obligés de pareil conte volontariste.

Synopsis : Pierre Geithner, le directeur artistique du Conservatoire de Paris, n’en croit pas ses oreilles, quand il entend par hasard Mathieu Malinski, un jeune de banlieue activement recherché par la police, interpréter magistralement un prélude de Bach sur un piano public. Il finit par retrouver sa trace et lui viendra même en aide, lorsque Mathieu aura besoin d’une mission de travaux d’intérêt général pour éviter la prison. Plutôt que de le laisser manier la serpillière dans les halls de son illustre institution, Pierre a de grands projets pour sa découverte. Il le force à prendre des cours chez l’impitoyable comtesse Buckingham et envisage même de le présenter en tant que candidat officiel du conservatoire au grand prix d’excellence. Or, Mathieu est bien trop attaché à ses origines modestes et trop peu sûr de son talent pour se laisser embarquer dans ce plan de réussite tout fait, sans qu’il ait été consulté.

Virtuose né

En toute honnêteté, à quoi peut-on encore s’attendre d’à peu près original de la part des films à apprentissage miraculeux, genre ultra-balisé par excellence, où le héros arrive à surmonter toutes les difficultés que la vie lui réserve pour accomplir à la dernière minute son sort glorieux ? Au bout des doigts ne semble même plus faire d’effort pour varier tant soit peu la formule usée jusqu’à la corde du saut d’obstacles social, discipline oh si édifiante à laquelle il existe une seule et unique option de conclusion. Avant l’épilogue sur la consécration inévitable, le récit s’évertue donc à multiplier les impasses improbables, tout en ayant à cœur d’insister sur le bon fond du protagoniste, ce pauvre petit qui aurait préféré jouer éternellement avec Michel Jonasz au piano, plutôt que de grandir et de faire face comme un adulte à ses contradictions existentielles. Car le profil psychologique de Mathieu est pour le moins sommaire, un véritable condensé de préoccupations post-adolescentes qui sont probablement censées nous le rendre plus accessible dans sa quête du graal musical. Ni un dur à cuire qui joue à Tony Montana en plein cambriolage, ni un bosseur invétéré qui arpente le solfège depuis son plus jeune âge, il n’appartient réellement à aucun des deux mondes qui rivalisent pour déterminer son avenir. Heureusement pour lui, mais pas forcément pour nous spectateurs plus si crédules dans le domaine romantique, il trouve une compagne prête à lui pardonner ses pires mensonges avec un grand sourire. Elle n’est pas belle, la vie des surdoués au cinéma ?

L’oreille absolue mais rien dans la tête

Les adultes ne s’en sortent guère mieux dans ce marasme de bons sentiments aseptisés. Comme ce fut déjà le cas de leur jeune poulain, ils sont réduits à des caractéristiques stéréotypés, n’allant point plus loin qu’un deuil mal digéré ou une participation au concours jadis ratée à cause de l’absence d’émotions sincères. Or, on cherchera en vain ces dernières au cours d’un film, dont la seule qualité est de ne pas perdre du temps avant de passer à la prochaine énormité, peu importe l’état de plus en plus préoccupant de la logique interne de l’histoire. Il en résulte malgré tout un flottement considérable, une pénurie de ligne directrice en dehors de ce que le genre hautement formaté veut bien donner comme directive suivante, sur la longue route de la rédemption à coups de revirements tirés par les cheveux. Le directeur artistique sur la sellette et sa plus brillante professeur, qui le suit aveuglement dans son pari insensé – on ne sait pas vraiment pourquoi –, adoptent alors au mieux le rôle de revers de la médaille, de contre-proposition à ce que Mathieu pourrait devenir, si seulement il voudrait bien se soumettre à leur éthique de travail draconienne. Sauf que la mise en scène ne s’aventure à aucun moment ne serait-ce qu’à proximité d’une telle mise en abîme, préférant se laisser aller dans des montages atrocement sensationnels, de piètres figures de style qui ne remplaceront jamais une vision filmique authentiquement virtuose.

Conclusion

Nous pensons généralement être bon public pour ces sucreries filmiques, ces baumes au cœur par écran interposé, qui restaurent le temps d’une séance notre foi en l’humanité. Encore faut-il qu’ils soient confectionnés avec un minimum de soin et de justesse pour pouvoir prétendre à nous séduire, voire à nous émouvoir. Au bout des doigts échoue plutôt misérablement à cette tâche pourtant pas si difficile que cela. De sa facture largement prévisible découle certes un peu d’ironie involontaire, mais sinon vous trouverez certainement dans votre multiplexe un film plus à même de distiller le sentiment chaleureux de solidarité désintéressée pendant la période de Noël !

1 COMMENTAIRE

  1. Cher monsieur. On pourrait appliquer à votre critique les mêmes mots que vous avez employé, minimum de soin et surtout justesse….et honnêteté, la manière dont est filmée la scène du prix d.excellence est superbement faite ; la musique merveilleuse oblige a du talent pour filmer l.interprete et c’est du bon et beau travail de cinéaste mais il semble que quoiqu’ilen soit le fondement du film , « la musique «  surtout classique comme rédemptrice et lien entre les individus vous est totalement étranger , la prochaine fois avant d’aller au cinéma voir ce type de film, portez vous absent cela sera sympa pour ceux qui Sont amenés à vous lire parce que vous êtes CRITIQUE

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