Critique : Fury

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Brad Pitt, Jon Bernthal, Shia LaBeouf, Logan Lerman et Michael Peña

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Etats-Unis, 2013
Titre original : –
Réalisateur : David Ayer
Scénario : David Ayer
Acteurs : Brad Pitt, Shia LaBeouf, Logan Lerman
Distribution : Sony
Durée : 2h14
Genre : Guerre, Drame, Action
Date de sortie : 22 octobre 2014

Note : 2,5/5

Brad Pitt commande un équipage de cinq hommes dans un tank Allié nommé Fury dans les derniers jours de la Seconde Guerre Mondiale. David Ayer (End of watch, Sabotage) va-t-il faire oublier les passagers du char de Lebanon de Samuel Maoz ou rate-t-il sa cible ?

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Synopsis : Avril 1945, l’armée nazie est en pleine débâcle. Don ‘Wardaddy’ Collier commande un équipage de quatre hommes dont trois partagent son destin depuis quatre ans, alors que l’espérance de vie dans un char était limité à quelques jours à peine en moyenne. Boyd surnommé ‘Bible’ pour ses croyances religieuses, les fortes têtes Trini ‘Gordo’ Garcia et Grady ‘Coon-Ass’ Travis sont rejoints par Norman, frêle recrue fraîchement débarquée et qui ne connaît rien à sa nouvelle affectation, demandant naïvement à embarquer sa machine à écrire. Réunis dans un char M4 Sherman baptisé affectueusement Fury, ils traversent l’Allemagne où ils affrontent les tirs ennemis d’une armée en déroute et vont tenter de protéger un site stratégique.

 

Brad Pitt, Jon Bernthal, Shia LaBeouf, Logan Lerman et Michael Peña
Brad Pitt, Jon Bernthal, Shia LaBeouf (en haut), Logan Lerman et Michael Peña (en bas)

Sale guerre, belle photo

La guerre est sale et le réalisateur David Ayer n’en cache aucune dérive en la saisissant dans toute son horreur. Les cadavres sont jetés à l’arrière d’un camion et finiront au mieux dans une fosse commune. Pas de temps pour pleurer le camarade tombé la veille, il faut nettoyer les lambeaux de son visage et ses tripes au fond d’un tank. Des cadavres se font rouler dessus, des soldats sont brûlés vifs, des corps et des têtes explosent sous les tirs. Femmes et enfants sont recrutés pour accomplir la volonté du Führer de se battre jusqu’au bout alors que le conflit est déjà perdu et ceux qui refusent de se battre contre les Alliés sont pendus pour l’exemple. Les scènes de combat reflètent cette dimension pathétique du refus de reconnaître la défaite avec des affrontements filmés de façon parfois inédite, dont un duel à quatre chars, impressionnant dans son découpage et dans l’originalité de sa mise en scène, une gageure vu le nombre de films de guerre tournés, ne serait-ce que sur ce conflit précis.

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Roman Vasyanov signe la photo du film, d’une grande beauté, manifestement sous influence du style graphique de Janusz Kaminsky dans Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg. Le film a été tourné en 35mm, manifestement un plus pour son esthétique, ce que l’on ne peut que louer, la précision des contrastes et des couleurs saturées n’en étant que renforcée. Le travail sur le son est là encore d’une justesse et accompagne les sales images et l’horreur des situations. Steven Price, révélé par Gravity de Alfonso Cuaron, entendu auparavant dans Le dernier pub avant la fin du monde et Attack the Block, souligne efficacement les scènes de combat, soutenu par le travail de mixage dans les tirs et les mouvements des véhicules, même si l’on peut regretter des mélodies relativement peu inspirées.

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Au-delà de la gloire

À la tête de la troupe en officier rugueux, Brad Pitt rappelle la désinvolture usée de Tom Hanks dans le même Soldat Ryan ou de Lee Marvin dans Au-delà de la gloire (The Big Red One), deux officiers revenus de tout, un poil cyniques. Les deux films sont des influences manifestes, le premier visuellement donc, le deuxième dans ses thématiques mais la comparaison ne peut que desservir l’oeuvre de David Ayer. Brad Pitt livre une prestation honnête, gâchée par l’insuffisance de caractérisation du script écrit par David Ayer en solo. Il est accompagné dans son odyssée tragique par Shia LaBeouf si investi dans son rôle qu’il a tenu à opérer lui-même la tourelle du char (même quand il n’apparaissait pas à l’écran), à se faire arracher une dent et à se couper le visage pour que ses blessures aient l’air plus réalistes. Il s’impose dans un rôle qui manque là encore de profondeur, à l’image des caractérisations de l’ensemble du quintet.

