Test DVD : Le pont de Remagen

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 Le pont de Remagen

États-Unis : 1969
Titre original : The Bridge at Remagen
Réalisation : John Guillermin
Scénario : Roger Hirson, William Roberts, Richard Yates
Interprètes : George Segal, Robert Vaughn, Ben Gazzara
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h52
Genre : Guerre
Date de sortie cinéma : 19 novembre 1969
Date de sortie DVD/BR : 15 avril 2021

 

En 1945, le pont Ludendorff à Remagen demeure le dernier ouvrage d’art intact sur le Rhin. Les Américains projettent de s’en emparer, car c’est la voie la plus rapide pour que les troupes américaines arrivent à Berlin avant les russes…

Le film

[4/5]

Lorsque, chaque 6 juin, on fête l’anniversaire du débarquement allié en Normandie, on oublie trop souvent qu’à la date du 6 juin 1944, la 2ème guerre mondiale n’était pas encore terminée et que, jusqu’au 8 mai 1945, date de la capitulation de l’Allemagne, et même jusqu’au 2 septembre 1945, date de la capitulation du Japon, les combats se sont poursuivis et le nombre des victimes a continué de croitre. Même si, avec le recul, on peut penser que, dès la deuxième moitié de 1944, la défaite de l’Allemagne était inéluctable, il n’empêche qu’Hitler croyait toujours en la victoire et les forces armées germaniques continuaient de s’opposer à l’avancée des forces alliées dans le territoire allemand. Autre donnée, l’après guerre commençait à se dessiner et, bien qu’alliés, les américains et les soviétiques n’en avaient pas la même conception. Dans ce contexte, arriver les premiers à Berlin était un enjeu important ! Après la bataille des Ardennes, les troupes alliées étaient toujours contenues à l’ouest du Rhin. La traversée du fleuve était cruciale pour les américains et le pont Ludendorff, au niveau de la ville de Remagen, à quelques kilomètres en amont de Bonn, était le dernier pont intact permettant de le franchir. C’est l’histoire de ce qui s’est passé autour de ce pont, au début du mois de mars 1945, que raconte avec une certaine fidélité le film de John Guillermin.

On pourrait imaginer que les allemands avaient tout intérêt à détruire ce pont avant l’arrivée des forces alliées. Les choses n’étaient pas si simples car 75 000 hommes de troupe allemands, rescapés de la 15ème armée, étaient toujours sur la rive gauche du Rhin, avec l’espoir de pouvoir se replier vers l’est en empruntant ce pont. Toutefois, pour Hitler, le plus important était de freiner l’avancée des forces alliées : il a donc ordonné que le pont soit dynamité le plus tôt possible et tant pis si 75 000 soldats allemands se retrouvaient pris au piège. Suivre cet ordre ou ne pas le suivre, les officiers sur place n’étaient pas tous d’accord pour l’exécuter au plus vite, l’espoir, pour certains, étant de sauver des milliers de soldats allemands avant de procéder au dynamitage. Dans le camp américain, on ne peut pas dire non plus que régnait une entente sereine et totale : les troupes étaient exténuées et certains officiers n’en tenaient absolument pas compte, au point qu’un lieutenant, plus conscient de ce que vivaient les hommes qu’il commandait, en est arrivé à s’opposer à un commandant.

Le pont de Remagen est un film de guerre américain, et, à ce titre, il présente certains défauts malheureusement habituels dans ce genre de production, comme le fait qu’allemands et américains s’expriment dans la même langue (devinez laquelle !). Par contre, sur plusieurs points, il est différent de la grande majorité des productions appartenant à cette famille particulière. Il faut dire que John Guillermin, le réalisateur, n’était pas américain, il était britannique. Un britannique un peu particulier, en plus, car s’il était né et avait été élevé en Angleterre, ses parents étaient français : comme il le dit lui-même, « I have a British passport but actually I’m a bloody Frog », « J’ai un passeport britannique mais, en fait, je suis un foutu français » ! On a donc droit, avec lui, à la peinture d’une guerre dans laquelle les belligérants, d’un côté comme de l’autre, sont au bout du rouleau, dans laquelle les plus hauts gradés, d’un côté comme de l’autre, sont souvent montrés comme incompétents et bornés, dans laquelle des actes qui seraient montrés comme étant héroïques dans d’autres films sont montrés ici comme inutiles et/ou stupides, et, également, à une peinture beaucoup moins manichéenne que d’habitude de ce qui se passe côté allemand et côté américain. C’est ainsi que, côté allemand, le film montre le conseiller chargé de la défense civile de Remagen considérer que Hitler a été une tragédie pour l’Allemagne alors que, côté américain, on est témoin du comportement d’un sergent, par ailleurs fort sympathique, dont le passe temps favori consiste à détrousser les cadavres.

