Entretien Seth Gordon à l’occasion de la sortie de Freakonomics

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Entretien seth gordon

Entretien seth gordon

A l’occasion de la sortie en salle du documentaire Freakonomics, Critique-Film.fr a rencontré le réalisateur-producteur Seth Gordon. L’occasion d’aborder avec lui de nombreux thèmes, dont l’économie, l’humour, l’avenir, le cinéma, les séries télé et Hollywood, mais aussi de simples moment de la vie de tous les jours. Un entretien « au naturel » à l’image de ce fils de prof, fraîchement rendu célèbre au grand public pour « Comment tuer son boss? », mais passionné du petit comme du grand écran depuis toujours.

 

Critique Film : J’imagine que vous avez lu le livre avant de réaliser le documentaire. Mais pourquoi avoir décidé d’adapter Freakonomics ?

Seth Gordon : J’ai grandi avec l’économie. Mes deux parents étaient professeurs, enseignants les sciences, dont l’économie. C’est mon père qui m’a recommandé le livre quand il est sorti, car il trouvait que c’était une nouvelle façon de voir le monde, de combattre les croyances populaires. J’ai donc trouvé qu’il y avait beaucoup de principes du livre qui méritaient d’être exposés au plus grand nombre. Le défi, c’était de faire venir le public voir un docu avec pour titre Freakonomics dans lequel ils entendent avant tout Économie, alors que le documentaire ne parle pas de ça. C’est plus de l’économie appliquée à la sociologie, pour comprendre nos comportements, que de l’économie pure.

 

CF : Donc vous aviez quand même une certaine connaissance du milieu de la finance et des chiffres avant de réaliser ce documentaire ?

S.G : Je dirais que j’avais plus de connaissances qu’une personne moyenne, mais je suis loin d’être un expert!J’ai juste plus facilement compris les principes exposés dans le livre certainement. Ces connaissances m’ont aussi fait prendre conscience d’à quel point le bouquin simplifiait l’économie pour tous alors que les sujets abordés sont très complexes.

 

CF : Comment s’est déroulé le tournage alors ? Est-ce que c’est vous qui êtes allé demander directement à Steven Levitt (l’auteur ndlr) de participer ?

S.G : Il y avait un producteur, Chad Troutwine, qui avait lu le livre et acheté les droits. Il voulait faire une version plurielle, à la façon de son précédent film « Paris je t’aime ». Il avait adoré ce principe de faire tourner plusieurs réalisateurs sur le même sujet, même si ça n’avait jamais été fait pour un documentaire. Mais il savait que les chapitres de Freakonomics était tellement différents entre eux que c’était l’occasion rêvée de tourner comme il le voulait. Ensuite, il suffisait juste de trouver les bons réalisateurs! Nous avons alors pensé à Alex Gibney et Morgan Spurlock avec chacun un style bien à eux. Puis Heidi (Ewing) et Eugene (Jarecki) entre autre qui rajoutaient à la variété que l’on cherchait. Chad et moi avons sélectionné ces réalisateurs ensemble, en échangeant sur ce que nous avions vu de ces hommes et femmes.

 

CF : Tous les chapitres du livre ne sont pas évoqués dans le documentaire. En avez-vous tourné d’autres que vous avez coupé au montage ou aviez-vous arrêté un choix avant ?

S.G : Moi, j’en ai tourné d’autres. Chacun des réalisateur a choisi le chapitre qu’il voulait adapter. Après avoir vu le résultat, j’ai voulu créer les liens entre chaque mini documentaire, comme dans un livre, pour garder une continuité et trouver l’ordre des docu. Par exemple, Eugene Jarecki a réalisé l’histoire sur l’avortement, qui par ce mot était le chapitre le plus controversé du livre. Pourtant, personne ne prend parti pour ou contre l’avortement à aucun moment. Steven Levitt a juste montré une relation de cause à effet entre des chiffres, dû à cette loi. Pour faire le lien après ça, j’ai donc voulu insister sur cette idée en tournant l’histoire sur les gens qui pensaient à l’époque que la polio s’attrapait en mangeant des glaces. Mais c’était tellement clair quels documentaires devaient faire partie du montage final et les autres que je n’ai pas eu besoin de tourner beaucoup plus d’images. Il a juste fallu faire vite puisque nous avons découvert que le film devait être présenté au festival de Tribeca alors que je n’avais vu aucun des chapitres encore!J’ai eu 6 semaine en tout pour faire ma partie…

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CF : Et quel a été l’accueil du public au final ?

S.G : Très bon!Freakonomics a été beaucoup relayé dans les magazines, et on a eu un très bon accueil sur iTunes et les services de VOD qui proposaient le documentaire en téléchargement. Même malgré ce sujet sur l’avortement qui avait posé problème à la sortie du livre. Mais puisque l’on se contente de rester neutre sur le sujet en évoquant simplement que c’est lié à la chute de la criminalité dans les années 90, ça passe! Certains étaient même déçus que le film ne prenne jamais de position politique ou morale d’ailleurs.

