Amours chiennes
Mexique : 2000
Titre original : Amores perros
Réalisation : Alejandro G. Iñárritu
Scénario : Guillermo Arriaga
Acteurs : Emilio Echevarría, Gael García Bernal, Goya Toledo
Éditeur : Metropolitan Film & Video
Durée : 2h34
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 1 novembre 2000
Date de sortie BR/4K : 14 novembre 2025
Les extrêmes de la vie, sous l’angle de trois histoires radicalement différentes : Octavio, un adolescent qui a décidé de s’enfuir avec la femme de son frère, Daniel, un quadragénaire qui quitte sa femme et ses enfants pour aller vivre avec un top model, el Chivo, un ex-guerillero communiste…
Le film
[5/5]
Dans Amours chiennes, les chiens ne sont pas juste des compagnons fidèles ou des métaphores faciles pour parler de l’instinct. Ce sont des catalyseurs, des témoins, des victimes collatérales d’un monde qui part en vrille. Et dans ce monde, chaque personnage court après quelque chose : l’amour, la rédemption, la gloire, ou juste un peu de paix. Mais comme souvent dans les grandes villes et les petits cœurs, tout finit par se percuter. Littéralement. Le film s’ouvre sur un accident de voiture qui ferait passer celui de Crash (celui de Cronenberg, pas l’autre) pour une pub Volvo. Et cet accident, c’est le point de bascule, le carrefour sanglant où trois histoires viennent se croiser, s’emmêler, se dévorer.
Amours chiennes ne fait pas dans la dentelle. Alejandro González Iñárritu, épaulé par Guillermo Arriaga au scénario, découpe son récit comme un boucher halluciné. Trois tranches de vie, trois trajectoires qui s’entrechoquent, avec une caméra qui ne tient pas en place, comme un enfant hyperactif à qui on aurait fait boire trois cafés et deux Red Bull. Mais cette nervosité visuelle, loin d’être gratuite, épouse parfaitement le chaos intérieur des personnages. Octavio, le jeune paumé qui veut fuir avec la femme de son frère, Daniel, le publicitaire qui plaque tout pour un top model en ruine, et El Chivo, le clochard philosophe qui parle aux chiens comme d’autres parlent à Dieu. Dans Amours chiennes, chaque plan semble vouloir hurler quelque chose – et parfois, ça hurle très fort.
Le style de Amours chiennes rappelle évidemment celui d’autres films « choc » tels que La Haine ou Trainspotting – on y retrouve la même énergie brute, et surtout cette envie de tout dire, de tout montrer, quitte à en faire trop. Mais ce trop-là est nécessaire. Il permet de faire ressentir la violence du monde, la brutalité des rapports humains, et cette solitude qui colle à la peau comme les bonbons au papier par période de forte chaleur. La photo de Rodrigo Prieto, granuleuse, contrastée, presque sale, donne au film une texture organique, comme si chaque image avait été trempée dans la sueur et les larmes. Et la musique de Gustavo Santaolalla, discrète mais poignante, vient caresser les plaies sans jamais les refermer.
Comme son titre l’indique, Amours chiennes parle d’amour, bien sûr, mais d’un amour qui fait mal. Un amour qui blesse, qui trahit, qui abandonne. Le titre original, Amores perros, joue d’ailleurs sur cette ambivalence : l’amour est un chien, fidèle mais parfois mordant. Et dans le film, les chiens sont partout. Ils sont battus, enfermés, sacrifiés. Comme les humains. Cette analogie, loin d’être gratuite, permet de poser une question simple mais vertigineuse : qu’est-ce qui distingue l’homme de l’animal ? La capacité à souffrir ? À aimer ? À se souvenir ? Dans Amours chiennes, la frontière est floue, et c’est ce flou qui rend le film si troublant.
