Spider-Man Across the Spider-Verse
États-Unis, 2023
Titre original : Spider-Man Across the Spider-Verse
Réalisateurs : Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson
Scénario : Phil Lord, Christopher Miller et Dave Callaham, d’après les personnages Marvel imaginés par Stan Lee
Voix : Shameik Moore, Hailee Steinfeld, Brian Tyree Henry et Luna Lauren Velez
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Genre : Animation
Durée : 2h20
Date de sortie : 31 mai 2023
3,5/5
Malgré le succès de Spider-Man New Generation il y a cinq ans, la production de Spider-Man Across the Spider-Verse dépassait le cadre de la simple suite d’un film d’animation ayant bien marché au box-office mondial. Par sa longueur et le nombre d’animateurs investis, il ambitionnait de porter l’univers du jeune héros mordu par une araignée à un niveau de sophistication esthétique et narrative jamais atteint. Pari réussi, à en juger par la salle de notre multiplexe de proximité plus remplie que celles de la plupart des autres films vus récemment sur grand écran, alors que ce petit joyau de l’animation est à l’affiche depuis plus de deux mois ! En effet, on comprend aisément l’engouement du public pour cette aventure de haut vol et aux styles d’animation extrêmement variés, qui arrive néanmoins à dénicher quelques pistes de réflexion astucieuses dans les méandres du multivers.
Car qui dit multivers, dit une multitude de possibilités pour tisser le fil dramatique dans des directions autrefois interdites à la fiction. Par ailleurs, les films Marvel abusent avec un peu trop de complaisance de cette liberté nouvellement acquise. D’où notre appréhension de voir l’un de nos super-héros préférés s’engouffrer toujours plus profondément dans les mondes parallèles et autres logiques à manier à volonté. Heureusement, cette suite imaginée par Phil Lord et Christopher Miller trouve le bon équilibre, voire parfois la formule magique afin d’alterner avec brio entre des acrobaties animées à couper le souffle et des thèmes plus personnels, qui ont fait depuis toujours les lettres de noblesse de cet univers-ci.
Sony Pictures Releasing France Tous droits réservés
Synopsis : Gwen Stacy se sent seule. Chassée par son flic de père qui ignore tout de son identité de super-héroïne, elle se sent responsable de la mort de son ami Peter. Elle aimerait tant retrouver son ami Miles Morales, le nouveau Spider-Man. Or, celui-ci a déjà fort à faire entre son identité à la ville de futur bachelier qui doit choisir l’université à laquelle il voudrait aller et son rôle de gardien de l’ordre dans les rues de New York. Alors qu’il croit avoir vaincu son nouvel ennemi, la Tache, celui-ci jure de se venger en lui prenant ce qu’il a de plus cher. Ses retrouvailles avec Gwen sont dès lors placées sous le signe d’une équipe de Spider-Men, censée sauvegarder l’équilibre du multivers et dont la jeune femme fait partie depuis qu’elle a été rejetée par son père.
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Écris ta propre histoire
Cinq ans, c’est assez de temps pour ne plus se souvenir précisément des repères de cet univers parallèle, peuplé dans les films de fiction successivement par Tobey Maguire, Andrew Garfield et Tom Holland. Et puisque la sortie de Spider-Man Beyond the Spider-Verse vient d’être repoussée à une date indéfinie pour cause de grève des acteurs et des scénaristes à Hollywood, rien ne nous garantit qu’on se souvienne encore des tenants et des aboutissants de cette histoire dans un futur plus ou moins lointain.
En même temps, le potentiel commercial inépuisable des marques Marvel et autres DC Comics réside justement dans leur capacité à nous pondre un nombre incalculable de variations de ce qui reste, au fond, la même histoire. Ainsi, les plus astucieuses parmi ces aventures de porteurs de pouvoirs surhumains savent se jouer de cette interchangeabilité. Comme prouvé avec une ironie jubilatoire dans le cas présent du côté du quartier général, où un Spider-Man après l’autre est en proie à des doutes existentiels, tournés en dérision.
Derrière la double et même la triple façade de l’adolescent qui gère avec beaucoup de désinvolture son quotidien à volets complémentaires, Miles Morales est lui aussi éprouvé par une crise existentielle qui ne dit pas son nom. Il souffre autant du mur de secrets qui le sépare de ses parents que de sa croisade solitaire qu’il doit mener en plus de son emploi du temps scolaire déjà bien chargé.
Sa mission dans ce film-ci consiste dès lors à se trouver une nouvelle communauté ou tout au moins une place dans le monde à laquelle il se sentirait bien. Rien que par cet éternel dilemme entre le conformisme et l’affirmation de soi, Spider-Man Across the Spider-Verse traite des thématiques éminemment dans l’air du temps. Quoique pas non plus en y apportant des réponses toutes faites, comme le sous-entend le refus du jeune héros de choisir entre deux responsabilités, déclarées mutuellement exclusives par ceux qui lui servent temporairement de modèle.
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Le perpétuel coming-out des super-héros
Aussi impressionnante la cacophonie savante des différents styles d’animation soit-elle tout au long des près de deux heures et demie du film, elle est interrompue à intervalles réguliers par des moments d’introspection dépourvus de constats psychologiques expéditifs. En somme, l’arsenal hors pair du vocabulaire esthétique employé sans compter n’y gomme jamais tout à fait les traits de caractère singuliers des personnages.
A la place d’un manichéisme superficiel se dressent dès lors des problématiques étonnamment accessibles pour un univers filmique, auquel il est d’habitude très facile de reprocher sa coupure complète du monde réel et contemporain. Au delà de la référence furtive à l’occupation à la mode de compter et de valider ses pas journaliers, le scénario fait preuve d’une compréhension accrue de ce qu’être un adolescent veut dire aujourd’hui. Tout au moins nous donne-t-il une image cohérente de cet âge difficile et obscur, depuis le point de vue d’un spectateur quadragénaire.
La qualité principale de ce film d’animation visuellement enivrant serait alors de s’adresser à tous les publics – à partir de huit ans, en raison de sa durée et de la complexité de son intrigue – sans pour autant pêcher par un excès de généralités. Le combat de Miles Morales y reste profondément individualiste, puisqu’il n’y en fait qu’à sa tête. Mais simultanément, à chaque nouvelle plongée dans une dimension parallèle, il découvre des aspects de la vie d’adulte mettant sérieusement en question son image de super-héros insouciant. Les belles couleurs à l’œuvre dans chaque plan et les mouvements de caméra spectaculaires fourniraient dès lors que la surface étincelante d’un récit aux tonalités sensiblement plus sombres. Quand le cinéma américain s’aventure avec une telle maestria sur un terrain philosophiquement si glissant que celui de l’ado en quête désespérée de repères, on en redemande volontiers !
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Conclusion
Spider-Man a encore frappé de toute sa force dans notre cœur de cinéphile ! Il y a quelque chose dans ce personnage d’adolescent mal dans sa peau et pourtant prêt à sauver le monde qui nous est foncièrement sympathique. Grâce à Spider-Man Across the Spider-Verse, il gagne encore quelques lettres de noblesse supplémentaires, en dépit du fait que ce film d’animation ne constitue qu’une transition entre New Generation et Beyond the Spider-Verse. L’honneur des séries est donc sauve, tout comme celle de l’esprit initial des comics, censés refléter les enjeux contradictoires d’un monde qui ne l’était pas moins dans les années 1960.