Le tournage de Le pont de Remagen a été tellement mouvementé qu’il pourrait faire l’objet d’un film dans la veine mélangeant le comique et le dramatique d’un No man’s land. En effet, l’Allemagne de l’ouest avait refusé que le tournage ait lieu à Remagen à cause du trafic fluvial sur le Rhin et, en plus, les coups de production étaient beaucoup moins élevés en Europe de l’est, un tournage en Tchécoslovaquie permettant une économie comprise entre un et deux millions de livres. L’équipe de John Guillermin s’est donc installée à Davle, au bord de la rivière Vltava, à une vingtaine de kilomètres de Prague. Quant aux scènes censées se dérouler dans la ville de Remagen, il a été décidé de les tourner à Most, une ville dont la démolition avait été décidée afin de permettre l’exploitation d’un gisement de lignite récemment découvert : une aubaine pour la réalisation du film car cela permettait d’obtenir des images de destructions de bâtiments criantes de vérité. Les premières prises de vue ont eu lieu le 6 juin 1968, alors que les événements qu’on a coutume d’appeler le Printemps de Prague avaient déjà commencé. Ce tournage impliquait la présence de matériels militaires américains et allemands datant de la Deuxième Guerre mondiale à quelques kilomètres de Prague ainsi que celle de comédiens et de figurants portant des uniformes américains ou allemands. Il n’en fallait pas plus pour que ces conditions de tournage viennent fournir une excuse supplémentaire justifiant l’invasion de la Tchécoslovaquie par les forces du Pacte de Varsovie : ces présences ne sont elles pas la preuve d’une aide militaire américaine et allemande (de l’ouest) apportée aux dirigeants tchèques ? Toujours est-il que, dans la nuit du mardi 20 au mercredi , les forces armées de cinq des sept pays du Pacte de Varsovie (l’URSS, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne et la RDA) ont envahi la Tchécoslovaquie. Les russes prétendant que des espions américains faisaient partie de l’équipe du film, celle ci a dû quitter la Tchécoslovaquie alors que seulement les 2/3 du tournage avaient été réalisés. C’est à Hambourg et au bord du lac de Castel Gandolfo, en Italie, que le tournage a pu être repris, l’invasion se traduisant par un coût supplémentaire de 1.5 million de dollars. Ajoutons que le producteur du film avait pris la précaution de prendre une assurance couvrant les invasions mais que la compagnie d’assurance a rechigné à honorer le contrat, prétextant qu’il n’y avait pas eu d’invasion, les russes ayant été, d’après elle, « invités » par les tchécoslovaques !

Dans ce film dans lequel John Guillermin n’arrête pas de passer d’un « camp » à l’autre, il n’a pas été fait appel à de très grandes vedettes hollywoodiennes : leur âge n’aurait pas correspondu à celui des véritables protagonistes. On retrouve toutefois un casting très solide comprenant des comédiens certes confirmés, mais plutôt jeunes. Malgré tout, George Segal, l’interprète du rôle du Lieutenant Phil Hartman avait, au moment du tournage, 10 ans de plus que le Lieutenant Karl Timmermann, véritable nom du protagoniste (les noms ont été changés afin d’éviter d’éventuelles poursuites légales), au moment des faits. Par contre, Robert Vaughn, l’interprète du Major Paul Kreuger, et Ben Gazzara, celui du sergent Angelo, avaient, au moment du tournage, à peu près le même âge que le Major Hans Sheller et le sergent Alexander Drabik, leurs modèles, au moment des faits. Quant aux images, on les doit au grand Directeur de la photographie Stanley Cortez, à qui on doit, entre autres, la photographie de La splendeur des Amberson d’Orson Welles et de La nuit du chasseur de Charles Laughton.

Le DVD

[3/5]

Cette fois ci, Rimini Editions n’a pas choisi de sortir Le pont de Remagen en combo DVD/BR : l’éditeur sort, le même jour, un DVD et un Blu-ray. Concernant le Blu-ray, le film est proposé pour la première fois dans un nouveau master « haute définition ». L’image du DVD est correcte, avec toutefois un manque de contraste dans les scènes nocturnes. Le film peut être vu en version française ou en version originale, avec ou sans sous-titrage. J’ai dû pour une fois me résoudre à regarder le film en version française, l’exemplaire du DVD dont je disposais donnant à la place de la version originale une version française, décalée en plus d’une dizaine de secondes avec les images. Ce défaut important devrait être corrigé dans les exemplaires commerciaux. Curieusement, la peine ne s’est pas révélée gravissime : les allemands parlant la même langue que les américains, la crédibilité de l’histoire est à peu près la même que cette langue soit le français ou l’anglais. Il faut reconnaître, en plus, que les doublages en français d’il y a un demi-siècle étaient d’une toute autre qualité que ceux qu’on entend aujourd’hui, dans lesquels les intonations sont les mêmes quel que soit le sujet, quelle que soit la langue d’origine. Et puis, cela permet d’entendre une des rares protagonistes féminines du film dire en français qu’elle est polonaise alors que, d’après le sous-titrage, elle est française. Reste à savoir quelle est sa nationalité dans la version originale !

Les mêmes suppléments sont présents sur ou avec le DVD et le Blu-ray : un film de 9 minutes, intitulé 1945, La bataille de Remagen, réalisé par Stéphane Chevalier pour Rimini Editions et qui donne un maximum de précisions sur ce qui s’est passé à Remagen au début du mois de mars 1945. Et, accompagnant les galettes dans le boitier, un livret de 24 pages réalisé avec la collaboration de Mary Guillermin, l’épouse du réalisateur, agrémenté de nombreuses photos et donnant de nombreux détails sur l’épopée du tournage ainsi que sur l’œuvre de John Guillermin.

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