Rendez-vous à Kiruna

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afficheRendez-vous à Kiruna

France, Suède : 2012
Titre original : –
Réalisateur : Anna Novion
Scénario : Olivier Massart, Anna Novion
Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Anastasios Soulis, Claes Ljungmark
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie : 30 janvier 2013

Globale : [rating:4][five-star-rating]

Sorti il y a 4 ans, Les grandes personnes, le premier long métrage de la réalisatrice franco-suédoise Anna Novion, était un film très prometteur. C’est de nouveau en Suède qu’Anna Novion a posé sa caméra pour un deuxième film qui confirme toutes ses qualités. Un film qui, en plus du pays de tournage, a comme points communs avec le premier d’aller y puiser  plusieurs comédien(ne)s et de s’intéresser de nouveau à la paternité mais qui s’en écarte sur au moins deux points importants : alors que Les grandes personnes s’apparentait à un huis clos, Rendez-vous à Kiruna est un véritable road-movie ; alors que le premier faisait évoluer une majorité de femmes, le second se concentre avant tout sur les hommes.

Synopsis : Ernest, un architecte renommé, ne vit que pour son travail. Un jour, il reçoit un appel de la police suédoise qui le décide à entreprendre un long voyage jusqu’à Kiruna, en Laponie. Il doit y reconnaître le corps d’un parfait étranger, son fils qu’il n’a jamais connu. Son chemin va croiser celui de Magnus, un jeune homme sensible et perdu que tout oppose à Ernest, autoritaire et méfiant. Ce voyage en compagnie d’un fils possible, va révéler à Ernest une part inconnue de lui-même et l’aider à mieux comprendre ce rendez-vous à Kiruna.

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Père malgré lui

Il y a de fortes chances que le nom de Kiruna ne vous dise rien du tout ! Il s’agit, figurez vous, d’une petite ville minière de la Laponie suédoise, loin, loin, dans le nord du pays. Imaginez la surprise d’Ernest Toussaint, français pur jus impliqué à 99 % dans son travail d’architecte, lorsqu’un coup de téléphone de la police suédoise lui apprend que son fils Antoine est mort là-bas et qu’il doit venir le reconnaître. Pensez donc : il ne connaissait même pas l’existence de ce fils, née d’une aventure avec une suédoise, Maria ! Lui qui n’a jamais voulu être père, lui qui refuse tout ce qui est du domaine du sentiment, lui pour qui le boulot passe avant tout et qui travaille actuellement sur un gros contrat, décide brutalement de se rendre à Kiruna. Il ne se doute pas que ce voyage va profondément le changer. Lui, dont l’horizon est étriqué, lui, si bourru, voire franchement désagréable, avec les autres, tous les autres, petite amie, collaborateurs, personnes de rencontre, va progressivement s’ouvrir et découvrir ce qu’est le sentiment de paternité et les émotions qu’il peut apporter.

