Critique : Closet monster

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Closet monster

Canada, 2015
Titre original : Closet monster
Réalisateur : Stephen Dunn
Scénario : Stephen Dunn
Acteurs : Connor Jessup, Aliocha Schneider, Aaron Abrams, Joanne Kelly
Distribution : Optimale
Durée : 1h30
Genre : Drame d’adolescents
Date de sortie : 13 décembre 2017

Note : 3/5

Si, dans des cas exceptionnels, l’adolescence n’est qu’un long fleuve tranquille, pareille absence d’une mise en question virulente des schémas de vie proposés par les générations précédentes se vengera tôt ou tard par une infantilisation, qui peut durer jusqu’à un âge avancé. Mieux vaut donc crever l’abcès, quitte à passer des moments franchement désagréables, en conflit ouvert avec la terre entière, mais en ayant en perspective au bout du tunnel de ces années de galère existentielle une affirmation de soi digne d’un adulte bien dans sa peau. Ce film canadien ne s’encombre guère de subtilités pour conter le sort éprouvant d’un jeune gay, traumatisé dès son enfance par l’homophobie, qui aura besoin de quelques soutiens peu ordinaires afin de trouver sa voie. Closet monster est un film débordant de rage et de fureur, de partis pris excessifs et d’exagérations pleinement assumées. Le réalisateur Stephen Dunn n’y va pas par quatre chemins pour créer un microcosme entre le cauchemar et le fantasme, tout en ayant néanmoins le réflexe pas évident de tisser des liens pleins d’ambiguïté entre la peur et l’érotisme. De même, sa narration a beau plonger corps et âme dans l’expérience cathartique du personnage principal, elle demeure tout à fait cohérente dans sa tentative de traduire en termes cinématographiques le malaise profond qui accable hélas toujours de nombreux jeunes pédés en quête de reconnaissance et de réconfort.

Synopsis : Le jeune Oscar tombe des nues quand ses parents lui annoncent leur séparation. Dès lors trimballé de semaine en semaine entre les domiciles de son père et de sa mère, il ne trouve un refuge que dans la création de maquillages fantastiques. Grâce à ce loisir, il espère même partir à New York à la fin de sa scolarité, afin d’y intégrer une école spécialisée. En attendant la lettre fatidique de cette dernière, il prend un job dans un hypermarché de bricolage, où il fait la connaissance de Wilder. Bien qu’il tombe sous le charme de ce bel éphèbe, il n’ose pas encore avouer son homosexualité ni à lui-même, ni à son fidèle hamster Buffy, son seul confident intime, et encore moins à ses parents.

Confusion de genres chez l’animal d’esprit

Le dispositif de l’animal de compagnie, qui est comme par miracle en mesure d’échanger avec des personnages humains, est tout sauf une recette pour le succès. Encore récemment, les confidences entre une petite fille et son hibou dans Demain et tous les autres jours de Noémie Lvovsky n’avaient pas de quoi séduire le public. Initialement, il n’en paraît pas autrement dans Closet monster, où l’acquisition du hamster rime avec l’avènement de scènes de ménage insoutenables pour le fils unique. Deux éléments permettent cependant à cette figure de style dramatique pas toujours heureuse de convaincre ici : le fait d’avoir pu engager la voix de la magnifique Isabella Rossellini pour ce rôle peu gratifiant, qui renoue en quelque sorte grâce à lui avec son travail dans les courts-métrages sur la vie sexuelle des animaux « Green porno ». Et surtout l’emploi à vocation ironique de ce compagnon poilu, qui s’apparente clairement à une bouée de sauvetage psychologique. Ainsi, les séquences qui risquent le plus de sombrer dans le pathos pompeux sont rattrapées avec une pirouette verbale ingénieuse par ce gardien de la conscience, qui se demande par exemple sur un ton drôlement alarmé s’il est un mâle ou une femelle, alors que son maître plane de façon caricaturale au septième ciel du premier baiser. De même, la conclusion, qui aurait pu se noyer dans la nostalgie solennelle, est ramenée in extremis sur un terrain plus pragmatique et distancié par la remarque testament de ce double particulier.

Se révolter contre les parents pour ne pas finir comme eux

Face à la mise en abîme par le biais des commentaires espiègles du petit rongeur, nous nous retrouvons par contre avec un propos sensiblement plus lourd de symboles et d’implications intimes. Comme déjà indiqué plus haut, Stephen Dunn n’est pas un réalisateur qui affectionne le trait délicat, lui préférant des coups de poings visuels desquels il est parfois difficile de se remettre. Il agence ainsi le scénario en pleine conformité à la trame associée à la tradition plutôt récente des films sur la prise de conscience gaie pendant l’adolescence. Ne doivent donc pas y manquer l’activité créative sous forme d’échappatoire d’un monde trop glauque pour l’affronter autrement, la meilleure copine qui est la seule à comprendre tant soit peu l’homosexualité balbutiante de son ami et, cerise indispensable sur le gâteau, un objet de tous les fantasmes que l’on n’ose pas s’imaginer à ses côtés, dévêtu dans le même lit, interprété dans Closet monster par le petit frère de Nils Schneider. Les emprunts auprès d’autres univers, tels que celui de Vidéodrome de David Cronenberg et son parasite intestinal qui se fraie avec violence un chemin vers l’extérieur, sont certes un peu plus originaux. S’ils sont les vecteurs intempestifs de la colère que Oscar emmagasine jusqu’à devoir arracher cette tige en métal de sa propre chair – une image de représentation convenue du souvenir à un acte homophobe, dont il avait été témoin dans son enfance –, ils enferment en même temps le récit dans une pose plus artificiellement excessive que réellement apte à susciter notre empathie.

Conclusion

La forme très expressive, voire presque criarde, de Closet monster le rapproche plus du cinéma australien des années 1990 que de celui plus récent du Canada sous le patronage du saint poseur Xavier Dolan. Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un film qui n’a pas peur de l’excès pour exprimer son indignation face à la situation toujours aussi précaire d’adolescents pas comme les autres. Dans ce contexte, l’homosexualité n’est plus le cheval de guerre principal de la lutte contre le mal-être, mais davantage un aspect annexe parmi d’autres, comme la structure familiale éclatée, pour tenir compte de cette partie de la vie, égale à l’enfer et pourtant pas exempte de quelques rares envolées d’innocence paradisiaque.

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