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Ses partenaires, Michael Peña (World Trade Center) alias Gordo, Jon Bernthal (Shane dans The Walking Dead) en costaud bas du plafond et le candide Logan Lerman ont été plus classiques dans leur méthode de travail, ce qui explique peut-être leur relative apathie ? L’écriture ne laisse de toute façon guère l’occasion à aucun d’entre eux de briller. À l’exception de la scène du déjeuner qui révèle leur humanité blessée, Trini ‘Gordo’ Garcia et Grady ‘Coon-Ass’ Travis se contentent d’être présents, le deuxième rappelant dans ses pires moments de fragilité mentale Telly Savalas dans Les Douze Salopards mais cette idée n’est qu’effleurée. Logan Lerman confirme après les deux Percy Jackson qu’il est un acteur à suivre même lorsque le film laisse une impression mitigée (sauf peut-être dans Noé de Darren Aronofsky, film décidément irrécupérable). Il apporte un peu de profondeur à cet intrus qui n’est là que pour faire ressortir l’animalité guerrière de ses complices ravagés par des années de combats mais qui n’existent pas suffisamment pour être autre chose que des symboles. On devrait ressentir leur symbiose, et ils n’ont pas la complexité des personnages écrits par Samuel Fuller dans Au-delà de la gloire qui montrait là encore des soldats lors du même conflit, au même moment du début de la fin pour l’armée nazie. Leur vie en commun en tant que membres d’un groupe qui survit à tout le monde était finement esquissé.

avec Alicia von Rittberg et Anamaria Marinca
avec Alicia von Rittberg et Anamaria Marinca

À l’aube de l’appartement de jeunes allemandes en fleur

L’intermède dans l’appartement de deux jeunes femmes allemandes (l’aînée est interprétée par Anamaria Marinca vue dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours) est comme une pause tranquille dans la succession de combats, à l’image de la parenthèse (dés)enchantée de la plantation française dans Apocalypse Now Redux. Prenante par moments, maladroite à d’autres, cette séquence reflète l’état d’esprit de ces soldats réunis par le hasard de leur hiérarchie. Cette séquence inégale s’éternise trop longtemps, ce qui est dommage car elle aurait pu apporter un éclairage sur les rapports indicibles entre les quatre soldats qui partagent cet univers clos depuis trop longtemps. Réunis malgré eux, ils forment un être unique difforme inquiétant alors qu’ils sont manifestement différents en dehors de cet événement extraordinaire dans le cours de leur vie. La tension est prometteuse mais au final, cette séquence déçoit. Le raccourci pratique qui clôt ce chapitre reflète là encore le manque de subtilité du style de l’écriture de David Ayer qui aurait bénéficié de l’appui d’un dialoguiste doué.

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Dans des rôles secondaires, on repère Jason Isaacs dans le rôle de l’officier qui les envoie vers leur dernière mission, Xavier Samuel (The Loved ones) en officier insuffisamment expérimenté à la tête d’un tank qui aura la malchance de croiser des soldats allemands qui sont encore des enfants, Brad Henke, l’un des ‘chefs’ d’un autre tank ou Scott Eastwood en soldat qui partage l’existence du groupe le temps d’une entrée dans un village encore occupé. Ils impriment un peu plus les esprits que certains des occupants de Fury.

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Résumé

Malgré une réelle énergie dans la mise en scène, Fury relève plus d’un cinéma d’action de série B que d’un cinéma de réflexion, les rares tentatives d’apporter un peu de psychologie étant victimes de clichés et d’actes héroïques dénués de suspense. Dommage, car si David Ayer tente des choses et a de bonnes idées de mise en scène, il est un scénariste assez médiocre qui peine à créer un environnement auquel l’on pourrait adhérer avec plus d’enthousiasme. La grande séquence finale en est un exemple frappant, se déroulant de façon trop prévisible même si elle est bien huilée, trop peut-être, rien ne venant enrayer la machinerie si prévisible qu’elle ne peut être ni bouleversante ni révélatrice de l’absurdité d’un sacrifice forcément inutile dans une guerre déjà terminée.

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