Critique : Cold Skin – Festival de Gérardmer 2018

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1988

Cold Skin

France, Espagne : 2017
Titre original : Cold Skin
Réalisation : Xavier Gens
Scénario : Jesus Olmo, Eron Sheean
Acteurs : David Oakes, Ray Stevenson, Aura Garrido
Distribution : –
Durée : 1h46
Genre : Horreur
Date de sortie : Prochainement

Note : 3/5

Absent des salles de cinéma françaises depuis Frontière(s) en 2008, Xavier Gens continue à tracer sa route dans le film de genre avec Cold Skin, une histoire d’île isolée où vivent d’étranges et effrayantes créatures. Présenté au Festival de Gérardmer 2018, le film n’a pas encore de date de sortie en France. 

Synopsis : 1910. Un officier météorologique de l’armée est envoyé sur une île en Antarctique pour étudier les climats. Celui-ci y fait la rencontre d’un vieux gardien de phare russe. Lors de la première nuit, l’officier se fait attaquer par d’étranges créatures…

 

 

Un film ambitieux…

Cold Skin impose d’emblée une ambiance impressionnante. La photographie de Daniel Aranyo enveloppe le film dans une atmosphère magnifique, avec une palette de couleurs envoûtante servies par une mise en scène soignée, qui annonce vite ses ambitions dans l’introduction. Dès les premiers instants, Cold Skin embarque donc dans un bel univers de cinéma.

C’est le voyage de Friend, un jeune homme venu d’Irlande jusqu’aux latitudes de l’Antarctique, qui ouvre l’histoire. Pour fuir un monde au bord du chaos en 1914, il a accepté d’être météorologiste sur une île perdue et déserte dans les eaux, où il n’aura pour seule compagnie que vents et marées. Ou presque : un étrange gardien de phare, ainsi que d’effrayantes créatures aquatiques qui sortent une fois la nuit tombée, sont les maîtres des lieux.

Adapté du livre d’Albert Sanchez Pinol, Cold Skin passe du pur film d’horreur, lors d’une attaque nocturne qui reprend les codes du genre, à l’histoire d’amour tordue et noire, en passant même par une belle séquence d’aventure qui ressemble à un vieux serial old school. Il y a clairement de grandes ambitions et espérances derrière le film, et Xavier Gens semble y mettre du cœur d’une manière inédite jusque là.

Mais si les ambitions du film sont claires, ses limites le sont aussi. Cold Skin a beau être drapé dans un superbe habillage de cinéma, avec des décors aux confins du réel et un soin apporté à chaque aspect technique, il ne peut se défaire d’une sensation de marasme narratif. La lourdeur de la voix off du héros, censée apporter une touche littéraire et introspective, apporte vite une artificialité désagréable, tandis que la dynamique entre les trois personnages tourne à vide, la faute à une dramaturgie faiblarde, trop en surface et respectueuse des codes.

 

 

… manquant un peu d’âme

Ray Stevenson incarne cet énigmatique vieux loup avec une force indéniable, et en impose face à un David Oakes plus scolaire, mais ce qui manque surtout à leur relation est un traitement plus vif, frontal et assumé de leur lien avec la créature qui sera nommée Aneris. Objet de désir, de peur, de dégoût, de fascination et de jalousie, cette sirène monstrueuse semble effrayer le scénariste et le réalisateur, qui l’utilisent du bout des doigts. Ce qui donne au récit une impression de dramaturgie approximative et tiède. C’est d’autant plus notable que le sujet est aussi fascinant que complexe à filmer, comme l’a prouvé Splice de Vincenzo Natali, dont la Dren a quelques similitudes avec Aneris.

Privé d’un axe fort et clair autour d’une dynamique pourtant classique entre les deux hommes et la créature féminine, sur fond de guerre de territoire, Cold Skin se retrouve plombé par un rythme problématique. La mécanique semble vite trop froide, manquant de panache et d’émotion. Un constat amer tant il semble clair que Xavier Gens a conçu et pensé de nombreuses scènes comme des moments puissants, à la fois dans l’architecture visuelle et thématique.

C’est également regrettable car jusqu’à la fin, le réalisateur déploie une belle énergie pour assembler de superbes séquences. Qu’il filme un échange silencieux entre le héros et la créature à côté d’un squelette de baleine qui repose en silence sur le sable gris, plonge lors d’une séquence hallucinée dans les profondeurs tranquilles de l’eau, ou sorte l’artillerie lourde avec une dose d’images de synthèse plus ou moins heureuse pour un assaut apocalyptique, il insufle à Cold Skin quelque chose de fort. Il y avait donc clairement l’énergie, l’envie et le talent pour offrir un beau film de monstre. Ne manquait plus qu’un peu d’âme.

 

Conclusion

Cold Skin est un film ambitieux et bien soigné. Mais privé d’un scénario fort qui eut abordé le sujet avec moins de tiédeur, il reste un bel écrin… un peu vide et décevant.

 

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