Critique : De chaque instant

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De chaque instant

France, 2018
Titre original : –
Réalisateur : Nicolas Philibert
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 1h45
Genre : Documentaire
Date de sortie : 29 août 2018

Note : 3/5

Si l’on ne se fiait qu’aux nouvelles alarmantes que les médias diffusent périodiquement sur l’état du système de santé en France, avec son personnel aussi surmené que mal payé et les finances de la Sécurité sociale dans le rouge année après année, on pourrait croire que cet acquis social à la valeur inestimable coure à sa perte. De nombreux éléments de notre couverture médicale nécessiteraient certes une réforme profonde, où hypothétiquement tout le monde se retrouverait. Mais dans l’ensemble, le modèle français est pour l’instant loin de l’infarctus. Le nouveau documentaire de Nicolas Philibert nous conforte dans cet optimisme mesuré, grâce à sa capacité à observer sans préjugé, ni ingérence narrative le parcours d’apprentissage d’un groupe d’étudiants en soins infirmiers. De chaque instant ne nous permet d’apercevoir que partiellement cette profession hautement exigeante, la concision visant à la fois à appréhender les champs multiples du métier et à éviter tout attachement trop exclusif à tel ou tel intervenant, au profit d’une vision collective d’un parcours du combattant mené en groupe. Car la qualité principale du film réside dans sa capacité à montrer l’ordinaire, tout en laissant le champ ouvert à une réflexion plus vaste et abstraite sur le monde du travail en général et la déontologie profondément altruiste du personnel soignant en particulier.

Synopsis : A l’Institut de Formation Paramédicale et Sociale de la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon à Montreuil, en région parisienne, les étudiants, filles et garçons, entrent en première année pour devenir infirmiers. C’est une formation exigeante, autant sur le plan théorique et pratique que sur celui du développement personnel face à la fragilité du patient malade, voire mourant. En stage, les étudiants seront confrontés à un travail éprouvant, qui les confirmera dans leurs choix ou bien les fera douter de leur vocation à devenir infirmiers.

Chaque geste compte

En médecine, tout est une question d’hygiène. Ainsi, vos dons thérapeutiques ont beau être exceptionnels, ils ne serviront à strictement rien, si vous ne savez pas vous désinfecter de manière impeccable les mains au préalable. Nicolas Philibert a conçu son dixième film un peu de la même façon, c’est-à-dire en avançant méthodiquement et sans se presser, depuis les moments d’étonnement initial des premières heures de cours, en passant par des exercices sur des mannequins plutôt amusants, jusqu’au choc plus ou moins salutaire avec la réalité du quotidien à l’hôpital, analysé à travers des entretiens révélateurs avec les professeurs. Dans une symbiose parfaite avec le style détaché de Frederick Wiseman, en quelque sorte le pendant américain du réalisateur, aucune intervention directe sur ce que nous voyons à l’écran n’a lieu, pas davantage qu’un quelconque commentaire en voix off ou à l’image sur ce récit qui se suffit amplement à lui-même. La méthode des petites touches s’emploie avant tout à suggérer l’étendue conséquente de la formation : ces innombrables connaissances pharmaceutiques et administratives que les infirmiers apprentis doivent assimiler en parallèle d’un nouveau style de vie et de pensée, symbolisé tour à tour par la tenue blanche emblématique et par une confrontation parfois crue à la souffrance des patients.

Chaque sentiment aussi

Car derrière ces blouses blanches, que les clichés les plus tenaces auraient tendance à nous présenter à tort comme des vedettes de mélodrames à la télévision, se cachent des destins humains singuliers. La mise en scène se distingue par une grande délicatesse dans la présentation de ces jeunes hommes et femmes, dont le choix professionnel est d’emblée mis à rude épreuve. La dernière des trois parties qui composent le documentaire revient en effet en détail sur le ressenti de ces futurs héros du quotidien, par le biais d’un entretien avec leur formateur en guise de bilan plus ou moins définitif selon les cas. Là aussi, Nicolas Philibert excelle dans le maintien de l’équilibre oh si fragile entre l’écoute de l’expérience personnelle et ses répercussions sur notre découverte d’un univers dans sa totalité. En même temps, il accompagne presque accessoirement les étudiants dans leur processus de gain en maturité, peut-être encore plus précieux que le fait de savoir se servir d’une seringue ou comment assister à l’improviste la voisine lors de son accouchement. Un véritable roman d’apprentissage en vase clos, De chaque instant sait alors rayonner par son humanité profonde au delà des murs des salles de classe et des chambres d’hôpital anonymes. De ce monde extérieur plus apaisé, on ne voit par ailleurs que des bribes, sous forme de plans de décors naturels ou urbains. Néanmoins, le projet global du film paraît être de créer précisément le lien entre cette profession particulière, qui suscite chez nous à la fois la crainte et le respect, et une vision très sereine de l’existence, à laquelle il serait donc plus facile de faire face avec un diplôme d’infirmier en poche.

Conclusion

Les infirmières et leurs confrères, ces bonnes âmes qui peuvent alléger les douleurs dans les moments les plus épineux de la vie de chacun, ont enfin un film à la hauteur de leur mérite social ! De chaque instant subjugue par son empathie aisée dans le cadre de l’observation d’un métier considéré à raison comme pénible. L’idéalisme encore un peu naïf des étudiants y est mis en avant sans la moindre moquerie, mais au contraire avec la sagesse conférée par l’exercice sur la durée d’un travail consciencieux, peu importe qu’il s’agisse de celui du maître français du documentaire ou des premiers pas hésitants dans une profession des plus nobles.

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