Critique : A perfect enemy

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A perfect enemy

Espagne, Allemagne, France : 2020
Titre original :
Réalisation : Kike Maillo
Scénario : Cristina Clemente, Kike Maillo, Fernando Navarro
Interprètes : Tomasz Kot, Athena Strates, Marta Nieto, Dominique Pinon
Distribution : Alba Films
Durée : 1h30
Genre : Thriller
Date de sortie : 29 décembre 2021

3/5

A perfect enemy est le 3ème long métrage du réalisateur, écrivain, producteur et professeur espagnol Kike Maillo. Comme Eva en 2011, drame de science fiction, comme Toro en 2016, thriller d’action, A perfect enemy entre dans la catégorie des films de genre. En effet, cette adaptation de « Cosmétique de l’ennemi », roman d’Amélie Nothomb paru en 2001, est un thriller psychologique. Pour ce film à la production et à la distribution très internationales qui se déroule en grande partie dans un aéroport, le choix a été fait de le tourner dans la langue des aéroports, l’anglais.

Synopsis : Un célèbre architecte est interpellé par une mystérieuse jeune femme dans un aéroport parisien. Elle est si envahissante qu’elle lui fait rater son vol. Il va réaliser, au fil des heures, que leur rencontre n’est pas due au hasard…

Si vous avez raté le début !

Paris, la plus belle ville du monde ? Ce n’est pas vraiment ce que montre A perfect enemy : d’abord, c’est une ville où la pluie n’arrête pas de tomber ; et puis, le trafic automobile est un enfer avec des bouchons qui font qu’on n’est jamais certain d’arriver à temps pour prendre son avion ; enfin, c’est la galère pour arriver à attraper un taxi et, quand vous avez la chance d’en trouver un, le chauffeur est tout sauf aimable ! Trouver un taxi, l’architecte polonais Jeremiasz Angust n’avait pas eu ce problème en sortant de la conférence qu’il venait de donner et au cours de laquelle il avait insisté sur son goût pour la perfection qui, comme l’a proclamé Saint-Exupéry, n’est « atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer.” Il n’a pas eu ce problème parce qu’un taxi avait été commandé par son ami Jean Rosen, l’organisateur de la conférence, un taxi qui doit lui permettre de quitter Paris rapidement, une ville dont il n’a pas que de bons souvenirs.

Par contre, la pauvre jeune femme blonde qui, trempée par la pluie battante, frappe à la fenêtre du taxi alors que celui-ci est bloqué dans l’embouteillage, elle, elle l’a ce problème, elle, qui, tout comme Jeremiasz Angust, a un avion à prendre à Roissy. A la demande de la jeune femme blonde, l’architecte accepte de partager son taxi avec elle. Il accepte même de faire faire demi-tour au taxi pour aller chercher la valise que la passagère a oubliée sur le trottoir. En fait, il va vite s’apercevoir que, « à l’insu de son plein gré », il a accepté de faire en sorte de rater son avion, et, pire encore, qu’il a accepté d’être pris en otage par une personne qui, dorénavant, faisant fi des convenances et de la politesse, ne va pas le lâcher. En effet, alors qu’il a trouvé refuge dans le salon VIP en attendant le prochain vol vers Varsovie, un salon dont, 20 ans auparavant,il a été l’architecte lors de sa construction, qui se dirige vers lui ? La jeune femme blonde, bien sûr, qui, à plusieurs reprises va lui dire qu’elle s’appelle Texel Textor et qu’elle est hollandaise. Texel qui, surtout, tiens absolument à raconter sa vie à Jeremiasz, à la lui raconter sous la forme de 3 histoires, une histoire répugnante, une histoire qui fait peur et une histoire d’amour.

Un homme mis en face de ses démons intérieurs

Après avoir réussi à obtenir les droits de « Cosmétique de l’ennemi », le livre d’Amélie Nothomb, les scénaristes ont décidé de procéder à quelques changements. On peut considérer comme étant anecdotique le fait d’avoir fait de Jeremiasz un architecte alors qu’il est businessman dans le roman. En tout cas, cela permet de le voir évoluer dans un bâtiment dont il a été l’architecte et de revenir à plusieurs reprises sur la maquette de ce bâtiment, une maquette qui présente des détails évoluant avec ce que racontent les protagonistes. Beaucoup plus important est le changement consistant à changer le sexe de Texel : d’homme dans le roman, le voici devenu femme dans le film. Pour le réalisateur, cela permettait de rendre moins évident le dénouement de l’histoire. En plus, il avait envie que ce soit une femme qui rende justice. Qui rende justice ? En effet, dans la joute verbale qui était le cœur du roman et qui a été conservée dans le film, on a de plus en plus l’impression de voir en Texel une accusatrice et, dans Jeremiasz, un accusé confronté à ses démons intérieurs, à l’ouverture de  placards dans lesquels il croyait avoir réussi à enfouir un passé très trouble, un accusé qui va s’apercevoir que la perfection est vraiment difficile à atteindre. Par ailleurs, le film permet, grâce à des flashbacks initiés par les récits de Texel, de quitter l’aéroport pour aller dans d’autres lieux, le cimetière de Montmartre, par exemple, de quitter le duo pour rencontrer un autre personnage, objet de passion pour Texel et dont le prénom finit par arriver : Isabelle. En dire plus serait dommage pour ce film qui lorgne avec modestie vers Alfred Hitchcock et David Lynch !

Une distribution internationale

Un réalisateur espagnol, une production impliquant l’Espagne, la France et l’Allemagne, un tournage se partageant entre ces 3 pays, la distribution se devait d’être internationale. Pour incarner Jeremiasz Angust, Kike Maillo s’est souvenu de l’impression très positive que lui avait laissée Tomasz Kot lorsqu’il avait vu Cold War, le film de Pawel Pawlikowski : son élégance, « un homme dont vous vous dites en le voyant que c’est un type bien », le comédien idoine lorsqu’on veut parler du piège des préjugés positifs qu’on peut nourrir à l’égard de quelqu’un. Athena Strates, l’interprète de Texel Textor, est beaucoup moins connue, elle qui tenait un rôle mineur auprès d’Helen Mirren dans L’art du mensonge de Bill Condon. L’abattage dont elle fait preuve dans A perfect enemy, son premier grand rôle, devrait donner un grand coup de fouet à la carrière de cette comédienne sud-africaine. Marta Nieto, l’interprète d’Isabelle, est une comédienne espagnole qui a surtout tourné des séries pour la télévision, mais les cinéphiles se souviennent certainement de sa prestation dans Madre, de Rodrigo Sorogoyen, son interprétation d’Elena lui ayant permis d’obtenir le Prix de la meilleure actrice de la section Horizons lors la Mostra de Venise 2019. Et puis, dans le petit rôle de Jean Rosen, on retrouve notre Dominique Pinon national, un comédien de cinéma, de télévision et de théâtre, à la filmographie longue comme le bras.

Conclusion

Spécialiste des films de genre, le réalisateur espagnol Kike Maillo vient se ranger, sans avoir à en rougir, dans la lignée d’Alfred Hitchcock et de David Lynch avec A perfect enemy, un thriller psychologique adapté du roman « Cosmétique de l’ennemi », d’Amélie Nothomb. La production internationale ainsi que la distribution, tout aussi internationale, ne nuisent pas à l’homogénéité de l’ensemble, au contraire, peut-on presque affirmer !

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