Critique : Je suis mort mais j’ai des amis

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Je suis mort mais j’ai des amis

Belgique, France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Guillaume Malandrin, Stéphane Malandrin
Scénario : Guillaume Malandrin, Stéphane Malandrin et Vincent Tavier
Acteurs : Bouli Lanners, Wim Willaert, Lyes Salem, Serge Riaboukine
Distribution : Happiness Distribution
Durée : 1h36
Genre : Comédie
Date de sortie : 22 juillet 2015

Note : 3,5/5

Les Français ont beau se moquer avec insistance de leurs voisins belges, ceux-ci ne brillent pas seulement par leur gentillesse et leur bonne humeur exceptionnelles, mais surtout par le genre d’humour caustique et irrévérencieux que l’on cherchera en vain dans nos contrées. Cette comédie déjantée en fournit une fois de plus la preuve irréfutable, par le biais d’un périple aussi macabre qu’hilarant, qui ne cherche à aucun moment à faire amende honorable pour la bêtise éhontée de ses personnages. Avec son énergie et sa gouaille habituelles, Bouli Lanners se situe au centre de cette tornade filmique, qui fait virevolter en toute impunité la bande de losers la plus attachante vue depuis longtemps. Rien n’est sacré aux yeux de ces hommes incapables de tourner la page de leur aventure musicale, si ce n’est justement le rock et sa philosophie de vie sans compromis. Des compromis, les frères Malandrin n’en font pratiquement pas dans leur deuxième film hautement amusant, grâce à un ton iconoclaste qui sait pourtant préserver un lien étroit avec une réalité sensiblement moins joyeuse que ce voyage à caractère de plus en plus improvisé.

Synopsis : Le groupe de rock vieillissant Le Grand ours ne manque pas de projets. Suite à l’abandon de leur batteur Pierre pour raisons de santé, les autres membres du groupe viennent d’en engager un petit nouveau, le jeune Nicolas. Et le chanteur Jipé a enfin convaincu ses acolytes de partir en tournée aux Etats-Unis. La mort soudaine de Jipé vient par conséquent au moment le moins opportun. Incapables de faire leur deuil, les guitaristes Yvan et Wim décident de poursuivre coûte que coûte avec leur plan d’un concert à Los Angeles. Mais les choses se compliquent, lorsqu’ils apprennent que leur compagnon de longue date leur avait caché sa relation avec Dany, un pilote d’avion de chasse. Ce dernier souhaite participer à la virée en l’honneur de Jipé, au grand dam de Yvan qui n’arrive pas à admettre que le groupe est appelé à se dissoudre.

La gastronomie belge, toujours aussi succulente !

Une merguez rincée à la bière, des cendres humaines en guise de condiment involontaire, le vomi comme point de départ d’une séquence particulièrement amusante : Je suis mort mais j’ai des amis ne fait pas dans la demi-mesure lorsqu’il s’agit de mettre à contribution les aliments les plus innocents pour son grand projet comique. Et comme par miracle, la sauce prend chaque fois que Guillaume et Stéphane Malandrin tentent d’exprimer le tempérament excessif de leurs personnages à travers ces trouvailles ingénieuses. Aucune moquerie gratuite ne se fait jour dans ces moments très drôles de décalage avec la bienséance, juste une sorte de déclaration d’amour détournée à l’attention de ces vieillards incorrigibles, qui savent pertinemment qu’ils ont raté leur vie d’artiste, mais qui font comme si la reconnaissance les attendait au prochain virage d’une carrière en dents de scie. Aussi loin les personnages s’éloignent-ils de leur terroir belge, ils trimbalent toujours derrière eux ce boulet d’une philosophie de vie bordélique et archaïque. Même au fin fond du Canada, ils ne réussissent pas à respirer librement, puisqu’ils s’entêtent outre raison à poursuivre leurs petites querelles intestinales. Ce qui ne fait pas seulement leur noblesse ironique, mais également leur richesse inépuisable en termes de surprises, invariablement bonnes pour le spectateur, quoique parfois douloureuses pour Yvan et consorts.

Le meilleur remède contre le deuil : des cendres, un gramme à la fois

Un film avec un titre aussi aberrant que Je suis mort mais j’ai des amis ne pouvait pas aborder la question délicate de la mort d’une façon conventionnelle. Le respect du défunt est en effet le moindre des soucis dans la quête ébouriffante d’une improbable renaissance du groupe, selon l’idée farfelue de Yvan que les restes de Jipé se mettraient à chanter sur scène. Pourtant, l’incroyable finesse de la narration se manifeste peut-être encore plus dans ces instants totalement voués au souvenir d’un homme aux nombreux jardins secrets. Grâce à sa disparition fulgurante et oh si absurde, un nouveau groupe d’hommes se crée ainsi, sans doute encore plus détraqué que le précédent, mais animé par une rage de vivre maladroite que tout un chacun devrait ressentir au quotidien. Autant écrire que ce film jubilatoire distille toutes les forces de la nature humaine, en ne devenant jamais moralisateur, mais en jonglant avec une exubérance hors pair entre beaucoup de franches rigolades et quelques parenthèses plus introspectives. En somme, avec l’incomparable Bouli Lanners comme garant d’un humour mi-viril, mi-subtil, les frères Malandrin ont accompli une entrée fracassante dans le genre comique. Espérons que ce ne sera que le début de leur longue histoire d’un cinéma délirant de qualité, bien que les difficultés financières rencontrées pour monter cette production indépendante laissent craindre le contraire.

Conclusion

Dans toute notre effusion d’un enthousiasme immodéré pour ce film prodigieux, nous n’avons même pas pris le temps de souligner la vigueur et la justesse des interprétations ! C’est désormais chose faite, puisque, en outre de Lanners déjà évoqué, l’impression de l’ensemble est réellement sans faille, grâce à l’emploi complémentaire de Wim Willaert, Lyes Salem et Serge Riaboukine. Avec une telle bande dysfonctionnelle de potes, nous reprendrions tout de suite la route, sans hésiter une seconde !

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