Critique Express : Vedette

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Vedette

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Claudine Bories, Patrice Chagnard
Scénario : Claudine Bories, Patrice Chagnard
Distribution : New Story
Durée : 1h39
Genre : Documentaire
Date de sortie : 30 mars 2022

3/5

Synopsis : Vedette est une vache. Vedette est une reine. Elle a même été la reine des reines à l’alpage. Mais Vedette a vieilli. Pour lui éviter l’humiliation d’être détrônée par de jeunes rivales, nos voisines nous la laissent tout un été. C’est là que nous avons découvert que toute vache est unique.

Quand la vedette est une vache !

C’est avec un sentiment d’étonnement qu’on entre dans Vedette : après être passés au dessus des épaules de 3 ou 4 personnes que l’on voyait de dos, on découvre un enclos à mi chemin entre un corral texan et l’arène d’un village de l’ouest de la Provence sauf qu’au loin c’est une montagne majestueuse qui domine l’ensemble du haut de ses 4000 mètres. Dans cet enclos, des vaches noires qui s’affrontent, front contre front, avec, sur les flancs, des numéros inscrits à la peinture blanche. Autour, un public nombreux qui semble prendre plaisir à ce spectacle et un jury qui entérine les défaites et les victoires de chacune des vaches, une bête étant considérée comme ayant perdu lorsqu’elle se détourne de son adversaire ou refuse le combat en signe de soumission. A la fin de ce « spectacle », un titre de Reine est décerné à l’une d’entre elle. La vache étant supposée être un animal paisible pour qui, dans notre imaginaire, le plaisir ultime consiste à regarder passer les trains, on se demande ce que l’homme a bien pu faire pour les amener à se battre sous le regard de touristes avides de spectacles cruels pour les animaux qui y participent. Sauf que le film nous a transportés dans le Val d’Hérens, dans le Valais, au sud de la Suisse, et, en nous emmenant très vite dans les alpages, il va nous montrer ce qui se passe lorsque ces vaches d’Harens, ces vaches courtes sur patte, au coup puissant et au front large, ces vaches au tempérament belliqueux, se retrouvent entre elles pour brouter l’herbe : des combats qui se font naturellement pour établir une hiérarchie, des combats entre elles qui finissent par déterminer sans aucune intervention humaine laquelle est la Reine du troupeau sur cette alpage, laquelle va avoir le droit de brouter la meilleure herbe de l’endroit.

Travaillant ensemble depuis 2005, les réalisateurs Claudine Bories et Patrice Chagnard sont les coauteurs de plusieurs documentaires à caractère urbain et politique, Les arrivants en 2008, un film sur l’accueil des réfugiés, Les règles du jeu en 2015, film sur l’apprentissage des codes à maîtriser lorsqu’on cherche un emploi et Nous le peuple en 2019, un film sur la crise de la démocratie qui s’intéressait à des oubliés de la République qui, à leur tour, en arrivent à oublier la République en s’abstenant, le plus souvent, d’aller voter. Désireux d’aborder dans un film les rapports entre les hommes et les animaux, dans une approche qu’ils souhaitaient à la fois poétique et politique, ils sont venus passer de longs séjours à Evolène, dans le Val d’Hérens, dans un chalet rustique proche du chalet abritant à l’année Elise et Nicole Fauchère, deux éleveuses de vaches d’Harens. Parmi les vaches de leur troupeau, Vedette, une vache âgée, une Reine que l’âge était en train de rattraper. Une vache avec laquelle Claudine Bories a appris petit à petit, après des débuts difficiles, tout ce qu’il fallait faire pour qu’elles deviennent bonnes copines : lui parler, la caresser, lui donner du pain à manger, lui lire des extraits de textes de Kundera et de Descartes dans lesquels les rapports entre les hommes et les animaux sont évoqués. Oui, Descartes avec sa théorie de l’animal-machine qui met l’animal à peu près au même niveau qu’une horloge, « ne ressentant ni plaisir, ni douleur, ni quoi que ce soit d’autre », la différence étant que les horloges sont des machines faites par les hommes alors que les animaux sont des machines faites par Dieu.

Ces longs moments avec Vedette et les conversations qu’elle a eues avec Elise et Nicole Fauchère ont permis à Claudine Bories de renforcer ses convictions sur les bonnes pratiques en matière de rapports entre les humains et les animaux. Elle a bien pris conscience que chaque animal avait sa propre personnalité et qu’une Reine sur le déclin du fait de son avancée en âge avait la capacité de ressentir ce déclin et d’en tenir compte. A contrario de l’élevage industriel et de son inhumanité, Claudine et Patrice ont apprécié le type d’élevage pratiqué dans ces montagnes du Valais, un élevage tellement familial qu’on a l’impression que les vaches font partie de la famille, avec les portraits des Reines qui sont accrochés aux murs de la pièce à vivre du chalet. Le sujet des rapports entre l’homme et l’animal lorsque ce dernier est servi dans une assiette et même celui de ce rapport lorsqu’il s’agit d’un animal que vous avez élevé vous-même sont traités avec finesse grâce, en particulier, au discours des deux éleveuses, Elise et Nicole Fauchère. Magnifiquement photographié par Patrice Chagnard, Vedette arrive à passionner le spectateur même si on peut penser que le fait de raccourcir certaines scènes, de couper en tout un petit quart d’heure, lui aurait donné encore plus de force.

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