Test DVD : L’Antéchrist

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L’antéchrist

Italie : 1974
Titre original : L’anticristo
Réalisateur : Alberto De Martino
Scénario : Gianfranco Clerici, Vincenzo Mannino
Acteurs : Carla Gravina, Mel Ferrer, Arthur Kennedy
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h47
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 11 juin 1975
Date de sortie DVD : 5 avril 2016

Suite à un accident de voiture dans lequel sa mère a trouvé la mort, Ippolita demeure paralysée des jambes. Afin de recouvrer sa mobilité, elle se rend dans un sanctuaire célèbre pour les grâces qu’on y obtient et assiste au suicide d’un homme semblant possédé. Une séance d’hypnose révèle en elle la présence de l’esprit d’une ancêtre condamnée au bûcher pour sorcellerie. Petit à petit, le démon s’empare d’elle, la transformant en une femme débordante de désir sexuel et de violence. Ippolita devra expier sa luxure et ses désirs morbides lors d’un exorcisme…

Le film

[3,5/5]

A cette question faussement innocente posée par sa femme, Francis Courtecuisse s’était raidi, comme piqué au vif. « Alberto De Martino ? Bien sûr que je connais Alberto De Martino. Le mec, c’est un des plus grands artisans du Bis avec un grand B, au même titre que Margheriti ou Lenzi. T’es folle, tout le monde connait Alberto De Martino. On lui doit par exemple L’antéchrist et, heu… Plein d’autres films. » Francis Courtecuisse était nerveux. Pire : il était fébrile, et sentait monter en lui l’animal de feu. La garce se dit-il, elle a réussi à m’avoir. De Martino, De Martino, putain de merde, mais je ne connais que lui… Qu’a-t-il réalisé d’autre ? Elle avait réussi à l’avoir. L’animal de feu se tenait derrière ses omoplates maintenant, prêt à bondir : Francis sentait son souffle chaud, sa présence dangereuse mais également étrangement rassurante. A la vue du petit sourire qui se dessinait lentement sur les lèvres de son épouse, Francis n’y tint plus : il se saisit de la longue lame posée sur la table qui l’appelait de sa voix suraigüe et darda le corps de Catherine Courtecuisse, née Boniface, de 18 coups de couteau avant de retourner son arme contre lui.

Ce fait divers s’étant déroulé en avril 2014 dans la banlieue de Dijon soulève une interrogation intéressante : Pourquoi donc le nom d’Alberto De Martino a-t-il tant imprimé le cerveau reptilien de l’amateur de bis ? Les équipes de critique-film.fr mènent l’enquête…

Hypothèse n° 1 : Le nom d’Alberto De Martino est célèbre grâce à sa filmographie en tant que réalisateur. Cependant, un rapide survol de sa carrière sur IMDb nous fera rapidement nous rendre compte que cette dernière ne brille finalement guère par sa quantité : 28 films en l’espace de 24 ans, on est loin du rendement des plus grands stakhanovistes de la péloche des années 60/70. Et côté qualité, on notera bien quelques sympathiques péplums et le très agréable et méconnu Manoir de la terreur, mais rien de réellement transcendant si l’on excepte L’antéchrist.

Hypothèse n° 2 : Le nom d’Alberto De Martino est célèbre grâce à la sonorité si « italienne » de son patronyme, qui rappelle évidemment aussi celui de Sergio Martino (Le grand alligator). Mais il faut aussi admettre que des noms tels que ceux de Guido et Maurizio De Angelis, de Dino De Laurentiis ou encore de Lucio De Fulci ont des sonorités qui « chantent » à nos oreilles, respirent bon l’air romain et la pizza quatre fromages, et qui de fait marquent sans nul doute d’avantage la mémoire que des noms falots et tristes tels que « Christian Clavier » ou « Xavier Dolan ».

Hypothèse n° 3 : Le nom d’Alberto De Martino est célèbre grâce à l’aura inaltérable et quasi-mythique de son film le plus connu, L’antéchrist, que nous propose aujourd’hui en DVD l’excellent éditeur Le chat qui fume. Réponse italienne à L’exorciste de William Friedkin tourné l’année précédente, le film d’Alberto De Martino a su marquer durablement les mémoires, sûrement grâce à une poignée de scènes-choc (l’héroïne lèche le cul d’un bouc, c’est dire si Satan l’habite !) et à la superbe photo du film, signée Joe d’Amato.

