Critique : Le Fils de l’autre

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Le fils de l'autre - photo du film

Le fils de l’autre

France : 2012
Réalisateur : Lorraine Levy
Acteurs : Emmanuelle Devos, Pascal Elbé, Jules Sitruk
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h45
Genre : Drame
Date de sortie : 04/05/12

3/5

Sur la base d’un scénario déjà vu d’échange de bébés à la naissance, Lorraine Lévy transpose son troisième long métrage dans un univers tout autre, celui d’un conflit religieux et politique sensible, ancré au cœur de l’actualité et d’une quête identitaire tout aussi fastidieuse…

Synopsis : Alors qu’il s’apprête à intégrer l’armée israélienne pour effectuer son service militaire, Joseph découvre qu’il n’est pas le fils biologique de ses parents et qu’il a été échangé à la naissance avec Yacine, l’enfant d’une famille palestinienne de Cisjordanie. La vie de ces deux familles est brutalement bouleversée par cette révélation qui les oblige à reconsidérer leurs identités respectives, leurs valeurs et leurs convictions.

Le fils de l'autre - photo du film

Un film idéologique, pas politique

Si Le Fils de L’autre a été sélectionné et primé au Festival du film positif de Boulogne Billancourt, c’est bien qu’il y a une raison. Malgré une histoire d’apparence difficile et émouvante, le film ne se veut pas être un film politique. Il n’est pas question en effet d’aborder ici les échanges de tirs constants entre Israël et la Cisjordanie, ou bien de voir des morts à l’écran. Bien au contraire, le film de Lorraine Lévy se veut apolitique, blâmant les deux gouvernements des deux peuples qui se haïssent sans plus vraiment savoir pourquoi. La réalisatrice ne rejette la faute ou la supériorité sur personne, et utilise plutôt le conflit religieux comme toile de fond pour son drame familial et son film touchant.

Sans grande mise en scène, Le Fils de L’Autre vaut surtout pour son côté réaliste et son jeu d’acteurs, tous plus justes les uns que les autres, à commencer par les deux jeunes hommes au coeur de l’histoire. Alors qu’on retrouve un Jules Sitruk qui a bien grandi, on a plaisir à découvrir un Medhi Dehbi beau, peu bavard, spontané et touchant. L’alchimie entre les deux jeunes hommes et perceptible et nous fait avaler l’histoire malheureusement peu crédible.

Car le film, avant de se concentrer sur les problèmes qu’engendre l’échange de deux bébés dans deux familles que tout oppose, dresse un portrait sur la quête de l’identité édifiant. Lorraine Lévy confronte alors dans son film ses personnages qui se cherchent, du père en plein déni du fils qu’il ne reconnaît plus, à la mère aimante et curieuse de découvrir son fils de sang. Le corps du film repose sur les émotions que ressentent tous les protagonistes. Comment accepter l’autre, celui avec qui l’on est connecté mais qu’on ne connait pas, et pire, que l’on a appris à haïr depuis toujours? Comment réagir quand on ne reconnaît plus son frère avec qui l’on partageait tout et qui incarne désormais tout ce que l’on déteste? Comment ne pas être tenté d’aimer, en tant que mère, celui avec qui l’on est biologiquement lié?

Le fils de l'autre - photo du film

Mais une prise de position marquée

Le film devient alors très humaniste mais aussi utopiste dans son traitement, faisant en sorte que les deux jeunes hommes s’apprécient instantanément et que les mères attristées tentent de faire la paix face à cette guerre qu’elles n’ont pas choisi de vivre pour élever leur nouveau fils. On aimerait bien que ça se passe comme ça en vrai, mais ça ne serait certainement pas le cas… Reste alors au Fils de l’Autre un portrait réaliste et affligeant des conditions des arabo-musulmans vivant du côté Cisjordanien de la frontière comparé à la richesse de vie des habitants juifs de Tel-Aviv. Le film s’attarde souvent sur cette frontière justement, lieu principal de tournage, là où certains n’ont aucun problème à passer d’un côté ou de l’autre quand d’autres doivent montrer patte blanche.

Pourtant, même si Lorraine Lévy ne souhaite pas prendre position, il existe dans son film quelques différences visibles de traitement entre les deux communautés. En effet, nous voyons beaucoup plus le côté Tel-Aviv que la Cisjordanie, le couple Pascal Elbé-Emmanuelle Devos que les acteurs arabes inconnus. Le personnage de Yacine est effacé par rapport à celui de Joseph qui se pose de nombreuses questions existentielles alors que son alter-égo a peu de répliques et donne alors l’impression de prendre cette quête identitaire à la légère. Les problèmes de religion ne sont évoqués que du côté juif, tandis que la religion musulmane n’est pas vraiment montrée. A ce propos, une des scènes marquante de ce film idéologique se passe pourtant dans une synagogue et oppose un rabbin à Jules Sitruk apprenant la nouvelle que désormais, malgré ses 18 années à respecter la Torah une circoncision et une bar mitzvah, son homologue Yacine musulman de naissance est en réalité plus juif que lui puisque sa mère biologique est juive…les images parlent d’elles-mêmes.

Du côté des mamans, même constat. Malgré un jeu impeccable et émouvant de la part de  Areen Omari, le rôle clé revient à Emmanuelle Devos dans sa maison de Tel Aviv. Les pères sont également mis à l’écart, et leurs rôles très peu développés, laissant la place aux mères aimantes. Dommage, car leurs réactions masculines de déni, de fierté et de haine puis d’amour sont essentielles à l’histoire en plus d’être extrêmement touchantes. Quoi qu’il en soit, le message positif est préservé grâce à cette réflexion simple du « si on ne m’avait pas échangé à la naissance, c’est moi qui vivrait dans ces conditions », et à la prise de conscience que ça entraîne. Rien de comparable donc, à des histoires comme « La vie est un long fleuve tranquille », mais plutôt un film tourné vers l’acceptation de l’autre et une belle leçon de vie.

Résumé

Un film utopiste au temps de parole inégal entre les deux communautés n’empêchant pas l’histoire d’être émouvante, et les acteurs d’être brillants et touchants. Une belle leçon d’humanité en toute simplicité, et un message de paix à suivre, dans un film à la réalisation simpliste mais teintée de féminité et de respect.

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