Critique : Hector

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Hector

Hector affiche Royaume-Uni : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Jake Gavin
Scénario : Jake Gavin
Acteurs : Peter Mullan, Sarah Solemani, Gina McKee, Natalie Gavin
Distribution : Eurozoom
Durée : 1h27
Genre : Drame
Date de sortie : 30 décembre 2015

4/5

Photographe réputé, surtout pour ses portraits, Jake Gavin a fait ses premiers pas au cinéma comme acteur, interprétant à chaque fois un second rôle dans deux films qui n’ont pas laissé une trace indélébile dans la mémoire des cinéphiles. Sur l’un d’eux, Lotus Eaters, il était également cameraman. Et voici que, sans passer par la case court-métrage, il nous présente Hector, un long-métrage de très grande qualité dont il a écrit le scénario et qui, d’emblée, le place dans le petit peloton des jeunes réalisateurs et réalisatrices de talent qui s’efforcent, avec succès, de maintenir à flot la tradition britannique du cinéma social.

 

Synopsis : Comme tous les ans à l’approche de Noël, Hector McAdam (Peter Mullan) prend la route entre l’Ecosse et Londres pour retrouver un peu de chaleur dans un refuge qui offre aux sans abris un bon diner de fête. Depuis qu’il vit dans la rue Hector a appris à accepter les gens et les choses comme ils viennent : amitié et douceur, déception et cruauté, peine et joie. Sentant que c’est peut-être son dernier voyage, Hector prend des chemins de traverse et tente de se raccrocher à son passé et ce qu’il a laissé derrière lui.

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Le voyage d’Hector

Noël approche. Comme chaque année, Hector McAdam s’apprête à rejoindre Londres depuis l’Ecosse où il vit le reste de l’année. Hector est SDF depuis quinze ans et il ne manquerait pour rien au monde l’accueil que réserve durant la période de Noël un refuge londonien qui offre gîte, couvert et petite fête quasi familiale à ceux qui vivent dans la rue. Pour partager les nuits sous des cartons dans le froid écossais de décembre, Hector a deux amis proches, Dougie et Hazel, qu’il considère un peu comme sa fille. Mais, dans ses pensées, il a aussi une sœur, Lizzie, et un frère, Peter. A la suite du drame familial qui l’a conduit dans la rue, cela fait 15 ans qu’il ne les a pas vus mais, cette année, c’est décidé, il va tout faire pour profiter de son voyage vers Londres pour les retrouver et les serrer dans ses bras. De l’Ecosse à Londres, le trajet est long pour un sexagénaire que des douleurs à une jambe obligent à se déplacer en s’appuyant sur une canne et qui est tributaire du bon vouloir de conducteurs prêts ou non à l’accepter à leurs côtés, qui dans son camion, qui dans sa voiture. Le trajet est long et les rencontres nombreuses. Souvent sympathiques comme ce cantonnier qui fournit à Hector, Jimbo et Hazel des tenues de travail fluorescentes et très chaudes. Parfois désagréables comme cet automobiliste qui vise délibérément la flaque à côté de laquelle marche Hector pour l’éclabousser le plus possible. Désagréable aussi, Derek, le beau-frère d’Hector, qui, manifestement, ne tient pas à ce sa femme renoue les liens avec son frère. Et puis, il y a aussi la rencontre avec la caissière d’une pâtisserie, rencontre pleine d’empathie de sa part mais qui se termine mal à cause d’un malentendu.

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Jake Gavin vs Ken Loach

C’est grâce à son expérience de bénévole dans l’association « Crisis at Christmas » que Jake Gavin a pu nourrir le scénario d’Hector. Comme ceux qui s’occupent du refuge londonien qu’on voit à l’œuvre dans le film, cette association considère que la période de Noël est la plus difficile à vivre pour celles et ceux qui vivent seuls dans la rue et, durant cette période, elle s’efforce de fournir chaleur et compagnie à ces exclus de la société. Noël, charité : le film de Jake Gavin peut (doit ?) être vu comme un conte de Noël. Certains pourront reprocher au réalisateur de ne pas montrer et expliquer que ce sont des choix politiques et économiques qui font que des milliers de personnes vivent et meurent dans la rue : ce n’était pas son but. Certains seront étonnés de voir, entre l’Ecosse et Londres, plus de britanniques traiter Hector avec gentillesse et compassion que de façon désagréable et inhospitalière et ils ne manqueront pas d’en faire le grief au réalisateur. Même si la vision que donne Jake Gavin du voyage d’Hector peut paraître un peu optimiste, il est toutefois bon de se rappeler que tous les britanniques ne sont pas des traders ne pensant qu’à l’argent et que, surtout dans le nord de l’Angleterre, le peuple anglais a toujours eu une grande tradition d’accueil chaleureux. Bref, Jake Gavin ne fait pas tout à fait le même cinéma social que Ken Loach, mais il se rapproche de celui qui, n’en doutons pas, est quand même pour lui un modèle, par cette habileté à mêler humour, dureté et émotion. D’ailleurs, concernant le rapprochement qu’on peut faire entre Jake Gavin et Ken Loach, il est bon de se rappeler qu’en 1966, le téléfilm Cathy Come Home, une des premières œuvres de Loach, racontait l’histoire d’une jeune famille réduite, elle aussi, à vivre dans la rue.

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Peter Mullan, fait pour le rôle !

En plus de ses qualités de scénario et de réalisation, il est évident que Hector doit beaucoup à l’acteur qui interprète de façon magistrale le rôle d’Hector : Peter Mullan. En fait, il est même difficile d’imaginer ce film avec un autre acteur dans ce rôle tellement il parait taillé sur mesure pour ce comédien écossais à qui Ken Loach a souvent fait appel et qui, avec trois long-métrages à son actif, s’est également fait un nom en tant que réalisateur. A ses côtés, le rôle le plus important est sans doute celui de Sara, la jeune femme qui s’occupe du refuge londonien qui accueille Hector au moment de Noël, rôle tenu par Sarah Solemani, une actrice qui a presque exclusivement travaillé dans des séries télévisées et qui prouve de grandes qualités en procurant aux spectateurs de bonnes rasades d’émotion contenue dans sa prestation auprès de Peter Mullan. Quant à Gina McKee, qui tient le rôle de la mère de Louise dans Taj Mahal, le film de Nicolas Saada sorti récemment, elle joue ici le rôle de Lizzie, la sœur d’Hector : sa prestation est brève, mais la rencontre de Lizzie et d’Hector fournit au film une de ses scènes les plus émouvantes. La photographie est l’œuvre de David Raedeker, mais il est fort probable que le photographe et cameraman Jake Gavin ne l’a pas laissé travailler tout seul ! En tout cas, le film propose une alternance très intéressante de plans larges et de plans serrés donnant naissance à de véritables portraits. Quant à la musique, Jake Gavin a fait un choix très judicieux, celui de la faire composer par la très talentueuse chanteuse de folk australienne Emily Barker.


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Conclusion

Grâce à un scénario solide qu’il a lui-même écrit, grâce une réalisation sachant générer l’émotion sans verser dans le pathos et grâce à la prestation pleine de vérité et de sensibilité de Peter Mullan, Jake Gavin a pleinement réussi son premier film en tant que réalisateur.

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