Bande dessinée : L’Alter Ego

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L’Alter Ego


France : 2021
Titre original : –
Auteurs : Näamlock, Monsieur K
Genre : Bande dessinée
Éditeur : Artus Films BD
Date de sortie : 22 octobre 2021
Nombre de pages : 48

Note : 4,5/5

L’Alter Ego raconte le quotidien jour après jour de Martin et sa relation compliquée avec la mystérieuse Alice, qui l’encourage à concrétiser ses rêves de cinéaste frustré. Son grand projet est de réaliser un Giallo, thriller érotico-gore popularisé dans les années 70 et dans la lignée de certaines œuvres maitresses d’Hitchcock. Mais Alice a des secrets et leur histoire prend un tournant inattendu…

Première bande dessinée éditée par Artus Films, qui inaugurait avec ce titre son label « Artus Films BD », L’Alter Ego est, à l’origine, un projet que ses auteurs Näamlock et Monsieur K avaient pensé pour le Net. En effet, l’histoire fut intégralement pré-publiée du 6 janvier au 11 octobre 2020, au rythme d’une case par jour, sur les réseaux sociaux. Comme toute gestation, le récit s’est étalé sur neuf mois, ce qui força Näamlock et Monsieur K à adapter leur narration en conséquence.

On appelle ça une « contrainte artistique volontaire », et une case par jour, ça vous force en effet à ne pouvoir aborder qu’un seul événement, généralement court : L’Alter Ego est un récit pour le moins elliptique, et au lecteur de remplir les trous, les interstices entre chaque case. Cette liberté laissée au lecteur, qui rompt clairement avec les codes de la narration traditionnelle, est d’ailleurs une des clés de la réussite du projet.

Bien sûr, en de rares occasions, le récit donne l’impression que les cases se suivent ou se répondent, à la manière d’une bande dessinée traditionnelle, mais il ne s’agit pas là d’une facilité de la part de Näamlock et Monsieur K – mais plutôt d’une façon de souligner le côté obsessionnel des personnages de L’Alter Ego, dont la psychologie pourra par moments paraître comme « en boucle » sur certains sujets (création, emprise l’un sur l’autre, etc).

Les rapports au cinéma, au Giallo bien sûr mais également au film de monstre, aux classiques de l’angoisse (avec notamment plusieurs références à Ne vous retournez pas) et au « Body Horror », sont légion dans L’Alter Ego, évidemment – on n’en attendait pas moins d’une bande dessinée éditée par Artus Films. Pour autant, si les références sont nombreuses, le récit ne plie jamais sous leur poids, trouvant rapidement sa propre identité notamment dans son ambiance et sa narration singulière.

Les lecteurs ayant découvert L’Alter Ego sur le « long terme », au rythme d’une case par jour, pourront sans doute se demander si le format ici choisi par Artus Films BD, à savoir le classique recueil de 48 pages au format traditionnel de la bande dessinée européenne, n’aurait pas nécessité une petite « adaptation » afin de conserver le côté volontairement hachuré de la narration.

Un petit format à une case par page aurait probablement permis au récit d’installer les « pauses » nécessaires entre chaque journée nous étant racontée par Näamlock et Monsieur K. Pour autant, les cases allongées à l’horizontale et le fait qu’aucun problème de mise en page ne se soit présenté tend à laisser penser que Monsieur K utilisait déjà ce traditionnel format « portrait » au moment de la création de L’Alter Ego.

Mais ce détail n’altère en rien les qualités de L’Alter Ego, qui possède une qualité extrêmement rare : celle d’être une « pure » bande dessinée, soit une œuvre entièrement adaptée à son format et dont la narration sous forme de phases extrêmement courtes et désarticulées ne pourrait en aucun cas être reproduite à l’identique, que cela soit sous forme de roman, de film ou de série. Et mine de rien, cet attachement à un médium et un seul est une qualité rarissime dans la bande dessinée contemporaine, qui se base généralement sur un mode de narration calqué sur celui du roman et/ou du cinéma – et de fait se voient régulièrement adaptées sous forme de films ou de dessins animés.

Avec L’Alter Ego, Näamlock et Monsieur K parviennent ainsi à atteindre l’essence même du récit de bande dessinée, et nous livrent un récit absolument et définitivement inadaptable sur un autre médium sans avoir à le modifier de façon considérable. A ce titre, ils réussissent un exploit que bien peu d’autres auteurs de BD sont parvenus à atteindre – de mémoire de lecteur, seul l’univers déjanté d’Édika était jusqu’ici parvenu à nous donner cette impression.

Récit graphique monochrome en trois parties (bleu, rouge, vert), au dessin énergique et expressif, L’Alter Ego est disponible chez Artus Films BD sous la forme d’une BD de 44 pages + 4 pages de bonus et couverture souple, au format 21,2 cm × 29,8 cm. On ne saurait trop vous le conseiller…

1 COMMENTAIRE

  1. C’est une BD qui ne se lit pas qu’une fois…
    Et même une fois la lecture terminée, on a juste envie de la relire pour faire attention à chaque détail, découvrir de nouveaux éléments.
    Et puis il n’y a pas que la BD, on continue avec la lecture l’article de Mad Movies à la fin ainsi que l’interview des auteurs, nous plongeant encore un peu plus dans leur univers.
    C’est la première fois depuis très longtemps que je vois autant de matière à partager, autant de plaisir à communiquer pour nous faire plaisir à notre tour.
    Une BD que je ne suis pas prêt d’oublier.

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