Critique : Ayka

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Ayka

Russie, Allemagne, Pologne, Kazakhstan : 2018
Titre original : –
Réalisation : Sergey Dvortsevoy
Scénario : Sergey Dvortsevoy, Gennady Ostrowski
Interprètes : Samal Yeslyamova, Zhipargul Abdilaeva, David Alavverdyan
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h5O
Genre : drame
Date de sortie : 16 janvier 2019

2.5/5

Il y aura bientôt 11 ans, un réalisateur russe d’origine kazakhe, Sergey Dvortsevoy, était apparu sur le devant de la scène, avec Tulpan, un premier long métrage qui s’était vu décerner le Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2008 et un grand nombre de récompenses un peu partout dans le monde. Ensuite, un grand silence ! Et puis, en 2018, voici Ayka, le deuxième long métrage de Sergey Dvortsevoy, qui entre dans la compétition cannoise et qui repart avec le Prix d’interprétation féminine pour Samal Yeslyamova, son interprète principale.

Synopsis : Ayka vient d’accoucher.
Elle ne peut pas se permettre d’avoir un enfant.
Elle n’a pas de travail, trop de dettes à rembourser, même pas une chambre à elle.
Mais c’est compter sans la nature, qui reprendra ses droits.

Que de problèmes !

Immigrée à Moscou, Ayka, jeune femme kirghize, ne cesse de rencontrer de gros problèmes : un travail stable à trouver malgré l’absence de papiers en règle, des mafieux qui sont prêts à tout, menaces de mort à l’appui, pour obtenir le remboursement de l’argent qu’elle avait emprunté pour acheter le matériel nécessaire pour  pouvoir ouvrir un atelier de couture, projet qui n’a pas abouti, et l’accouchement d’un bébé qu’elle abandonne, consciente qu’il lui sera impossible de l’élever correctement.

Réalisateur qui a commencé par le documentaire, c’est dans un journal russe que Sergey Dvortsevoy a trouvé, il y a 8 ans, la matière première de son deuxième long métrage. Cet article mentionnait le fait que, dans un passé récent, 248 femmes kirghizes avaient abandonné leurs bébés à la naissance dans des hôpitaux moscovites. Etant lui-même originaire d’Asie Centrale et connaissant donc le profond attachement à la famille des populations de cette région du monde, il a aussitôt compris qu’il se devait de réaliser un film mettant en scène une de ces mères, un film qui chercherait à expliquer ce qui avait pu la pousser à commettre un tel acte d’abandon.

Une impression de redite

C’est un Moscou d’une tristesse à pleurer que Sergey Dvortsevoy nous fait visiter dans Ayka, le pire n’étant sûrement pas l’omniprésence de la neige dans les séquences se déroulant en extérieur : après tout, c’est l’hiver et il est de notoriété publique que le climat moscovite n’a rien à voir avec celui de la Côte d’Azur ! Non, ce qui frappe, ce qui choque, c’est l’abandon d’un bébé par sa mère ; c’est la description des boulots précaires dont, vue sa situation,  doit se contenter Ayka, « déplumage » de poulets dans une usine agro-alimentaire, déblayage de neige sur la chaussée, femme de ménage dans une clinique vétérinaire ; c’est un responsable d’atelier qui part avec la caisse sans payer les ouvrières ; c’est l’odieux chantage exercé par les mafieux auprès de Ayka, avec récupération, puis vente du bébé à la clé. Ce qui frappe, ce qui choque, c’est la différence de traitement entre des chiens traités et choyés dans une clinique vétérinaire et des humains peinant à trouver un travail, logeant dans des appartements d’une tristesse infinie et ayant plus de peur au ventre que de nourriture. 

Là où le bât blesse dans Ayka, c’est qu’on a très vite une impression de redite : cette caméra à l’épaule qui suit tant bien que mal Ayka, ce sont les frères Dardenne dans Rosetta ; cette possible vente d’enfant, ce sont les frères Dardenne dans L’enfant ; la problématique des migrants, ce sont les frères Dardenne dans Le silence de Lorna. Les frères Dardenne ont créé un genre à la fin du siècle dernier et, depuis, ils ont eu de nombreux émules. Sergey Dvortsevoy en fait partie, pourquoi pas, sauf que là, il va quand même un peu trop loin dans le mimétisme.

Un prix mérité

La filiation avec Rosetta, on la retrouve même dans le palmarès de Cannes 2018 : certes, Ayka n’a pas obtenu la Palme d’or, mais Samal Yeslyamova, elle, s’est vue décerner le Prix d’interprétation féminine, tout comme Emilie Dequenne, l’interprète de Rosetta, en 1999. Force est de reconnaître que cette récompense est parfaitement justifiée, la comédienne kazakhe, déjà présente dans Tulpan, étant, tout au long du film, impressionnante d’énergie et de vérité.

Conclusion

Ayka ne manque pas de qualités avec sa peinture sans concession de la Russie de Poutine, avec la description des difficultés rencontrées par  les anciens ressortissants de l’Union Soviétique lorsqu’ils viennent s’installer en Russie, avec, surtout, la remarquable prestation de Samal Yeslyamova dans le rôle d’Ayka. Toutefois, à la vision de ce film,  on ne peut pas s’empêcher de penser au cinéma des frères Dardenne, et, en particulier, à Rosetta, Palme d’or en 1999 : il y a 19 ans, ce film tourné caméra à l’épaule était novateur, aujourd’hui, cinématographiquement parlant, Ayka donne malheureusement une impression de déjà vu.

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