Critique Express : Le salon de musique

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Le salon de musique

Inde : 1958
Titre original : Jalsaghar
Réalisation : Satyajit Ray
Scénario : Satyajit Ray d’après une nouvelle de Tarashankar Bandyopadhyay
Interprètes :  Chhabi Biswas, Ganda Pada Basu, Kali Sarkar
Distribution : Les acacias
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de re-sortie : 25 janvier 2023

4.5/5

Synopsis : Le Bengale dans les années 20. Biswanbhar Roy, aristocrate et grand propriétaire terrien a passé l’essentiel de sa vie à assouvir sa passion pour les fêtes musicales, les concerts donnés dans le salon de musique de son palais, devant un public d’amis, par des musiciens, des chanteurs, des danseuses. Cette passion l’a ruiné, alors que dans le même temps son voisin Mhim Ganguli, bourgeois et nouveau riche, prospérait et cherchait également à rivaliser avec lui sur le plan musical. Peu à peu, Roy s’est enfoncé dans la contemplation passive et nostalgique de sa propre décadence. Après la mort accidentelle de sa femme et de son fils dans le naufrage d’un bateau lors d’une tempête, il a fermé son salon de musique. Quatre ans plus tard, il le rouvre pour un dernier concert dans lequel il engloutit ses dernières ressources, mais qui lui procure le plaisir suprême d’humilier son rival, Ganguli.

Un des chefs d’œuvre du cinéma mondial

Réalisé en 1958, ce quatrième long métrage du cinéaste bengali Satyajit Ray aura attendu le 18 février 1981 pour sortir sur les écrans de cinéma français, une sortie précédée toutefois d’une diffusion à la télévision, dans l’émission Ciné-Club. C’est dans une version restaurée qu’on retrouve en 2023 ce grand classique du cinéma, considéré par beaucoup comme étant le chef d’œuvre d’un des plus grands réalisateurs du cinéma mondial, l’équivalent pour l’Inde de Le guépard de Luchino Visconti pour l’Europe. Le salon de musique s’intéresse à l’histoire ou, plus précisément, à la fin de l’histoire de Biswambhar Roy, un noble propriétaire terrien de la caste des zamindar passionné de musique et de danse et qui, petit à petit, a dilapidé sa fortune en donnant de splendides réceptions de musique et de danse dans son salon de musique. Ce personnage, représentatif d’une aristocratie indienne sur le déclin, n’a que mépris pour Mahim Ganguly, son plus proche voisin, représentatif, lui, d’une bourgeoisie en plein essor, un homme qui cherche à rivaliser avec lui en organisant, lui aussi, des réceptions de musique et de danse. Ce personnage de Biswambhar Roy, cet aristocrate égoïste, vaniteux, imbu de lui-même, qui en arrive à sacrifier sa famille pour satisfaire son égo, a vraiment tout pour être rejeté par les spectateurs et pourtant le réalisateur arrive à créer une forme d’empathie et de compassion à son sujet : on ne peut qu’être conscient de ses défauts et, pourtant, on ne peut s’empêcher de le plaindre.

Tourné dans un très beau noir et blanc, ce film qui vient juste après la trilogie d’Apu, 3 films dans la veine néo-réaliste de Vittorio de Sica, Le salon de musique montre l’éclectisme de Satyajit Ray en s’intéressant cette fois ci au déclin de l’aristocratie indienne face à la la bourgeoisie dans un pays qui n’a pas encore acquis son indépendance. Par ailleurs, ce film est un beau cadeau pour les amateurs de musique et de danse indiennes. En effet, la musique du film a été composée par Ustad Vilayat Khan, un grand joueur de sitar qui fut le rival de Ravi Shankar, on y entend, entre autres, la chanteuse et actrice Begum Akhtar ainsi que le joueur de surbahar, une sorte de sitar basse, Wahid Khan et on y voit la danseuse de kathak Roshan Kumari. Tout en remerciant Les Acacias pour la reprise de très beau film, on se permet de suggérer que sorte enfin en salles un film injustement méconnu d’un autre grand réalisateur bengali, Mrinal Sen : Khandhar (Les ruines).


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