Critique : Les enfants du soleil

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Les enfants du soleil

Iran : 2020
Titre original : Khorshid
Réalisation : Majid Majidi
Scénario : Nima Javidi, Majid Majidi
Interprètes : Rouhollah Zamani, Ali Nassirian, Javad Ezati
Distribution : Bodega Films
Durée : 1h39
Genre : Drame
Date de sortie : 29 décembre 2021

3.5/5

Malgré une filmographie fournie, commencée en 1991 avec Baduk, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, malgré les nombreuses récompenses que ses films ont remportées un peu partout dans le monde, Majid Majidi est loin d’être le plus connu des réalisateurs iraniens. Ce fut pourtant le premier réalisateur iranien à voir, en 1999, un de ses films, Les enfants du ciel, faire partie de la sélection ultime pour l’Oscar du film étranger. En fait, le cinéma de ce réalisateur de 62 ans, dont les films mettent souvent des enfants au premier plan, fait le lien, tout comme celui de Mohsen Makhmalbaf, entre celui d’Abbas Kiarostami et celui des réalisateurs plus récents, Asghar Farhadi, Jafar Panahi et autre Mohammad Rasoulof. Présenté dans la compétition officielle à la Mostra de Venise en 2020, Les enfants du soleil a obtenu le Prix de la lanterne magique.

Synopsis : À Téhéran, Ali, 12 ans, et ses trois amis, travaillent dur pour assurer leur survie et soutenir financièrement leurs familles. Ils font des petits boulots dans un garage et commettent de menus larcins pour gagner de l’argent facile. Ils sont embauchés par un mafieux pour déterrer un trésor enfoui sous l’école du Soleil. Les enfants doivent s’y inscrire. Ils devront trouver toutes les parades possibles pour creuser un tunnel tout en suivant leurs cours…

Quatre enfants des rues à Téhéran

Des enfants  entrant à peine dans l’adolescence et qui sont sous la coupe d’adultes qui les exploitent, par exemple en les forçant à voler, c’est un phénomène malheureusement très fréquent un peu partout dans le monde. Le film est d’ailleurs dédié aux plus de 200 millions d’enfants maltraités dans le monde. De tels enfants, il y en a en Iran, par exemple. C’est ainsi qu’Ali, un gamin de 12 ans qui veut absolument sauver sa mère, est le chef d’un quatuor bien organisé spécialisé dans le vol de roues de voitures de luxe. Un jour, toutefois, changement de programme : l’homme âgé qui exploite la petite bande parle à Ali d’un trésor situé sous un cimetière et qui ne serait accessible que par un tunnel dont l’entrée se trouverait au sein d’une école, « l’école du soleil ». Voilà le quatuor qui arrive (difficilement !) à intégrer cette école et qui va se mettre en danger dans un tunnel en très mauvais état afin de satisfaire l’exigence de leur exploiteur.

Le véritable trésor, c’est l’éducation

Vous aurez remarqué la brièveté du chapitre précédent. Ce film, en effet, peut faire l’objet d’un résumé très court. Et pourtant, il s’en passe, des choses ! Et pourtant, ce film est d’une très grande richesse sur de nombreux sujets. Bien sûr, nous avons toutes et tous en mémoire des films mettant en scène des enfants des rues, mais tant qu’il en restera, il sera possible, il sera sain de présenter des films abordant ce sujet sous un angle nouveau. Film sur la recherche d’un trésor par un quatuor d’enfants des rues, Les enfants du soleil utilise cette métaphore astucieuse du trésor pour montrer que le véritable trésor auquel ces enfants devraient tous pouvoir accéder, c’est l’éducation. Une éducation permettant à ces enfants de prendre conscience de ce qui est leur vraie richesse : eux-mêmes ! Installée à Téhéran par une ONG, « l’école du soleil » a une véritable existence. Gratuite pour les enfants des rues, elle a du mal à vivre car, si elle reçoit parfois des dons de la part d’entreprises, elle ne reçoit rien de la part de l’état.

Dans la bande d’Ali, on note la présence d’Abolfazl, un jeune afghan, particulièrement bon en maths par ailleurs, et de Zahra, sa petite sœur. Parmi tout ce que Les enfants du soleil nous apprend sur la vie actuelle en Iran, il y a en effet cette présence de réfugiés afghans, une présence importante en nombre et, tout particulièrement, parmi les enfants des rues : les familles sont entrées illégalement dans le pays, elles n’ont pas de papiers, ce qui empêche les enfants de s’inscrire à l’école. En vérité, grâce à Les enfants du soleil, notre « connaissance » de l’Iran se trouve enrichie sur de nombreux autres points. L’Iran à deux vitesses, par exemple. Certes, plusieurs films nous l’ont déjà montré, mais là, on prend de plein fouet l’opulence d’un centre commercial ultra-moderne face à la misère des enfants des rues. Un trajet dans le métro de Téhéran nous montre une population partagée en deux : dans ce métro très moderne, il y a les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, aucun mélange. Et, plus anecdotique, un signe sur certains wagons indique les emplacements où on peut venir avec son vélo.

Un long travail bien récompensé

Trouver les interprètes pour incarner les gamins des rues de Téhéran a été un travail long et difficile : 3000 auditions, 4 mois de recherche. Un travail bien récompensé car les gamins et la gamine qui ont été retenu.e.s s’avèrent d’une très grande justesse. Abolfazl Shirzad et Shamila Shirzad, les interprètes d’Abolfazl et de Zahra, le frère et la sœur originaires d’Afghanistan, sont véritablement frère et sœur dans la vie et ce sont de véritables migrants afghans. Quant à Rouhollah Zamani, Ali dans le film, c’est vraiment une magnifique découverte : un gamin charismatique, plein d’énergie et excellent comédien. Les rôles adultes sont tenus par des comédiens et une comédienne professionnelle qui, heureusement, arrivent à être au même niveau d’excellence que les enfants. On remarque surtout Javad Ezati, l’interprète de Rafie, le sous-directeur de l’école du soleil, un homme plein de bonté, plein de bienveillance envers les enfants dont il a la charge. Film mêlant vision sociale et une certaine forme de suspense, film nous présentant une très belle qualité d’image grâce au talent de Hooman Behmanesh, le même Directeur de la photographie que pour La loi de Téhéran, L’école du soleil ne présente que deux défauts, relativement mineurs : quelques longueurs inutiles et des ellipses qui s’avèrent parfois un peu trop … elliptiques !

Conclusion

La recherche d’un trésor, imposée à des enfants des rues de Téhéran par un caïd local, a pour conséquence de leur montrer que, par les vertus de ce véritable trésor qu’est l’éducation, ils sont eux-mêmes leur propre richesse. Bien interprété, bien photographié, Les enfants du soleil vient s’ajouter à la longue liste des très bons films iraniens.

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