Critique : Discount

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Discount

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Louis-Julien Petit
Scénario : Louis-Julien Petit et Samuel Doux
Acteurs : Olivier Barthélémy, Corinne Masiero, Pascal Demolon
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 1h46
Genre : Drame social
Date de sortie : 21 janvier 2015

Note : 3/5

En France ou ailleurs, il ne peut jamais y avoir trop de réalisateurs qui tiennent compte – avec talent et sans pesanteur – des enjeux sociaux importants de leur époque. Le maître en la matière, tous pays confondus, est bien sûr l’Anglais Ken Loach, qui a quasiment bâti sa réputation entière sur sa sensibilité à l’égard des problèmes d’hommes et de femmes démunis, auxquels le cinéma s’intéresse rarement. Il serait exagéré de proclamer d’ores et déjà que la relève est assurée, grâce au premier film de Louis-Julien Petit. Néanmoins, celui-ci dresse un bilan social de la France ordinaire d’aujourd’hui, qui reste fidèle à une gravité particulièrement digne, en dépit des quelques aspects plutôt comiques de cette combine douteuse d’un commerce parallèle.

Synopsis : Les membres du personnel de l’hypermarché Discount sont convoqués, un par un, par sa directrice Sofia Benhaoui. De nouvelles caisses informatiques vont bientôt être installées, ce qui entraînera une réduction drastique des effectifs de la grande surface. Pendant trois mois, les caissiers seront donc surveillés et évalués de près, afin de savoir lesquels d’entre eux pourront garder leur travail. Tous les autres seront licenciés pour raison économique. A l’issue d’une fête d’anniversaire bien arrosée, cinq employés ont une idée en or : pourquoi ne pas subtiliser quelques marchandises au moment de la mise en rayons, qu’ils revendraient par la suite dans leur propre supermarché alternatif, en récupérant la recette de leur vente clandestine ?

Le rêve de la richesse

Les contes de fées n’ont pas lieu d’être lorsqu’il s’agit de refléter une réalité sociale, particulièrement difficile par les temps de crise qui courent. La représentation très sobre du contexte professionnel dans l’équivalent contemporain de ce qui était autrefois le monde ouvrier compte ainsi d’emblée parmi les qualités de Discount. Ses personnages se démarquent précisément par leur banalité, puisque ils sont dépourvus du moindre signe particulier d’attrait physique ou de caractère. Leur ringardise ne se manifeste toutefois pas par un quelconque regard hautain de la part de la narration. Ce sont simplement des gens modestes, aux problèmes d’argent ou d’affection nullement extraordinaires. Leurs petits tracas se distinguent par une authenticité sans fard et sans excès, que l’on trouve hélas trop rarement dans le cadre de ces films bien intentionnés, qui cèdent souvent au chantage sentimental de la pire espèce. Rien de tel ici, puisque la mise en scène garde le récit fermement ancré dans une approche réaliste et nuancée.

Le cauchemar de la pauvreté

Cet univers d’une routine grisâtre se voit doucement bousculé par la crainte concrète du chômage d’un côté et par la promesse d’un peu d’argent pour une fois facilement gagné de l’autre. La pression qui s’exerce sur les employés pendant cette période transitoire avant un probable licenciement est d’autant plus inhumaine qu’elle préfigure justement l’avenir entièrement automatisé du commerce. Avant d’en arriver à cet inquiétant plan final des rayons vidés de toute présence humaine, qui serait apocalyptique, s’il ne faisait pas déjà partie de la vie courante, le scénario amorce une guerre des nerfs sans trop de manichéisme. Curieusement, ce sont les personnages répressifs qui nous intriguent le plus, notamment Zabou Breitman dans le rôle de la directrice qui arrive mal à jongler entre ses ambitions professionnelles et ses frustrations privées, ainsi que Romain Limpens dans celui du vigile qui applique sans états d’âme les consignes humiliantes à l’égard du personnel. Quant au cœur de l’intrigue, le plan insensé de voler des produits et de les revendre ensuite à prix cassé aux pauvres, il ne procède à aucun moment de l’apologie du crime. Son dénouement guère embelli participe au contraire à conférer une tristesse au film, qui le place définitivement du côté du drame, aussi insouciants et optimistes les malfaiteurs amateurs soient-ils.

Conclusion

Même si l’humour se fait assez rare dans cette histoire d’une aventure sociale rapidement ramenée à la réalité, nous ne pouvons qu’être touchés par la sincérité de son propos. Recourir à la criminalité ne peut certes pas être la solution miracle à la misère ambiante, mais cette initiative naïve aura au moins permis d’exacerber d’une façon presque enjouée un malaise social trop largement négligé par le cinéma français.

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