Côté scénario, L’antéchrist est plus ou moins un « décalque » de celui du film de Friedkin ; cependant, on notera tout de même que les plus belles séquences du film se révèlent en fait nées d’idées inédites, telles que les scènes mettant en scène la sorcière (son procès est un modèle de photo et de mise en scène) et la messe noire tournant autour d’elle. Pour le reste, on reste en terrain très connu, avec les habituelles les crises d’hystérie nous proposant leur florilège de blasphèmes pas piqués des hannetons, les jets de dégueulis vert fluo (mais qu’ont donc avalé ces possédés du diable ? Du Tang ?), la tête qui tourne à 180 degrés (à la différence près que cela ne se produit pas sur l’héroïne mais sur une de ses victimes), les jeux de langues, les yeux révulsés, la lévitation, le prêtre défroqué… On admettra bien sûr que les effets spéciaux de L’antéchrist ont pour le moins vieilli ; mais pour tout dire, ils ajoutent peu au charme général de l’entreprise, qui tire habilement parti de chaque scène, mais également de chaque parcelle de décor afin de proposer un rendu visuel qui restera à coup sûr dans toutes les mémoires. Ainsi se souviendra-t-on probablement longtemps des passages mettant en scène la sorcière, ou encore du final prenant place au Colisée de Rome sous une pluie battante (si battante en avait on l’appellerait mon oncle).

Outre son côté baroque et excessif, les fans de bis apprécieront sas doute également le casting du film, allant de Carla Gravina (aperçue dans Big guns – Les grands fusils de Duccio Tessari) à Mel Ferrer (L’avion de l’apocalypse) en passant par Alida Valli (Suspiria) ou encore l’habituée du giallo Anita Strindberg (Le venin de la peur, La queue du scorpion, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé…). Côté musique, le score du film signé Ennio Morricone et de Bruno Nicolai alterne les passages calmes et les stridences suraiguës, ce qui accentue naturellement l’idée de schizophrénie au cœur même du métrage. Au final, L’antéchrist est donc une agréable curiosité, torchée avec un certain savoir-faire par Alberto De Martino ; il est donc logique que l’on ne retienne de sa filmographie au final que ce film. Blague à part, l’honnêteté me force tout de même à admettre qu’on se rappelle également de son nom accolé aux sympathiques films que sont Le manoir de la terreur (épouvante gothique dans le plus pur style de Mario Bava) ou encore Holocauste 2000, resucée de La malédiction de Richard Donner avec un Kirk Douglas qui cachetonne.

Le DVD

[5/5]

On l’a déjà dit un peu plus haut, L’antéchrist débarque en DVD sous les couleurs du Chat qui fume, qui n’a pas volé son titre de « meilleur éditeur français 2016 » décerné à l’unanimité par un panel de spécialistes composé uniquement de moi-même. Comme d’habitude, l’image est stable et proposée au format respecté, la copie est présentée en version intégrale et l’ensemble affiche réellement une très bonne tenue, surtout si l’on prend en compte l’âge avancé du film, et sa nature de film « bis », dont la préservation n’est jamais chaud zézé. Côté son, l’éditeur nous propose un Dolby Digital mono d’origine clair et dynamique en VO italienne, version anglaise et VF d’époque. On notera bien sûr que les scènes inédites au montage français sont présentées en VO sous-titrée.

Du côté des suppléments, Le chat qui fume fait à nouveau très fort, avec outre les habituelles bandes-annonces une série d’entretiens qui démontrent bien l’apport éditorial exceptionnel qu’assure l’éditeur à chacune de ses nouvelles sorties. On commencera donc avec deux présentations / analyses du film, signées David Didelot (Videotopsie) et Christophe Gans (Starfix) qui évoquent chacun dans leur genre la trajectoire de cinéaste d’Alberto De Martino et la place de L’antéchrist dans sa filmographie. Un entretien avec Adolfo Troiani (assistant de Joe D’Amato sur le film) fait place à une passionnante série d’anecdotes et de souvenirs de tournage, en revenant notamment sur la conception des effets spéciaux. On continuera avec un nouvel entretien avec Christophe Gans portant cette fois sur la musique du film composée par Ennio Morricone et Bruno Nicolai. Enfin, un courts générique alternatif ferme le bal.

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On notera pour terminer le soin apporté par Le chat qui fume au packaging de ses DVD : présenté dans un digipack slim à trois volets, le DVD s’offre une maquette très réussie, et se verra accompagné, pour ceux qui l’auront pré-commandé sur le site de l’éditeur, d’un superbe livret de 26 pages proposant des reproductions d’affiches et diverses photos d’exploitation du film, rares et indispensables pour tous les amoureux du bis.

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