Critique : Chala, une enfance cubaine

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chala afficheChala, une enfance cubaine

Cuba, 2014
Titre original : Conducta
Réalisateur : Ernesto Daranas
Scénario : Ernesto Daranas
Acteurs : Armando Valdes Freire, Alina Rodriguez, Silvia Aguila
Distribution : Bodega Films
Durée : 1h48
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 23 mars 2016

Note : 3.5/5

A 54 ans, Ernesto Daranas a surtout travaillé pour la radio et la télévision de son pays, Cuba. Chala, une enfance cubaine est son deuxième long métrage de cinéma, le premier, Los dioses rotos (Les dieux cassés), film de 2008, n’ayant jamais atteint nos rivages. Chala, une enfance cubaine a été le fruit d’un travail d’équipe mené par Ernesto avec ses étudiants de la Faculté des Médias Audiovisuels de l’ISA (l’Université des arts de Cuba) et a ensuite écumé les festivals du monde entier, en y glanant un nombre impressionnant de récompenses.

Synopsis : Chala, jeune cubain, malin et débrouillard, est livré à lui-même. Elevé par une mère défaillante qui lui témoigne peu d’amour, il prend soin d’elle et assume le foyer. Il rapporte de l’argent en élevant des chiens de combat. Ce serait un voyou des rues sans la protection de Carmela, son institutrice, et ses sentiments naissants pour sa camarade Yeni…

 

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Un enfant attachant et difficile

Jeune adolescent d’une douzaine d’années, Chala est un gamin de La Havane, à la fois attachant, débrouillard et difficile. Son père ? Il ne le connaît pas. Sa mère ? Sonia est une junkie, alcoolique de surcroît, totalement incapable de gérer son quotidien et celui de son fils. Pourtant, à Cuba comme ailleurs, il faut un minimum de revenus pour subvenir à ses besoins, ce qui oblige Chala à entraîner des chiens de combat et à dresser des pigeons en plus de l’activité normale pour son âge : aller à l’école et s’instruire. Dans cette école, il y a les copains, les copines et il y a Carmela, la vieille institutrice qui aime tellement tous ces enfants et qui se met en quatre pour résoudre leurs problèmes tout en leur inculquant rigueur et discipline. Et des problèmes, Chala n’en manque pas ! Cet enfant qui manque d’affection, qui doit assumer un rôle d’adulte alors qu’il n’en est pas un, n’a pas les repères qu’un environnement équilibré aurait pu lui fournir et il en est arrivé à adopter un comportement agressif, à se montrer insolent, à fuguer. Une graine de voyou, en quelque sorte ! Qui arrivera, peut-être, à le remettre une fois pour toute sur le bon chemin ? La rigidité et la sévérité de l’administration ? La bonté et la rigueur de Carmela ? L’inexpérience de la jeune Maria, appelée à remplacer provisoirement Carmela ? Le sentiment que Chala porte à Yéni, une copine de classe ? Ignacio, le propriétaire des chiens de combat, un homme proche de Chala, au point que ce dernier en arrive à se demander si ce n’est pas son père ?

 

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Comportements

Le titre original de Chala, une enfance cubaine est Conducta, dont la traduction en français est « comportement ». Même si le titre finalement choisi pour la sortie du film dans notre pays est plus « vendeur », on ne peut nier qu’on est face à une œuvre dans laquelle l’étude scrupuleuse d’un certain nombre de comportements représente une part importante de son intérêt. Ces comportements peuvent être individuels, comme ceux de Chala, de Carmela, de Sonia et d’Ignacio, ils peuvent aussi être collectifs comme ceux d’un système scolaire trop bureaucratique ou d’une administration qui interdit à une adolescente originaire de Holguin d’être élève à La Havane. Des « détails » qui peuvent surprendre lorsqu’on sait que le Ministère de la Culture et l’Institut cubain des arts et de l’industrie cinématographiques sont impliqués dans la production du film ! On note qu’on évoque également dans le film l’existence de prisonniers politiques dans le pays. Quant à Carmela, lorsqu’on lui fait remarquer que cela fait très (trop ?) longtemps qu’elle est institutrice, elle rétorque du tac au tac que cela fait moins longtemps que ceux qui dirigent le pays !

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Une méthode efficace

Dans Chala, une enfance cubaine, les deux personnages principaux sont Chala, bien sûr, et Carmela, la vieille institutrice. Deux personnages pour lesquels, par conséquent, il était important de ne pas se tromper dans le choix des interprètes. Rejeté par l’équipe responsable du casting lors de sa première audition pour le rôle de Chala, Armando Valdes Freire avait quand même réussi à éveiller un certain intérêt chez le réalisateur au point que ce dernier, seul contre tous, avait décidé de lui donner une deuxième chance. Cette deuxième chance, le jeune havanais a manifestement su la saisir et la méthode utilisée par l’équipe du film pour tirer le maximum de vérité de tous les jeunes interprètes du film a donné d’excellents résultats, pour Armando comme pour les autres. Une méthode consistant à les faire travailler sans la présence des acteurs adultes sur des scènes ne faisant pas partie du scénario, des scènes soit improvisées soit écrites  qui leur permettaient d’entrer petit à petit dans la peau de leur personnage. Concernant le rôle de Carmela, le choix s’est porté sur Alina Rodriguez, une figure de la scène cubaine que le public français avait déjà pu apprécier il y a 16 ans dans Liste d’attente de Juan Carlos Tabio. Malheureusement, cette comédienne remarquable a été emportée par un cancer en juillet 2015.

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Conclusion

Il y a deux volets dans Chala, une enfance cubaine. Il y a tout d’abord le traitement d’un thème qu’on a souvent rencontré au cinéma, celui du jeune adolescent en manque de repères, confronté d’un côté à une institution rigide et déshumanisée et, de l’autre, à un adulte au grand cœur : ici, une enseignante. Ce thème, s’il n’est pas nouveau, est traité avec beaucoup de générosité et il bénéficie en plus de l’excellente prestation d’Alina Rodriguez et de tous les jeunes qui interprètent les élèves de sa classe. L’autre volet, ce sont les à-côtés qui apportent leurs lots de surprises : entendre parler de prisonniers politiques dans un film cubain, apprendre que, dans ce pays, on n’est pas libre d’habiter là où on le souhaite, entendre un personnage persifler sur l’âge des dirigeants du pays. La somme de ces deux volets donne un film tout à la fois émouvant et instructif, un film qui mérite d’être vu.

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