Critique : Winter’s bone

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Winter’s bone

Etats-Unis, 2010
Titre original : Winter’s bone
Réalisateur : Debra Granik
Scénario : Debra Granik & Anne Rosellini, d’après le roman de Daniel Woodrell
Acteurs : Jennifer Lawrence, John Hawkes, Kevin Breznahan
Distribution : Pretty Pictures
Durée : 1h40
Genre : Thriller
Date de sortie : 2 mars 2011

Note : 3,5/5

C’est ainsi que tout a commencé … Il y a cinq ans, l’actrice Jennifer Lawrence était encore largement inconnue. Elle avait certes tenu un second rôle dans Loin de la terre brûlée de Guillermo Arriaga en 2009, mais rien ne laissait alors présager qu’elle allait devenir dans si peu de temps la reine du box-office, grâce aux univers de Hunger games et des X-men, ainsi que la reine des Oscars à travers sa collaboration avec le réalisateur David O. Russell. Ce parcours fulgurant pourrait faire oublier ses débuts modestes. Sauf que Winter’s bone n’a rien d’une œuvre mineure, qui devrait se cacher derrière l’éclat de ses blockbusters ultérieurs au succès commercial impressionnant. Il s’agit au contraire d’un thriller à l’intensité jamais prise en défaut, qui offre une image des Etats-Unis, à la valeur folklorique nullement valorisante, comme on en voit peu souvent et en tout cas jamais dans des films qui vont jusqu’à concourir pour la récompense suprême de Hollywood. Quant à Lawrence, elle y livre son interprétation la plus naturelle et saisissante, celle d’une jeune adulte qui doit prématurément assumer son rôle de chef de famille.

Synopsis : A 17 ans, Ree Dolly est déjà en charge de son frère et de sa sœur. Elle vit avec eux et sa mère, incapable de prendre soin d’elle-même, dans un maison délabrée dans la forêt des Ozarks. Ce minimum de confort de vie, elle risque pourtant de le perdre, lorsque son père Jessup sort de prison sous caution. Comme il est peu probable qu’il se présente à son procès quelques jours plus tard, ce qui entraînerait la saisie de la propriété des Dolly, Ree part à sa recherche auprès des membres de la famille éloignée dans les forêts du Missouri. Malgré son courage et sa persévérance, elle se heurte à un mur du silence infranchissable.

Bienvenue chez les ploucs

Il y a des régions sur le continent américain dans lesquelles les caméras de cinéma ne s’aventurent que très rarement. Tous ces paysages guère susceptibles de prolonger le mythe du rêve américain sont d’office exclus du champ visuel. Au mieux, ils servent d’arrière-plan glauque et terrifiant aux films d’horreur, qui tirent justement leur capital de frayeur de ces contrées abandonnées à leur sort. Winter’s bone a élu domicile dans l’un de ces cadres de vie imperméables à l’hospitalité sous quelque forme que ce soit. Il ne le fait pas dans une optique d’opportunisme, histoire de bien exploiter la culture déclassée de ces pequenauds rustres, mais au contraire pour créer le climat authentique d’un environnement social en parfaite symbiose avec les enjeux de l’intrigue. Si Ree doit se battre avec autant de ténacité, ce n’est pas parce qu’elle serait face à des criminels aux méthodes finement machiavéliques. Non, ce qui complique sa tâche, au point de rendre presque accessoires les détails policiers du scénario, c’est un état d’esprit typiquement provincial, fait de méfiance et de sectarisme, comme on n’en voit hélas pratiquement plus au cinéma, avant tout empressé de nos jours à cultiver un degré universel d’accessibilité.

Une étoile est née

De ce réalisme misérable, mais jamais misérabiliste, éclot une interprétation remarquablement charnue, le genre de tour de force sur lequel s’appuierait une carrière brillante, s’il avait eu lieu dans un film plus fringant que Winter’s bone. La consécration commerciale allait se manifester quelques mois plus tard pour Jennifer Lawrence. Néanmoins, à toutes ces héroïnes caricaturales, Katniss Everdeen, Mystique et les autres, nous préférons largement la lutte féroce de Ree Dolly pour le maintien de la dignité minimale de sa famille. Dans ce rôle a priori difficile d’approche, l’actrice excelle grâce à sa capacité instinctive de balancer entre l’enfant apeurée et l’adulte précoce. Bien que le récit ne lui aménage réellement qu’une seule séquence où elle peut baisser la garde, quand elle demande en pleurs conseil à sa mère mentalement absente, son jeu se distingue par une fragilité implicite, qui en fait le portrait passionnant d’une femme intérieurement forte, car consciente de ses faiblesses. Dans sa lutte constante dans un monde de fauves, elle est assistée ou contrariée par les interprétations tout aussi remarquables de John Hawkes en oncle imprévisible et de Dale Dickey en matrone acariâtre.

Conclusion

Le statut de son actrice principale a changé du tout au tout depuis la sortie de Winter’s bone il y a cinq ans. La qualité intrinsèque du film de Debra Granik reste cependant inchangée, à savoir un thriller plutôt atypique, intense et dense, qui fait de l’authenticité de ses interprétations et du milieu rural qu’il décrit son principal atout. Dommage alors, que – contrairement à la surexposition de Jennifer Lawrence, vedette planétaire – nous n’avons plus rien vu de cette réalisatrice prometteuse sur les écrans français, ni un autre film autant en phase avec un univers presque criminellement sous-représenté au cinéma !

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