Critique : Grand froid

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Grand froid

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Gérard Pautonnier
Scénario : Joël Egloff et Gérard Pautonnier, d’après un roman de Joël Egloff
Acteurs : Jean-Pierre Bacri, Arthur Dupont, Olivier Gourmet, Féodor Atkine
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h27
Genre : Comédie macabre
Date de sortie : 28 juin 2017

Note : 3/5

Quelle belle initiative de contre-programmation de la part du distributeur Diaphana de nous sortir un film avec le titre rafraîchissant Grand froid en plein été ! Quoi de plus agréable en effet que de s’enfuir de la canicule et des orages estivaux dans une salle de cinéma climatisée projetant cette comédie douce-amère, qui ne fait pas nécessairement froid dans le dos ! Le plus important dans le premier long-métrage de Gérard Pautonnier n’est de toute façon pas le décor plus ou moins naturellement enneigé, mais l’humour glacial qui saupoudre avec malice la bande de croque-morts maladroits, en route pour un enterrement mémorable. Le ton très sombre de ce portrait d’une profession au bout du rouleau, faute de cadavres à enterrer, ne vise pourtant guère l’excès macabre, plutôt domicilié du côté de certaines comédies britanniques du même genre, où les personnages tombent comme des mouches. Ici, c’est avant tout l’impuissance passablement risible des fossoyeurs malchanceux qui prime sur un rapport trop sérieux à la mort. La distribution sans faille participe gaiement à cette virée absurde en plein hiver, avec notamment Jean-Pierre Bacri dans un énième rôle taillé sur mesure, c’est-à-dire fort riche en coups de gueule à peine larvés et autres manifestations d’une fourberie attachante, car totalement tributaire d’une mélancolie profonde.

Synopsis : Rien ne va plus dans le commerce de pompes funèbres Edmond Zweck. Le patron et ses deux employés sont obligés de se tourner les pousses en attendant le prochain décès dans leur petite bourgade où le temps semble s’être arrêté. Alors que le chômage technique menace de plus en plus, les affaires reprennent soudainement quand une veuve charge l’entreprise d’organiser les obsèques de son mari. Tout va comme prévu, jusqu’à ce que le trajet en convoi vers le cimetière dans une commune voisine tourne au désastre.

Pleinement épanoui dans le corbillard

Une chose est sûre, personne ne rêve de devenir un jour pompe funèbre, un métier encore plus sinistre et haï que celui de dentiste, pour ne citer que notre propre hantise principale. Il faut pourtant des hommes en mesure d’accompagner dignement nos chers défunts sous terre, même si le quotidien dans la profession n’est sans doute pas aussi rocambolesque que ce film-ci veut nous le faire croire. La licence de la fiction, Gérard Pautonnier s’en sert avec discernement, afin de créer en toute liberté un petit microcosme presque pittoresque, hors du temps et des contraintes de la réalité. En effet, l’embarras économique mis à part, qui peut néanmoins se traduire par un vide existentiel préoccupant, les personnages du film s’adonnent à une oisiveté à peu de choses près aussi douillette que la fausse neige qui couvre la rue principale de leur ville anonyme. Or, la crainte de la faillite et de son acolyte déplaisant, le chômage, sert avant tout de prétexte pour quelques situations cocasses pendant la première moitié du film, là où l’impossibilité de mener la procession funéraire à bon port prendra plus tard la relève, avec encore davantage de répliques assassines et d’énormités hilarantes.

La mort, ce doux héritage

La pointe facile n’est pourtant pas le but exclusif du récit. Celui-ci œuvre au contraire sans relâche à ce que les personnages, aussi paumés soient-ils, préservent un minimum d’humanité. Les proies trop évidentes de la noirceur ambiante, telle la vieille dame qui squatte le magasin au lieu de tirer sa révérence, sont ainsi épargnées au profit de quelques retournements savoureux, dont le caractère exagéré sied parfaitement au ton à l’ironie acerbe. De cette suite de mésaventures joliment improbables découlerait presque une certaine légèreté, si les employés des pompes funèbres Georges et Eddy ne s’obstinaient à apporter la réponse la moins adaptée à chaque obstacle qui se dresse sur leur chemin nullement tranquille. Aux côtés du protagoniste par défaut que Bacri campe avec brio, d’autres perdants invétérés se font leur petite place à l’ombre, interprétés avec le même panache très peu ostentatoire par Olivier Gourmet, Arthur Dupont et un invité surprise, à plusieurs niveaux, en la personne de Féodor Atkine. Loin de nous l’idée de vouloir vous révéler le coup de théâtre qui se manigance autour de l’acteur au visage marquant. Par sa fragilité éminemment macabre, son personnage représente cependant à la perfection l’état d’esprit simultanément irrévérencieux et sympathique, qui distingue Grand froid des contes de profanateurs de sépultures comparables.

Conclusion

La gravité inhérente à la mort n’est pas de mise dans cette comédie plutôt loufoque, qui vit avant tout de la richesse de ses personnages, à mi-chemin entre la ringardise et la tragédie existentielle. Jean-Pierre Bacri et les autres s’en donnent en tout cas à cœur joie dans Grand froid, un premier film plutôt prometteur quant aux futurs projets de Gérard Pautonnier derrière la caméra.

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