Livre : Steven Spielberg und seine Filme (Georg Seeßlen)

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Steven Spielberg und seine Filme

Allemagne, 2016
Titre original : Steven Spielberg und seine Filme
Auteur : Georg Seeßlen
Editeur : Schüren Verlag
288 pages
Genre : Monographie réalisateur
Date de parution : Août 2016
Format : 149 X 221 mm
Prix : 29,90 €

Note : 3/5

Nous avions déjà notre petite théorie personnelle sur le cinéma de Steven Spielberg, un maître de son art, qui a toutefois la très fâcheuse habitude de bâcler la fin de ses films. Grâce à cet ouvrage allemand, paru en 2016 en anticipation du 70ème anniversaire du réalisateur, nous disposons désormais de multiples pistes de réflexion supplémentaires. En effet, l’auteur Georg Seeßlen développe tout un réseau thématique autour de l’œuvre du roi de Hollywood, avec un degré d’érudition et de facilité littéraire qui force le respect. Car, admettons-le, nous avons toujours considéré le style d’écriture de ce géant de la littérature cinématographique d’outre-Rhin, dont nous avions jadis commencé certains ouvrages, tels que sa monographie sur Stanley Kubrick et son inventaire imposant du film policier, avant que le courage et la persévérance ne nous abandonnent, comme le but à atteindre dans notre modeste existence de critique de cinéma. Même si « Steven Spielberg und seine Filme » nous a appris beaucoup de choses sur les préoccupations du réalisateur de films aussi marquants de l’Histoire récente du cinéma américain que Les Dents de la mer, E.T. L’Extra-terrestre, La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan – sans pour autant en faire un messie, comme des approches moins nuancées courent toujours le risque de le faire –, nous ne pouvons pas non plus totalement nier une certaine frustration, due à l’incapacité de la part de Seeßlen de mener l’analyse plus loin que la mise en chantier de quelques questions passionnantes.

Synopsis : Steven Spielberg ou l’histoire des images en mouvement d’un garçon juif sympa de Phoenix dans l’Arizona, qui ne voulait pas disséquer les grenouilles, qui avait le vertige, à qui les ascenseurs et l’eau faisaient peur et qui a réinventé par conséquent l’industrie du rêve de Hollywood.

Moïse & Peter Pan

La tâche était de taille : faire tenir un tour d’horizon quasiment exhaustif des courants formels et thématiques de la filmographie de Steven Spielberg, riche de trente longs-métrages de cinéma et d’innombrables productions pour le grand et le petit écran, en moins de trois-cents pages. Georg Seeßlen s’en est acquitté plus qu’honorablement, une première fois en 2001, puis quinze ans plus tard avec cette édition actualisée, qui ne fait au fond qu’ajouter un dixième chapitre dans lequel les réalisations de Spielberg à partir de Minority Report et jusqu’à Le BGG Le Bon Gros Géant inclus sont traitées une par une, à l’exception curieuse de Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, mentionné pratiquement nulle part. Les grandes lignes d’interprétation et de regroupement y sont établies souverainement, autour de thèmes aussi révélateurs de l’état d’esprit de Steven Spielberg que la famille, les rêves, le souvenir, les genres et un rapport jamais aveuglement patriotique à l’Amérique. Au fil de la lecture, il devient de plus en plus évident que le réalisateur, ainsi que son chroniqueur dévoué, quoique pas non plus inconditionnellement admiratif, loin s’en faut, cultivent des obsessions qui bordent au fétichisme dans leur représentation récurrente, à savoir le désir de réconciliation, la phobie des victimes, ainsi qu’un échange incessant au niveau des personnages entre les figures mythiques du premier prophète du judaïsme, côté adulte, et le jeune homme habillé en vert qui chasse son ombre, côté enfant. Car cette contradiction apparente entre l’euphorie juvénile, reflétée dans les spectacles d’évasion que sont les aventures d’Indiana Jones et les contes d’anticipation doucement apocalyptiques qui ont pour décor Jurassic Park, et des sujets plus graves, traités dans des films soi-disant sérieux comme La Couleur pourpre et Munich, se trame comme un fil rouge tout au long de ce livre plutôt fascinant.

De la difficulté de se réconcilier sans faire de sacrifice

Car il y a tout de même quelques bémols mineurs à ajouter à notre appréciation globale de ce livre, que l’on a du mal à voir traverser les frontières et les barrières linguistiques, tellement il se nourrit du style très travaillé de Georg Seeßlen, à mi-chemin entre le traité théorique et un monologue malicieusement ironique sur l’état des choses dans notre civilisation occidentale et en l’occurrence américaine. A commencer par l’équilibre pas toujours très heureux entre d’un côté le regard à l’ambition abstraite sur le travail de Spielberg, qui prend parfois la biographie de ce dernier comme point de départ, tout en sachant y déceler sans peine sa part de légende personnelle, et de l’autre la nécessité d’y glisser des remarques plus empiriques, par exemple sur le succès commercial et critique de tel ou tel film, les conditions de tournage ou tout simplement le résumé de l’intrigue. Cette alternance quelque peu bancale entre les hauts et les bas du fond idéologique et industriel de l’œuvre de Steven Spielberg se répercute hélas aussi sur le propos de l’auteur, parfois fulgurant dans son raisonnement et puis, dès la phrase suivante, réduit à des observations plus terre-à-terre. En cela, il ne serait point exagéré de considérer Georg Seeßlen comme une sorte d’élève indirect de son sujet, aussi prompt à l’envolée brillante qu’à l’éparpillement ou aux phrases interminables. Dans ce contexte, il est fort dommage que des erreurs grammaticales gênent à intervalles réguliers la lecture, à l’image de manquements manifestes de relecture, comme une répétition indirecte de paragraphe dans le chapitre dédié au Pont des espions, ou bien de l’annexe, elle non plus exempte d’imprécisions, selon laquelle La Liste de Schindler serait sorti la même année qu’Amistad, en 1997 !

Conclusion

Nous avons toujours le plus grand respect devant la boulimie d’écriture de Georg Seeßlen, un esprit très attentif aux dérives de notre société et très adroit dans ses mises en garde caustiques. Dans le cadre de « Steven Spielberg und seine Filme », cette lucidité exceptionnelle n’est point mise à mal. Elle a juste un peu trop tendance à tourner en rond, à illustrer de façon approximative les points de réflexion d’ores et déjà clarifiés une dizaine de pages plus tôt. Ce qui fait de son livre un passage obligé pour quiconque s’intéresse de près au travail de Steven Spielberg – et qui maîtrise au demeurant la langue de Goethe –, en dépit de son caractère peut-être un peu trop mi-figue, mi-raisin, assis entre les deux chaises du traité abstrait et de la monographie minutieuse. Quoiqu’il en soit, ce livre efficacement illustré est tout à l’honneur de son éditeur, Schüren Verlag, une maison qui se consacre avec passion à la vulgarisation d’un regard exigeant sur l’art visuel sous toutes ses formes.

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