Critique : Belleville Tokyo

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belleville-tokyo afficheBelleville Tokyo

France, 2011
Titre original : –
Réalisateur : Elise Girard
Scénario : Elise Girard, Isabelle Pandazopoulos
Acteurs : Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm, Philippe Nahon, Jean-Christophe Bouvet
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h15
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 1er juin 2011

Note : 3/5

Après La Reine des Pommes et deux courts-métrages (Manù et Madeleine et le Facteur) et avant La Guerre est déclarée, Jérémie Elkaïm et Valérie Donzelli étaient dirigés dans l’un des rares films dont ils sont les interprètes sans en être ni les auteurs ni les réalisateurs.

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Synopsis : Critique de cinéma, Julien largue sans ménagement sa compagne sur un quai de gare avant de s’échapper pour le Festival de Venise. Elle apprend peu après qu’elle attend un bébé. Entre un Belleville réel et un Tokyo inventé, l’histoire d’un couple qui se déchire et essaye vainement de se réconcilier dans le mensonge et la violence morale, dans un cadre cinéphilique.

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Une rupture inévitable, entre humour et noirceur

Les films écrits, interprétés et/ou réalisés ensemble par le duo de cinéma Donzelli/Elkaïm sont en bon équilibre entre tendresse et cruauté, humour et noirceur, originalité et inscription dans une certaine histoire d’un cinéma français décalé (Demy, Truffaut dans ses périodes les plus originaux…). Elise Girard capte cela dans son film qui passe avec réussite d’une tonalité à l’autre. Les personnages se déchirent, leur rupture est inévitable mais ils peinent à se quitter définitivement. Ils auront besoin de ressentir la fin de leur amour jusqu’à l’écoeurement pour se détacher l’un de l’autre pour de bon. Ce qui donnera des dialogues brillants sur l’état physique de la jeune femme mais qui font froid dans le dos : « t’as quoi dans le ventre ? » ou « c’est pas facile pour elle que tu sois enceinte » lorsque Julien évoque la rivale de son ex-femme.

En amoureux bien vil, Jérémie Elkaïm évite de n’être qu’un salaud. S’il n’est pas gâté par son portrait à charge et se révèle capable de dédicacer L’Innocent de Visconti à une femme enceinte alors qu’il s’agit de l’histoire d’un homme qui tente de tuer son enfant, on peut le comprendre humainement. Le regard que porte sa maîtresse sur lui ou son interprétation avec Valérie Donzelli de la chanson du film Anna de Pierre Grimblat, interprétée par Anna Karina, souvenir de leur amour en fin de parcours montre aussi que les sentiments entre eux ont été autrefois bien plus nobles. Mais les paroles de « Ne dis rien » (du Gaisnbourg rien de moins) peuvent être interprétés de diverses manières. Valérie Donzelli en jeune femme perdue, humiliée, trahie mais qui tente de sauver ce qui peut l’être jusqu’à l’absurde, est vraiment émouvante mais est aussi d’une grande drôlerie.

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Des patrons bien particuliers…

La réalisatrice Elise Girard a travaillé pendant des années comme attachée de presse notamment pour les cinémas Action, aux côtés de Jean-Max Causse et Jean-Marie Rodon. Elle s’est inspirée de sa propre vie pour illustrer cette histoire de couple bien noire mais les scènes avec le duo de distributeurs sont de pure comédie. Dans le rôle de ces deux patrons un peu légers de salles de cinéma pionniers dans leur genre, Philippe Nahon et Jean-Christophe Bouvet s’amusent en gentils vieux cons fans de western, qui n’hésitent pas à donner des leçons de virilité au vilain compagnon. Pas une des moindres qualités de ce film, la réalisatrice capte avec ces trois personnages deux types de cinéphilie : la leur un brin amateur, et la sienne à lui, capable de qualifier El Perdido de Robert Aldrich de «western crépusculaire» alors que l’un de ses aînés le résumé lui ainsi : «un western avec deux hommes qui se battent pour une femme», le tout avec regard lourd de sens face à l’indécis. Elise Girard n’oublie pas de montrer le travail de ces diffuseurs de classiques dans des scènes cocasses, comme celle de l’inondation, ou le discours autour de la programmation de La Nuit de l’Iguane de John Huston ou de L’Arrangement de Elia Kazan. Dans le rôle de la mère de la jeune femme, Dominique Cabrera a droit à une des meilleurs répliques du film. Son « C’est un mongol ? » qui sort de nulle part surprend d’abord et suscite enfin un rire gêné mais jubilatoire.

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Conclusion

Un film au ton presque badin mais d’une vraie violence morale et physique, parfois plombante. La réalisatrice capte une violence en mots rarement montrée avec autant d’intensité, portée par la grâce de son attachant duo dont le film là aussi très personnel La Guerre est déclarée fut présenté avec succès à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes peu avant la sortie de ce film qui passé alors hélas trop inaperçu. À ne pas confondre avec Shanghaï Belleville (critique) qui sort en salles ce mercredi 30 décembre !

https://youtu.be/u_mQDxJvtxc

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