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La modification

Une des grandes qualités du film est de nous dépeindre cette métamorphose de façon très délicate, par petites touches, sans coup de tonnerre ostentatoire. Deux éléments participent activement à cette transformation. Tout d’abord les paysages : en allant du sud vers le nord de la Suède, les paysages s’ouvrent, passant du monde des villes à celui des villages, puis à la forêt, à la campagne, pour finir par les grands espaces dépouillés et grandioses du nord. Pour Ernest, que son métier d’architecte a confiné dans le béton, c’est un peu comme si on lui ouvrait la porte de la prison construite par lui-même autour de lui-même. Et puis il y a les rencontres. La plus importante est celle de Magnus, un auto-stoppeur qu’Ernest accepte au départ de prendre dans son véhicule non pas par générosité mais parce qu’il ressent le besoin d’avoir à sa disposition un GPS humain et un interprète : il est suédois et il parle bien le français ! Magnus est à l’opposé d’Ernest : quelqu’un de romantique, pas très sûr de lui. Sa petite amie Eva vient de le quitter et il le vit très mal. Par ailleurs, Ernest est persuadé que son père ne l’a jamais aimé. D’autres rencontres vont sceller entre Ernest et Magnus une relation au départ totalement improbable : celle avec Linda et deux « bikers », une rencontre qui va avoir comme conséquence majeure de renforcer leurs liens naissants en les laissant dans le doute quant à savoir lequel des deux est recherché par la police ; celle d’un élan, symbole d’une nature puissante et généreuse ; celle d’une population accueillante et aimant la vie lors de la prestation d’un petit groupe de rock dans la campagne ; celle, du grand-père de Magnus, un vieillard dont les mots amènent Ernest à réfléchir sur la relation qu’un père peut avoir avec son fils ; celle de Stig, le commissaire de police de Kiruna, qui a vécu pendant 12 ans avec Maria, la mère d’Antoine et qui a donc activement participé à l’éducation du fils d’Ernest ; celle, enfin, du lieu où vivait Antoine, de sa chambre, du paysage qu’il voyait tous les jours. A l’issue de voyage, après toutes ces rencontres, Ernest, métamorphosé, enfin libéré du carcan qu’il s’était imposé, est enfin prêt à prendre son envol.

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Une œuvre personnelle et riche

Rendez-vous à Kiruna n’est pas un simple road-movie de plus. Certes, Anna Novion a manifestement cherché à prouver qu’on pouvait tourner en Europe un road-movie « à l’américaine », avec le côté grandiose des grands espaces, le rôle des motos et même la présence d’une grosse voiture américaine lors du concert de rock, mais elle a greffé sur ce voyage un certain nombre d’éléments qui font de son film une œuvre très personnelle et très riche. C’est ainsi qu’en plus d’être un film sur la transformation d’un homme, Rendez-vous à Kiruna est également un film sur l’abandon, un abandon que tous les personnages du film, à l’exception d’Ernest, ont connu et qui les a fait souffrir. En devenant, enfin, humain, peut-être Ernest connaîtra-t-il un jour les affres de l’abandon ? C’est ainsi, aussi, que ce film sait s’échapper parfois vers des moments de franche drôlerie, par exemple lorsque Magnus s’amuse à abuser Ernest en lui faisant une traduction très personnelle de ce que raconte un des « bikers ». Peut-être pour se faciliter la tâche, Anna Novion a choisi de reprendre une grande partie des comédien(ne)s qui jouaient dans son premier film, en particulier pour le rôle d’Ernest et celui de Magnus. Pour Ernest, il s’agit de Jean-Pierre Darroussin, son compagnon dans la vie. Cela permet  à ce dernier d’affirmer qu’à part ses propres réalisations, c’est la première fois qu’il assiste à la conception d’un film du début jusqu’à la fin. Quant à l’interprète de Magnus, Anastasios Soulis, c’est en le voyant évoluer aux côtés de Darroussin dans Les Grandes personnes qu’Anna Novion a imaginé de réunir à nouveau ces 2 interprètes dans un film à venir, avec, entre eux, un rapport père-fils. Une hypothèse pour finir : ne faut-il pas voir dans Toussaint, le nom de famille d’Ernest, l’évocation de Toussaint Louverture, le héros haïtien si important pour sa lutte contre l’esclavage ? L’ouverture, celle que va enfin connaître Ernest et qui va lui permettre de se libérer de son esclavage envers son seul travail.

Résumé

On dit souvent que le 2ème film est, pour un réalisateur, le plus difficile à monter. Ce fut particulièrement vrai pour Rendez-vous à Kiruna, l’utilisation de 3 langues différentes, français, suédois, anglais, étant loin de faciliter les choses. On dit aussi que c’est celui qui permet de commencer à avoir une petite idée de l’avenir « professionnel » du réalisateur ou de la réalisatrice. De ce point de vue, on peut affirmer que celui d’Anna Novion s’annonce radieux, ses 2 premiers films montrant à l’évidence qu’elle a un univers qui lui est propre et qu’elle arrive parfaitement à faire partager aux spectateurs.

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