Critique : Kill your friends

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Kill your friends

Royaume-Uni, 2015
Titre original : Kill your friends
Réalisateur : Owen Harris
Scénario : John Niven, d’après son roman
Acteurs : Nicholas Hoult, Craig Roberts, James Corden, Tom Riley
Distribution : Chrysalis Films
Durée : 1h43
Genre : Comédie macabre
Date de sortie : 2 décembre 2015

Note : 3/5

Notre nostalgie des années 1990 ne s’étend pas jusqu’aux relents de l’arrivisme propre à la décennie précédente. La soif insatiable de succès professionnel, peu importe les moyens, y était pourtant encore bien présente. L’avidité était toujours gagnante parmi ces nouveaux riches, qui brassaient l’argent et la drogue. Pareilles méthodes sont peut-être toujours d’actualité de nos jours, mais elles ont perdu beaucoup de leur superbe depuis. Tout comme le monde de l’édition musicale, qui cherche toujours désespérément à s’en remettre de l’apocalypse de la révolution numérique. Le petit retour vers un passé récent s’avère néanmoins jouissif ici, aussi parce que Kill your friends baigne sans trop de remords dans la même folie meurtrière que American Psycho de Mary Harron. Il n’y a aucune leçon à tirer de cette aventure amorale au possible, si ce n’est que l’ambition payera tôt ou tard. Et que la musique est une industrie comme les autres, dépourvue du moindre état d’âme artistique car exclusivement focalisée sur l’appât du gain.

Synopsis : Londres 1997. Steven Stelfox, premier assistant de la direction artistique dans un important label de musique, cherche à faire avancer sa carrière à tout prix. Le poste qu’il convoite le plus est celui de son supérieur direct Schneider, qui risque de se faire virer bientôt à cause du retard important pris sur la production du deuxième album de son poulain Rage. Le seul concurrent de Steven dans la course à la promotion est son ami Waters, constamment dans un état second et guère aussi diligent dans son travail que le jeune parvenu.

Le Roi est nu

Sans être un tueur en série aussi sanguinaire que Patrick Bateman dans American Psycho, Steven Stelfox cultive délicieusement son petit grain de folie. A moins qu’un but encore plus préoccupant ne lui donne des ailes : le besoin constant de se mettre en valeur et de prouver sa supériorité en termes de flair pour dénicher de nouveaux talents. Sauf que le goût personnel est la première chose sacrifiée sur l’autel de la réussite. Car toute l’énergie frénétique que le protagoniste met en œuvre pour évoluer au sein du cercle prestigieux des initiés est déployée au prix d’une perte irrémédiable de repères. Ce qui importe à ce marchand de talents plus ou moins développés n’est point la qualité intrinsèque de leur travail, mais leur profitabilité, chiffrée à la fois en argent et en gestes éphémères d’approbation de la part de ses collègues. En somme, la musique – comme d’ailleurs le cinéma – est un immense bizness de manipulation médiatique, une loterie aux variables sans cesse changeantes. Aussi nihiliste le constat du premier film de Owen Harris soit-il, il est toutefois transmis d’une façon particulièrement efficace et entraînante. L’excès et l’ironie ne connaissent pas de répit au sein d’un récit, où le plus rusé est roi, jusqu’au moment de se faire doubler par le prochain traître, comme le souligne si malicieusement le dénouement dans la lignée de Eve de Joseph L. Mankiewicz.

Un méchant flamboyant de plus

Comme le faisait Christian Bale il y a quinze ans, Nicholas Hoult se consacre corps et âme à son personnage impitoyable. Steven est certes loin de maîtriser tous les éléments de ses plans machiavéliques successifs. Mais ce qui caractérise avant tout un profiteur suprême est sa capacité d’adaptation même aux situations les plus défavorables. La surenchère dans la folie des coups bas, voire des écarts meurtriers, le sauve ainsi à plusieurs reprises, si ce n’est tout simplement le hasard le plus total qui fait que ses entreprises improbables sont couronnées de succès. D’un point de vue formel, cette descente aux enfers s’apparente à un trip hallucinogène, avec tout ce que cela implique de dispositifs peu légers. De la redondance de l’intrigue, écartelée en mille morceaux, résulte également la seule faiblesse du film. Avant lui, il y en a déjà eu des dizaines d’autres qui évoquaient avec la même bravoure narrative et la même noirceur de ton ce milieu, où les règles de conduite de la vie ordinaire n’ont plus cours. Difficile alors de se distinguer dans ce sous-genre des pourritures érigées en héros, qui met gaiement l’ordre et la morale sens dessus dessous. Kill your friends appartient sans l’ombre d’un doute à la catégorie de ces films iconoclastes, qui courent parfois le risque d’aller trop loin dans la dérision vaine.

Conclusion

L’une des fonctions du cinéma – et pas la moindre – est de permettre au spectateur de se défouler. Ce film britannique passe aisément maître dans ce domaine, grâce à son portrait d’un homme prêt à tout pour réussir, quitte à se mettre au dessus de la loi. La morale du film, si jamais il y en a une, n’a strictement rien d’édifiant. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’éprouve pas un certain plaisir par procuration de voir le champion de l’ambition au cœur de l’histoire foncer tête baissée. Or, les moments les plus réussis pourraient tout autant être ceux où le doute s’introduit chez Steven, quand il commence à perdre pied dans le jeu qu’il a lui-même si soigneusement truqué.

https://youtu.be/TLTtLE5PjJQ

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