Sarlat 2025 : La Femme de

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La Femme de

France, 2025
Titre original : –
Réalisateur : David Roux
Scénario : David Roux et Gaëlle Macé, d’après un roman de Hélène Lenoir
Acteurs : Mélanie Thierry, Éric Caravaca, Arnaud Valois et Jérôme Deschamps
Distributeur : Jour2fête Distribution
Genre : Drame
Durée : 1h34
Date de sortie : –

3/5

Premier film égale première bonne surprise pour notre couverture de la 34ème édition du Festival de Sarlat. Le privilège du public festivalier – à plus forte raison celui appartenant à la presse – de découvrir des films avant tout le monde, sans aucun a priori, a pleinement porté ses fruits dans le cas du deuxième long-métrage de David Roux, six ans après L’Ordre des médecins. Pourtant, des appréhensions, on aurait pu en avoir un paquet, ne serait-ce qu’à cause de notre relation de spectateur guère enthousiaste à l’égard de son actrice principale.

Jusque là abonnée aux rôles de femmes à l’hystérie aussi insipide qu’ennuyeuse, Mélanie Thierry reste certes fidèle à son registre de prédilection dans La Femme de. Mais pour une fois, contre toute attente, elle a su insuffler une fragilité et une sincérité à ce parcours du combattant d’une épouse aux ordres de son mari et de la classe sociale qu’il représente, qui faisaient cruellement défaut dans ses films antérieurs.

Peut-être ce regain d’appréciation est-il également dû à la finesse avec laquelle la mise en scène nous embarque dans ce rapport de classes hautement toxique ? D’emblée, à partir d’une séquence en exergue dont on ne comprendra que plus tard le sens dans le déroulement de l’histoire, le réalisateur nous fait ressentir la douleur à vif de cette femme, usée jusqu’à la moelle par la gente masculine. Au détail près que les sentiments écorchés à vif ne seront plus de mise par la suite, pas plus d’ailleurs qu’un discours ouvertement féministe dont la porte-parole principale est assez rapidement évacuée du récit. Non, cette épouse bien comme il faut ronge patiemment son frein, jusqu’à ce qu’elle ait avalé une couleuvre de trop.

Il est alors tout à l’honneur de la cohérence du propos du film, que son point de vue de femme malmenée soit adroitement complémenté par celui des hommes qui lui tournent autour. Ceux-là, campés avec conviction par Arnaud Valois, Jérémie Renier et Éric Caravaca, ne sont pas non plus des monstres. Juste des individus incapables de reconnaître le malaise profond vécu en permanence par l’objet de leurs désirs, présents ou passés.

Synopsis : Après la mort de sa belle-mère, Marianne accepte difficilement la décision de son mari d’emménager dans la grande demeure familiale. Désormais réduite à l’emploi d’aide-soignante au chevet de son beau-père despotique, elle est la seule à vivre mal ce changement de circonstances de vie. Pour la plupart des autres membres de cette famille de la haute bourgeoisie de province, elle ne fait que perpétuer la tradition qui avait vu depuis longtemps les hommes vivre vieux aux dépens de leurs femmes. Quand Marianne aperçoit un homme de son passé au moment de la confirmation de sa fille aînée, elle est prise dans un dilemme inéluctable entre le maintien du statu quo, aussi pénible soit-il pour elle, ou bien la rupture des conventions pour un départ vers une nouvelle vie.

© 2025 Élianeantoinette / Reboot Films / Panache Productions / Disney + France / Jour2fête Distribution Tous droits réservés

Dur, dur de faire évoluer les mentalités en termes de répartition des rôles entre hommes et femmes, établis depuis des millénaires, au détriment quasiment systématique de ces dernières ! Un film comme La Femme de n’a probablement pas pour ambition d’être un brûlot cinématographique en faveur de la cause féministe. A sa façon, il y contribue néanmoins, grâce à sa description nuancée pas seulement de l’héroïne de son récit, mais également de ses adversaires supposés. Car la faute principale de ces hommes à l’utilité dramatique bien établie n’est pas tant qu’ils chercheraient activement à garder Marianne sous le joug d’un patriarcat draconien. C’est qu’ils sont totalement incapables de faire preuve d’une véritable empathie à son égard, de se soustraire à leur vision égoïste des choses pour envisager un monde plus égalitaire. Bref, ils sont des être humains comme nous le sommes toutes et tous et donc entièrement perfectibles.

