Cannes 2014 : Jimmy’s hall

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Grande-Bretagne : 2014
Titre original : Jimmy’s hall
Réalisateur : Ken Loach
Scénario : Paul Laverty
Acteurs : Barry Ward, Jim Norton, Brian F.O’Byrne
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h46
Genre : Drame, Biopic
Date de sortie : 2 juillet 2014

Note : 3/5

Cannes connaît et reconnaît Ken Loach depuis plus de trente ans. Avec ses douze participations en compétition officielle (et quelques autres hors-compétition ou en sections parallèles), il détient le record toutes catégories de participations avec une Palme d’or pour couronner son œuvre avec Le Vent se lève en 2006 ainsi que trois prix du jury pour Hidden Agenda, Raining Stones et La Part des anges.

Synopsis : 1932 – Après un exil de 10 ans aux États-Unis, Jimmy Gralton rentre au pays pour aider sa mère à s’occuper de la ferme familiale. L’Irlande qu’il retrouve, une dizaine d’années après la guerre civile, s’est dotée d’un nouveau gouvernement. Tous les espoirs sont permis… Suite aux sollicitations des jeunes du Comté de Leitrim, Jimmy, malgré sa réticence à provoquer ses vieux ennemis comme l’Eglise ou les propriétaires terriens, décide de rouvrir le « Hall », un foyer ouvert à tous où l’on se retrouve pour danser, étudier, ou discuter. À nouveau, le succès est immédiat. Mais l’influence grandissante de Jimmy et ses idées progressistes ne sont toujours pas du goût de tout le monde au village. Les tensions refont surface.

Jimmys Hall

Un héros de son temps

Depuis Carla’s song, son scénariste attitré est Paul Laverty. C’est ce dernier qui lui a soufflé l’idée de ce nouveau projet, annoncé comme son dernier, au moins dans le registre de la fiction. Il évoque le parcours de James Gralton, militant communiste contraint à l’exil en 1922 et qui ne reviendra que dix ans plus tard avant d’être définitivement déporté d’Angleterre pour le punir de son engagement politique. Un tel cas d’exil, sans procès, est unique dans l’histoire du pays. Le scénario s’ouvre sur son retour auprès de sa mère qui reste sa seule famille. Cette paysanne est inquiète pour son fils mais fière de lui, allant jusqu’à le protéger d’amusante façon dans une scène comique face à des policiers pas très malins. Pour son premier rôle à l’écran, Eileen Henry marque les esprits en pimpante mère courage.

Les habitants de Leitrim vont accueillir avec enthousiasme l’enfant du pays et l’encourager vivement à rouvrir le dancing hall abandonné depuis sa fuite pour les Etats-Unis. Le lieu va agir comme une réminiscence d’une belle époque révolue mais cette pause dans la violence ne sera que de brève durée. Cet air frais qui aurait pu réunir les esprits échaudés sera dompté par un prêtre anticommuniste et un milicien de l’aile droite de l’IRA, symboles des diverses pressions du joug anglais.

Dans un récit qui relève de la succession de vignettes, du retour du fils prodigue à son départ annoncé et définitif pour son pays d’adoption, Ken Loach saisit ses derniers moments dans son pays de naissance et ses diverses luttes contre l’oppresseur anglais, les milices de l’IRA et les autorités religieuses. Il dénonce un régime qui piétine la démocratie et ne respecte pas les lois. Le fond est sérieux même si l’esprit de ce conte politique est joyeux et musical. Les séquences dans le dancing hall sont enjouées, loin des errements de la guerre civile fratricide. La répression engendre la haine et à son modeste niveau, Jimmy Gralton est montré comme agissant pour le bien de sa communauté.

Jimmys Hall

Let Ken Loach be Ken Loach

Dire de Ken Loach qu’il fait du Ken Loach est un procès réducteur. À l’exception de son scénariste et de lui-même, qui aurait pu se soucier de réhabiliter un communiste mort à la fin de la Seconde Guerre Mondiale ? Si l’on peut regretter une forme qui ne détonne pas son parcours trop calibré, cette œuvre est celle d’un historien éclairé et d’un homme engagé, plus que d’un inventeur de forme. Sa mise en scène est plus sage que celles de Jean-Luc Godard cette année avec Adieu au langage ou Alain Cavalier en 2011 avec Pater mais son but n’est pas de bouleverser le langage du cinéma. Le style est classique, il n’en est pas pour autant académique avec quelques beaux effets de couleur presque monochromes avec le bleu qui illustre la nuit, le vert des plans larges de paysages de campagne ou les tonalités chaudes et jaunes des scènes de fête dans le dancing. Les lumières et les cadres de Robbie Ryan, son nouveau directeur de la photographie depuis le précédent (après avoir oeuvré pour Andrea Arnold) possèdent un charme et une délicatesse adaptés à la tonalité presque légère.

Jimmys Hall

La performance de Barry Ward est presque neutre. Pas d’effets de manche mais une mesure dans son jeu qui permet à Ken Loach d’asséner un discours proche de l’hagiographie. Rien ne vient ternir l’image de Gralton : c’est un héros de son temps. Et pourquoi en serait-il autrement ? Il s’agit de rendre hommage à une personnalité injustement traquée et détruite, ce à quoi s’emploient Loach et Laverty, mais rendre un long-métrage vivace avec un protagoniste avec aussi peu d’aspérités n’est pas facile, il est hélas loin de réussir son pari malgré de vraies qualités humaines. Face à lui deux adversaires terribles : Jim Norton en prêtre obtus et politisé, en guerre contre les communistes, contre les athées, les jeunes qui veulent s’amuser. Homme d’un autre temps, il est inquiet de la ‘ losangelisation ‘ des esprits qu’il redoute avec l’arrivée tonitruante de ce rival inattendu dans le cœur et l’esprit de ses paroissiens. Il harangue les foules, incite à la haine, oubliant là sa vocation de serviteur de dieu. Faisant parfois preuve de bon sens, il reste le porte-paroles d’un groupe réactionnaire mais qui sera remis en question par son adversaire et par le jeune prêtre qu’il doit former pour sa succession. L’autre ‘ennemi’ est un extrêmiste proche de l’IRA, campé par Bryan F. O’Byrne qui arbore une moustache symbole d’autorité et qu’il porte aussi fièrement chez John Boorman dans Queen and Country (Quinzaine des Réalisateurs).

 

Jimmys Hall

 

Résumé

Avec ce drame historique qui pourrait devenir son chant du cygne, Ken Loach ne prend guère de risques dans sa foisonnante filmographie. Si la relative apathie de son style nuit parfois à la passion qu’il a pour son sujet, il reste le seul cinéaste anglais à s’intéresser à l’histoire passée et présente de son pays par le prisme de son engagement ancré à gauche, voire à l’extrême gauche. Ce qui lui permet de conserver un avantage sur la litanie de films historiques (faussement) neutres.

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