En raison de la portée universelle des questions qu’il soulève, il nous parait un peu trop facile – et ô combien réducteur – d’affirmer qu’Amours chiennes n’est qu’un film (de plus) sur la violence urbaine, sur le Mexique contemporain, sur la misère sociale. Le film est par ailleurs également une réflexion sur le destin, sur les choix, sur les conséquences. Chaque personnage est confronté à ses actes, à ses regrets, à ses fantômes. Et la structure en triptyque, loin d’être un gadget narratif, permet de montrer que les vies sont liées, que les douleurs se répondent, que les cicatrices se ressemblent et que tout le monde saigne pareil.
Alors oui, on peut peut-être déplorer le fait que certaines scènes tirent un peu en longueur, et le segment du top model aurait mérité un peu plus de subtilité. Mais ces défauts sont anecdotiques face à la puissance émotionnelle dégagée par le film. Et puis, il faut saluer le courage d’Iñárritu qui, pour son premier long métrage, osait tout : la narration éclatée, les plans tremblés, les dialogues crus, les chiens qui se battent comme des boxeurs en rut. Ça sent la rue, le sang, la merde. Et c’est beau. Et si on remet le film dans le contexte de son exploitation d’origine, on peut dire qu’Amours chiennes avait débarqué, à l’époque, comme un véritable uppercut dans le paysage cinématographique du nouveau millénaire. Amours chiennes tapait là où ça fait mal, et vingt-cinq ans plus tard, son impact reste intact. Chef d’œuvre.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4,5/5]
L’édition Blu-ray 4K Ultra HD d’Amours chiennes proposée par Metropolitan Film & Video est une belle réussite, d’autant plus surprenante que le transfert 4K du film nous est présenté ici en première mondiale. Cocorico ! Le packaging, sobre mais élégant, met en valeur le caractère brut du film, avec une jaquette qui évite les artifices et un boîtier qui respire le sérieux. La restauration 4K, supervisée par Alejandro González Iñárritu et son chef opérateur Rodrigo Prieto, est une réussite technique. L’image gagne en profondeur, avec un grain argentique bien présent, une définition solide et une colorimétrie nuancée. Les noirs sont plus marqués, les contrastes mieux gérés, et les scènes nocturnes retrouvent leur densité originelle. Les étalonnages HDR10 + Dolby Vision nous proposent une expérience visuelle aussi agressive qu’immersive, et donc en tous points fidèle aux intentions du réalisateur. Côté son, Amours chiennes bénéficie d’un mixage VO en DTS-HD Master Audio 5.1, dynamique et équilibré. Les voix sont claires, les ambiances urbaines bien spatialisées, et la musique de Santaolalla trouve toute sa place dans l’espace sonore. La version française, en DTS-HD Master Audio 2.0, s’avère tout à fait recommandable, même si les voix paraissent parfois un peu trop détachées du reste. Rien de rédhibitoire, mais la VO reste le choix évident pour profiter pleinement de l’atmosphère du film. Pour les cinéphiles non équipés de Home Cinema, la version originale est également disponible en DTS-HD Master Audio 2.0.
Côté suppléments, on commencera avec un making of (16 minutes) qui revient sur les conditions de tournage et la genèse du projet, avec des interventions de l’équipe et du réalisateur. On embrayera avec une poignée de scènes coupées (16 minutes), commentées par Alejandro González Iñárritu, qui permettront de mieux comprendre les choix de montage et les sacrifices narratifs. On continuera ensuite avec une featurette consacrée aux chiens (6 minutes), qui nous offre un regard amusé sur les coulisses canines d’Amours chiennes, avec anecdotes et précautions de tournage. Une autre featurette reviendra sur les coulisses de la scène d’accident de voiture (3 minutes), et illustrera la complexité technique de cette scène mémorable, filmée par neuf caméras. Trois clips musicaux (11 minutes) réalisés par Iñárritu viennent compléter l’ensemble, ainsi que deux bandes-annonces. Du très beau travail éditorial !
