Cela vaut autant pour ce beau-frère à la fois craquant et irresponsable, qui recherche son propre plaisir puéril avant tout, sans avoir quoique ce soit de valable à offrir à sa belle-sœur. Que pour ce mari aigri, bouffé de l’intérieur par ses responsabilités professionnelles et privées, à qui les mouvements de fuite de son épouse paraissent étrangement incongrus. Le salut viendrait-il de la part de cette ombre du passé, perçue d’abord comme une intrusion, voire une menace ? Hélas pour Marianne, les choses ne sont pas si simples. Et tant mieux pour nous, puisque David Roux sait admirablement éviter les écueils du mélodrame convenu dans un cadre de luxe matériel et de disette affective.

En opposition à ce tableau masculin globalement pitoyable, quoique jamais condescendant, les personnages féminins auraient-ils plutôt le beau rôle ? Pas tellement. Là aussi, la narration s’acquitte plus que raisonnablement de la tâche compliquée de ne jamais forcer le trait. Ainsi, il arrive que Marianne pleure sur son sort ou plus précisément sur les décisions douloureuses à prendre, si jamais elle souhaite remédier à sa situation étouffante. Toutefois – et il s’agit là d’une révélation insoupçonnée de notre part en faveur des talents de Mélanie Thierry –, ce craquèlement timide de la carapace portée par des femmes dociles depuis des siècles ne s’accompagne jamais d’une effusion de sentiments excessifs. Bien au contraire, puisque le bonheur est aussi difficile à atteindre pour le personnage principal que le nid familial faussement douillet à quitter.

Dans un tel univers sournoisement malsain, d’où pourrait bien venir la délivrance ou tout au moins un soulagement ? Certainement pas d’un coup de baguette magique, donné par une fée à l’image de Delphine Seyrig dans Peau d’âne de Jacques Demy, explicitement cité. Pas non plus de la part de la belle-sœur, la brebis galeuse de la famille dont le discours progressiste au début du film ne trouve guère d’écho par la suite. Et pas davantage auprès d’autres personnages féminins, parfois juste de passage en arrière-plan, comme Alexandra Stewart en tante trop enracinée dans les querelles d’antan pour rester dormir la nuit.

Cependant, ce refus de chercher à tout prix la solution facile, soit mélodramatique, soit tragique, ne doit pas être perçu comme une faiblesse scénaristique ou narrative. Il permet au film de maintenir un bel équilibre délicat entre le quotidien éreintant, malgré le cadre confortable en apparence seulement, et l’absence cruelle d’échappatoires tangibles à cette chape de plomb qui empeste la convenance.

© 2025 Élianeantoinette / Reboot Films / Panache Productions / Disney + France / Jour2fête Distribution Tous droits réservés

Conclusion

Mélanie Thierry fait des films depuis le début du siècle. Il faut croire que nous sommes passés à côté de ses interprétations les plus abouties jusqu’à présent, puisque c’était une comédienne dont les maniérismes avaient plutôt tendance à nous agacer. Grâce à La Femme de, nous sommes disposés à revoir ce rejet catégorique. Car le deuxième long-métrage de David Roux la gratifie d’un rôle à la complexité indiscutable qu’elle maîtrise pourtant de bout en bout. Mieux encore, ce portrait d’une famille dysfonctionnelle sonde avec habileté les bas-fonds d’une prémisse jamais sacrifiée sur le bûcher de l’effet théâtral trop évident.

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