Cannes 2018 : Les oiseaux de passage

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Les oiseaux de passage

Colombie, Mexique, Dan., Fr. 2018
Titre original : Pájaros de verano
Réalisateurs : Cristina Gallego & Ciro Guerra
Scénario : Maria Camila Arias, Jacques Toulemonde
Acteurs : Carmiña Martínez, José Acosta
Distribution : Diaphana
Durée : 2h05
Genre : Drame
Date de sortie : prochainement

3.5/5

L’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs cuvée 2018 s’est faite avec le retour d’une révélation récente : Ciro Guerra, avec sa productrice et désormais co-réalisatrice Maria Camila Arias, s’étaient faits remarquer en 2015 avec L’étreinte du serpent. Ils nous reviennent cette année avec Les oiseaux de passage, surprenant portrait d’une communauté amérindienne qui se révèle être un efficace film de genre.

Synopsis : Dans les années 1970, en Colombie, une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l’honneur des familles tente de résister à l’avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C’est la naissance des cartels de la drogue.

En effet, lé début du film nous présente un rituel de demande en mariage chez les Wayuus, peuple amérindien vivant dans lé désert du Guajira, à cheval entre la Colombie et le Vénezuela. Quiconque qui n’est pas un fin connaisseur de la région sera donc dépaysé dès le début : les protagonistes s’expriment dans leur langue, exécutent une danse hynoptisante, en plein milieu d’un paysage avec pour seul horizon un décor aride. Les acteurs, des comédiens de théâtre quand ils ne sont pas amateurs, sont eux tout aussi authentiques que le paysage qui les entoure. Comme tout bon film de « mafia », dont Guerra et Gallego reprennent les codes pour mieux les tordre, Les oiseaux de passage est avant tout une histoire de famille, bouleversée par les événements rarement joyeux qui accompagnent les cartels. En effet, comme son début ne l’indique pas, il s’agit pour les réalisateurs de raconter comment s’est implanté, insidieusement, le narcotrafic au sein de cette communauté colombienne : un bout d’Histoire éclipsé, le sujet des narcotrafiquants étant monopolisé par Escobar et son cartel de Medellín. « Le processus de paix [entre les FARCs et les forces gouvernementales] nous a permis de jeter un coup d’œil à notre passé » expliquait Ciro Guerra en fin de projection – et tant mieux pour les Colombiens comme pour les spectateurs étrangers !

Cinq chapitres, basés sur la forme des chants wayuus, structurent le film : niveau historique, cela signifie passer de la fin des années 60 au début des années 80 ; pour le narcotrafic, cela équivaut à passer d’un commerce familial à des cartels bien organisés ; pour le protagoniste enfin, cela s’apparente à un pouvoir qui ne cesse de grandir – tout comme les conflits qui vont avec.  Une des forces des Oiseaux de passage réside dans la narration visuelle de cette structure, portée par une douce photographie légèrement granuleuse. Ainsi, au fil des années, ce ne sont pas que les enfants qui grandissent, mais aussi la taille des armes, qui passent du simple colt aux semi-automatiques, les moyens de transports – le 4×4 remplançant la chèvre – et le nombre de personnages portant des lunettes de soleil pour mieux cacher leur yeux. C’est simple, on commence à suivre les personnages dans de simples hamacs, et on finit par les tomber dans une somptueuse villa, digne d’un Tony Montana qui se serait installé en plein milieu du désert.

Conclusion

Une prise de pouvoir progressive jusqu’à sembler inarrêtable, suivie d’une chute qui semble inéluctable : on est bien dans une tragédie classique dans sa structure. Le reste, lui, est largement dépaysant dans Les oiseaux de passage, de ses personnages à son décor, de sa langue à son histoire. Au final, si les oiseaux migrateurs du titre annoncent des changements, ils marquent aussi un certain retour à la case départ : une ascension n’est souvent qu’éphémère, surtout quand elle se fait dans la violence …

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