 

CF : Justement, le documentaire ne dénonce rien de spécifique, n’accuse personne, ne donne pas de leçon de morale précise…quel est son but ou son message alors ?

SG : Le livre comme le film tentent juste de rappeler aux gens de ne pas croire tout ce qu’ils voient ou entendent de la bouche des médias ou des politiciens. On demande aux gens de penser différemment, de penser par eux-même, pas via la publicité. Et de combattre les croyances populaires dont on a du mal à se défaire. Le tout de façon simple! J’espère que le livre ou le film poussera certaines personnes à changer de vision sur le monde qui les entoure. C’est complètement idéaliste je sais!

 

CF : Et vous, vous avez changé quelque chose dans votre façon de vivre, ou de voir les choses après le film ?

SG : Oh pour moi des gens comme Steven Levitt changent toute la donne. Après eux, vous ne pouvez plus rien croire. Vous ne faites plus confiance et cherchez à avoir des preuves. Ça m’a beaucoup influencé oui, même si encore une fois, le fait que mes parents étaient profs d’économie m’avait déjà conditionné.

 

CF : Comment ça se passait à la maison alors ?

S.G : (rires) Ils s’intéressaient aux chiffres et aux économies mais ils m’enseignaient déjà les idées sur le fait de ne pas croire à tout et n’importe quoi. Mais ils restaient des parents faisant leur boulot de parents!Juste curieux et remettant en cause presque tous les principes! C’est pour ça que j’ai rajouté dans le film cette petite histoire que Steven levitt raconte sur sa fille et son rôle de père décontenancé devant la logique d’un enfant face aux « incentives ». ça ce n’était pas prévu dans le script.

 

CF : Vous avez tourné des documentaires (the King of Kong), des séries (The office, Modern family…), des longs métrages (Comment tuer son boss), tous des comédies. Quelle est la suite pour vous ?

SG : J’ai plusieurs projets de films à venir. A commencer par ce remake d’un film de 1983, War Games, que j’adore et dont je suis en train de faire une adaptation moderne avec les technologies et la politique de nos jours. Ça devrait surement voir le jour en 2012. L’autre film est une comédie à venir avec Jason Bateman et Melissa Mc Carthy vue dans « Mes meilleures amies » cet été. J’aime la comédie. C’est important pour moi de faire aussi des documentaires et créer une balance entre les deux genres. Je tente également d’aider de jeunes réalisateurs à se lancer dans cet univers difficile.

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CF : D’ailleurs, c’est plus facile maintenant pour vous à Hollywood ou pas du tout ?

SG : Un petit peu. Mais c’est toujours dur de trouver de l’argent pour faire des documentaires, puisque ce n’est pas ce qui se vend le mieux. Ça demande beaucoup de persuasion et de patience pour convaincre!Mais comme je n’en ai jamais fait un qui a fait perdre de l’argent aux studios ça va!

 

CF : Quelle est votre histoire avec le cinéma? Comment vous en êtes arrivé là ?

SG : J’étudiais l’architecture en attendant de savoir quoi faire de ma vie. J’ai vécu en Afrique au Kenya en tant que professeur, où j’avais une caméra à moi et je n’arrêtais pas de filmer là-bas. Quand je suis retourné à l’école, l’architecture ne m’intéressait plus!Je voulais juste filmer, devenir monteur, réalisateur. Une chose en a entrainé une autre et j’ai finis par tourner un documentaire, « Shut up and sing », puis « New York Doll » qui m’a mené vers « King of Kong ». Puis Vince Vaughn et Reese Witherspoon ont vu « King of Kong » ce qui m’a poussé à faire « Four christmases » avec eux, ce qui m’a entrainé à faire « Comment tuer son boss ». Ce qui est en fait une suite logique des choses, bien que complètement imprévisible!

 

CF : Vous êtes donc un garçon chanceux ?!

SG : Je pense oui. J’étais là au bon endroit au bon moment. Mais j’ai toujours été un travailleur acharné également. Ma carrière est le mélange des deux, mais ça m’a pris du temps!

 

CF : Quelles ont été et quelles sont vos références en terme de cinéma ?

SG : Oh mon Dieu il y en a tellement!Dans l’univers des documentaires, j’admire les frères Maysels et leur film « Grey Gardens ». J’aime « Gimme Shelter » et les documentaire qui développent la « variété ». Au cinéma j’adore le travail de Christopher Guest qui représente typiquement les comédies des années 80 pour moi. Sans oublier l’oeuvre de John Hughes à la fois réelle et drôle. J’en aime beaucoup d’autres mais ceux là m’ont vraiment influencés.

 

CF : Et cette année par exemple, quel a été votre film préféré ?

SG : Techniquement, je crois que « Blue Valentine » est daté de 2010, mais je l’ai vu cette année, et je l’ai vraiment adoré. C’est clairement un de mes favoris. En documentaire, j’ai adoré « Undefeated ».

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