Critique : Une grande fille

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Une grande fille

Russie : 2019
Titre original : Dylda
Réalisation : Kantemir Balagov
Scénario : Kantemir Balagov, Alexandr Terekhov
Interprètes : Viktoria Miroshnichenko, Vasilisa Perelygina, Timofey Glazkov
Distribution : ARP Sélection
Durée : 2h17
Genre : Drame
Date de sortie : 7 août 2019

3.5/5

Osons l’avouer : il y a 2 ans, nous n’avions pas été vraiment convaincu par Tesnota, le premier long métrage du jeune réalisateur russe Kantemir Balagov, présenté à Cannes 2017 dans la sélection Un Certain Regard et, par ailleurs, encensé par une grande partie de la critique. La raison de notre circonspection ? Elle se trouvait dans la conclusion de notre critique  : « Un film gâché par la recherche excessive d’effets permettant à un jeune réalisateur, du moins l’espère-t il, de se faire remarquer. Certes, il n’y a pas que du négatif dans ce qu’il nous propose, mais on se permettra modestement de lui donner un conseil : dans sa production future, qui ne manquera pas d’arriver, qu’il sache faire le bon choix entre film cherchant avant tout à impressionner un certain public festivalier en faisant dans l’esbroufe et film plus humble cherchant avant tout à passionner les cinéphiles qui se rendent dans les salles ». Nous n’aurons pas l’outrecuidance de croire que Kantemir Balagov a eu connaissance de cette critique et, qu’en plus, il en a tenu compte, mais le résultat est là : un deuxième long métrage beaucoup plus sobre, beaucoup moins poseur, un film qui a obtenu le Prix de la mise en scène de la sélection Un Certain Regard de Cannes 2019. Attendons nous à voir le prochain film de Kantemir Balagov dans une prochaine sélection officielle !

Synopsis : 1945. La Deuxième Guerre mondiale a ravagé Leningrad. Au sein de ces ruines, deux jeunes femmes, Iya et Masha, tentent de se reconstruire et de donner un sens à leur vie.

Les horreurs de l’après-guerre

Les horreurs que vivent celles et ceux qui participent à une guerre sont toujours suivies par d’autre horreurs, celles de l’après-guerre. C’est dans un hôpital d’anciens combattants de Leningrad que Kantemir Balagov nous convie pour partager le quotidien d’éclopés et de deux anciennes combattantes, psychologiquement très abimées par la guerre et qui s’y trouvent en qualité d’aides-soignantes. Iya, c’est elle la grande fille, est une jeune femme blonde, timide et effacée, souffrant parfois d’un véritable phénomène de paralysie. Masha, elle, est rousse, vive, imprévisible et provocatrice, allant jusqu’à raconter aux parents de Sacha,  un homme qu’elle juge trop entreprenant et dont elle souhaite repousser ses avances, qu’elle avait été sur le front en tant que prostituée. En tout cas, Masha, désireuse de venger son mari, mort au combat, est restée sur le front plus longtemps que Iya, après avoir confié son fils à cette dernière.

Le rôle des femmes soviétiques dans la 2ème guerre mondiale

C’est dans l’essai « La guerre n’a pas un visage de femme » de l’écrivaine biélorusse Svetlana Aleksievitch, lauréate du Prix Nobel de littérature en 2015, que Kantemir Balagov et Alexandr Terekhov ont puisé leur inspiration pour l’écriture du scénario de Une grande fille, un livre qui montre l’importance (trop peu connue et reconnue !) du rôle des femmes dans les combats menés par l’Union Soviétique lors de la 2ème guerre mondiale. Des femmes à la fois combattantes et mères, combattantes et infirmières, combattantes et objets de désir. C’est dans un hôpital de Leningrad, durant l’automne qui a suivi la guerre, avec un nombre limité de personnages, que les deux scénaristes ont choisi de concentrer leur vision de cet héroïsme féminin. Le résultat qu’on voit à l’écran est un film dans lequel règne une atmosphère très particulière, faite de lenteur, le réalisateur s’attachant à exprimer les émotions au travers des gestes et des regards. Il le fait avec des plans-séquence souvent très longs allant même parfois jusqu’au syndrome « kékichien », quelques plans durant au delà de la limite du raisonnable, l’exemple le plus notable étant la scène de la « danse de la toupie », beaucoup, beaucoup trop longue.

Une très belle réussite esthétique

Une des qualités principales du film réside dans la beauté des images, avec, en particulier, des choix de couleurs, vertes, rouges, jaunes, particulièrement bien mis en valeur par la qualité de la lumière. Tout cela, on le doit à Kseniya Sereda, une directrice de la photographie encore plus jeune (25 ans) que le réalisateur (28 ans). A noter que Viktoria Miroshnichenko et Vasilisa Perelygina, très convaincantes dans les rôles de Iya et Masha, sont toutes les deux des débutantes au cinéma.

Conclusion

Même s’il n’a pas totalement gommé les défauts qu’on avait décelé dans Tesnota, Kantemir Balagov, bien aidé par sa directrice de la photographie Kseniya Sereda, montre qu’il est vraiment un réalisateur prometteur et il n’est pas interdit de penser que son prochain film ne sera plus dans la sélection Un Certain Regard et entrera plutôt dans la compétition pour la Palme d’Or.

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