Cannes 2018, carnet de bord, troisième partie

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Dans Les Éternels (Ash is the purest white) (2,5/5) (compétition), Jia Zhangke dirige à nouveau sa compagne et muse Zhao Tao dans un cadre mi film noir, mi drame romantique. Compagne d’un petit chef de gang, Qiao sort une arme pour le protéger lorsqu’il est attaqué par une bande rivale et tire à plusieurs reprises en l’air. À sa sortie de prison, cinq an plus tard, elle le recherche mais il a déjà refait sa vie. Les deux premières parties, malgré une écriture un peu confuse lorsqu’elle n’est pas prévisible, reste vibrante même si elle n’est pas à la hauteur des meilleurs films du cinéaste taïwanais. On s’intéresse plutôt au trajet de cette femme fusionnelle dans sa relation avec un type peu recommandable. Mais alors qu’on la croyait débarrassée de son amant pour de bon, elle le retrouve et il plombe à nouveau sa vie, et on ne s’y intéresse déjà plus. Cette femme forte reste engluée, sans évolution, dans cette relation mortifère et Jia Zhangke peine à nous faire comprendre pourquoi ce lien perdure. Une déception dans l’ensemble, malgré la mélancolie qui transparaît, à la fois dans le jeu de l’actrice et la mise en scène d’une région à laquelle son auteur est clairement attaché…

Gueule d’ange de Vanessa Filho (2/5). Marion Cotillard est la mère alcoolique, bien peu reluisante, d’une gamine de huit ans dans ce premier film présenté dans le cadre d’Un Certain Regard. Promise à un avenir enfin plus radieux après des années de galère, elle sabote son mariage le soir des noces. Lorsqu’elle rencontre un autre homme dans une boîte de nuit, elle disparaît et sa fille se retrouve seule. Accumulation insupportable de malheurs et poncifs autour de la déchéance d’une jeune femme autodestructrice qui s’échine à se fabriquer des problèmes, comme si les émissions de télé-réalité qu’elle ingurgite à longueur de journées étaient pour elle un mode d’emploi pour sa vie. Marion Cotillard est une cagole blonde, haute en couleur et épuisante, dans ce drame parfois racheté par ses ellipses qui permettent parfois d’éviter le trop plein de complaisance. Dans le rôle de leur voisin, un forain attachant, féru de plongeon, Alban Lenoir est comme souvent très juste, mais le poids d’un problème de santé finit d’ajouter du mélodrame à un récit qui n’en manquait déjà pas.

Gros coup de coeur pour la séance spéciale de courts-métrages de la Semaine de la critique, et en particulier pour La Chute de Boris Labbé (5/5), un chef d’oeuvre d’animation d’une durée de 14 minutes qu’on aurait envie de voir et de revoir encore, comme dans la même boucle mise en scène par le réalisateur de Orogenesis et Rhizome, déjà de grands moments de cinéma. Il dirige un monde où tout se répète et se reproduit à l’infini, jusqu’au moment où l’engrenage parfaitement huilé se dérègle. L’enfer ainsi créé dans un premier temps laisse percer autre chose finalement : l’espoir et la vie. La musique dissonante de Daniele Ghisi accompagne ce mouvement perpétuel privé de son axe. L’effet de répétition rappelle indirectement le Tango de Zbig, et nous embarque dans ce qui devrait aisément reste comme l’un des plus grands moments de cinéma de cette année 2018. En complément de programme, on retrouve Third Kind du grec Yorgos Zois dont la conclusion glaçante l’inscrit dans une critique du monde d’aujourd’hui après nous avoir laissé entrevoir un récit post-apocalyptique, alors que Ultra Pulpe Apocalypse After de Bertrand Mandico confirme l’inventivité du réalisateur du moyen-métrage Notre-Dame-des-Hormones et du long Les Garçons sauvages.

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