Critique : Next Door

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Next Door

Allemagne : 2021
Titre original : Nebenan
Réalisation : Daniel Brühl
Scénario : Daniel Kehlmann, Daniel Brühl
Interprètes : Daniel Brühl, Peter Kurth, Rike Eckermann
Distribution : Eurozoom
Durée : 1h32
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 29 décembre 2021

4/5

Lancé par son rôle d’Alex dans Godbye Lenin !, le grand succès de Wolfgang Becker sorti en 2003, le comédien germano-espagnol Daniel Brühl a depuis réalisé une importante carrière internationale d’acteur, facilitée par sa qualité de polyglotte et ponctuée de nombreux rôles marquants. Le voici qui, à 43 ans, se lance dans la réalisation d’un premier long métrage, Next Door, présenté en compétition lors de la dernière Berlinade en mars dernier.

Synopsis : A Berlin, Daniel est un acteur célèbre qui vit dans un bel appartement avec sa charmante compagne, leurs deux enfants et la nounou. Il s’apprête à décoller pour Londres où l’attend le casting d’un film de superhéros. En attendant son chauffeur, Daniel se rend au bar du coin sans savoir qu’il est suivi par son mystérieux voisin, Bruno. Cette rencontre préméditée va emmener Daniel vers les recoins sombres de son intimité. Bruno est bien décidé à lui faire vivre un enfer.

Une matinée dans la vie de Daniel

Pour tout un chacun, il y a des jours qui sont plus importants que d’autres. Pour un comédien célèbre, également. C’est ainsi que, pour Daniel, le jour qui se présente est particulièrement important : il va quitter son appartement berlinois pour se rendre à Londres où l’attend une séance de casting qui pourrait, qui devrait déboucher sur un rôle de super héros dans une superproduction Marvel ou équivalent. Comme d’habitude, la journée commence par un peu d’exercice physique, du rameur face à la tour de la télévision d’Alexanderplatz, se poursuit par un petit déjeuner à base de fruits, et, au moment du départ, Daniel passe voir Clara, son épouse, qui termine sa nuit et à qui il parle en allemand, rencontre Emil et Karl, ses enfants, et donne quelques directives à Conchita, la bonne cubaine. Des directives données en espagnol, une langue que Daniel maitrise parfaitement, tout comme il maitrise l’anglais dans sa vie de comédien qui a besoin de renseignements sur Beethoven qu’il va incarner prochainement dans un film et qui, par ailleurs, aimerait avoir rapidement des précisions sur le rôle qu’il doit jouer dans le film de super héros ainsi que sur les autres personnages. Des détails qui sont considérés comme top secret par la production qui le fait passer au téléphone, sans succès, d’un interlocuteur à un autre.

Stressé, Daniel choisit de ne pas utiliser le véhicule envoyé par la production pour qu’il se rende à l’aéroport, préférant prendre un café dans le bar en bas de chez lui et se rendre à l’aéroport dans un taxi que lui aura commandé Mattis, son assistant humain avec qui il a de nombreuses communications téléphoniques, son autre assistant étant Siri, l’assistant d’Apple. Et c’est dans ce bar que Daniel va se trouver face à Bruno, un homme qui habite dans l’immeuble en face du sien, un homme qu’il ne connait pas mais qui lui, le connait très bien, trop bien ! 

Un comédien qui n’hésite pas à se moquer de lui-même

Pour son premier long métrage, Daniel Brühl a non seulement pris le risque de choisir comme personnage principal un comédien qui, en apparence du moins, lui ressemble beaucoup, mais, en plus, de se moquer de ce personnage afin de casser sa propre image d’éternel gentil. Car, voyant un comédien allemand prénommé Daniel, qui parle parfaitement l’allemand, l’espagnol, l’anglais et qui a tourné aussi bien dans des films estampillés Art et Essai que dans des superproductions de type Marvel, vous pensez obligatoirement à Daniel Brühl. Reste à savoir, maintenant, ce qui est proche de la réalité  dans ce que Daniel Brühl nous raconte sur Daniel, le plus souvent par l’intermédiaire de ce Bruno rencontré dans le bar. Les spectateurs allemands le connaissent probablement mieux que nous et seront peut-être plus aptes à savoir si Daniel Brühl est aussi bobo que Daniel, s’il est aussi imbu de lui-même, s’il croit être attentif aux autres alors qu’il ne cesse de se tromper sur le prénom de la tenancière du bar. Plus intéressant encore que le personnage de Daniel est le personnage de Bruno. Un personnage tout en ambigüité, un ancien de l’Allemagne de l’Est qui a très mal vécu la réunification et dont on ne cesse de se demander si, dans le passé, il faisait ou non partie de la Stasi. En tout cas, il en emprunte manifestement les méthodes et  il semble lui montrer une certaine sympathie, même s’il prétend avoir été détenu à la maison d’arrêt de Hohenschönhausen où étaient internés les opposants politiques du temps de la RDA.

Il sait tout sur Daniel, tout sur Clara, son épouse, tout sur Mattis, son assistant, tout sur Merten, le meilleur ami de Daniel, tout sur Conchita, à qui il arrive de frapper Karl, un des enfants de Daniel. Personnage important pour montrer la coupure toujours présente en Allemagne entre celles et ceux qui sont originaires de la RDA et celles et ceux qui sont originaires de la RFA, Bruno l’est également pour personnaliser un autre thème abordé par Daniel Brühl dans son film, la gentrification de nombreux quartiers berlinois. Parmi ces quartiers, beaucoup se trouvaient dans la partie est de Berlin, dont celui où habitent Daniel et Bruno, ce dernier étant particulièrement amer à propos du rachat, par un investisseur et pour une bouchée de pain, de l’appartement où habitait son père et où habitent dorénavant Daniel et sa famille. De là à voir un sentiment de vengeance personnelle ainsi qu’un sentiment de vengeance de classe sociale dans l’enfer qu’il a décidé de faire vivre à Daniel en distillant petit à petit tous ces détails personnels dont il a la certitude qu’ils font mal à son interlocuteur, il n’y a qu’un pas que nous franchirons allègrement.

Deux comédiens que Daniel Brühl connait bien

Pour interpréter les deux rôles les plus importants de son film, Daniel Brühl a choisi deux comédiens qu’il connait depuis longtemps : lui-même pour le rôle de Daniel, Peter Kurth pour le rôle de Bruno. Originaire d’Allemagne de l’Est, ce dernier faisait partie de la distribution de Goodbye Lenin ! et Daniel Brühl et lui se sont retrouvés dans Un ami à moi (2006) et Moi et Kaminski (2015). Depuis, nous l’avions apprécié dans Une valse dans les allées (2018), film dans lequel il interprétait un personnage qui regrettait sa vie du temps de l’Allemagne de l’Est et dont le prénom, déjà, était Bruno ! Dans un rôle plus secondaire,  Rike Eckermann, une comédienne qui a surtout tourné pour la télévision, interprète la tenancière du bar, celle dont Daniel n’arrive jamais à se souvenir du prénom.  

Conclusion

En réalisant Next Door, son premier film en tant que réalisateur, Daniel Brühl poursuivait manifestement trois objectifs : arriver à casser avec délicatesse son image d’éternel gentil, montrer que la réunification de 1990 n’était pas encore complètement digérée, renseigner les spectateurs, sans porter de véritable jugement, sur le phénomène de gentrification qui se déroule dans la capitale allemande. C’est sous la forme d’une comédie noire, à la fois drôle et pleine de rebondissements, qu’il a réuni ces trois thèmes. 

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