Test DVD : Eté 85

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Eté 85

France : 2020
Titre original : –
Réalisation : François Ozon
Scénario : François Ozon d’après un roman d’Aidan Chambers
Interprètes : Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge
Éditeur : Diaphana Edition Vidéo
Durée : 1h36
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 14 juillet 2020
Date des sorties DVD, BR et VOD : 17 novembre 2020

L’été de ses 16 ans, Alexis, lors d’une sortie en mer sur la côte normande, est sauvé héroïquement du naufrage par David, 18 ans. Alexis vient de rencontrer l’ami de ses rêves. Mais le rêve durera-t-il plus qu’un été ? L’été 85…

Le film

[3.5/5]

Quel crime a bien pu commettre Alexis en ce mois de juillet 1985, au Tréport ? On l’entend en voix off qui évoque sa fascination pour la mort alors que, menotté, il est conduit par un gendarme vers un jugement dans un tribunal de grande instance. Alexis, ou, plutôt Alex, s’adressant à la caméra, parle de cadavre, d’une histoire à raconter, l’histoire de quelqu’un qui est devenu un cadavre, le spectateur étant prié de « laisser tomber » s’il n’a pas envie d’entendre cette histoire. Beau filou, François Ozon, car à partir de maintenant, il va faire en sorte de titiller l’imagination des spectateurs en interrompant régulièrement le récit d’un amour estival entre 2 garçons, Alex 16 ans et David, 18 ans, par des « pastilles » plus ou moins courtes mettant en scène Alex, ses parents, une éducatrice, la police, le professeur de français d’Alex, la mère de David, et qui se déroulent postérieurement à un évènement qu’on devine être grave mais sans savoir, pendant très longtemps, de quoi il s’agit. Un évènement grave ? Rappelons juste qu’en anglais le mot « grave » signifie « grave » si c’est un adjectif et « tombe » si c’est un nom et que le roman de Aiden Chambers dont le film est l’adaptation a pour titre « Dance on my grave » (Danse sur ma tombe, promesse que se sont faite Alex et David : le survivant ira danser sur la tombe du premier qui aura disparu).

Commencé par le dessalage du petit voilier avec lequel Alex est parti seul en mer et le sauvetage effectué par David, le récit se prolonge par la peinture de la relation amoureuse qui se noue entre Alex qui, avec la naïveté de son jeune âge, la prend totalement au sérieux et David qui, lui, la prend de façon cynique et dont on sent qu’elle ne représente qu’une parenthèse dans son existence. Une parenthèse qui peut d’ailleurs, très vite, être enrichie par une relation avec Kate, une jeune anglaise au pair que David lui a présenté. Alors qu’Alex est le rejeton d’une famille ouvrière, David a des parents appartenant à la petite bourgeoisie commerçante. « Avait » plutôt que « a » car son père est mort récemment et, quand il ne passe pas son temps à bruler sa vie d’une façon ou d’une autre, il s’occupe avec sa mère à maintenir à flot la boutique familiale. De façon presque caricaturale, les mères d’Alex et de David sont aux antipodes l’une de l’autre, celle d’Alex pleine d’attention pour son fils même quand son comportement la surprend, celle de David, une mère juive extravertie, n’hésitant pas, dès la prise de contact avec lui, à déshabiller elle-même Alex pour le mettre sous la douche après son bain forcé du début et à proférer une remarque élogieuse quant à la taille de ses attributs.

François Ozon avait 17 ans quand il a lu « La danse du coucou », la traduction en français du livre d’Aidan Chambers. A l’époque, cette description de l’adolescence était loin de l’avoir laissé insensible et il imaginait même, alors que, déjà, il réalisait des courts métrages en super 8 en faisant jouer des membres de sa famille, faire l’adaptation de ce roman lorsqu’il réaliserait son premier long métrage. Ce ne fut pas le cas, mais, ayant relu « La danse du coucou » après la réalisation de Grâce à Dieu, il s’est aperçu que, d’une manière inconsciente, il avait saupoudré sa filmographie d’éléments en provenance de ce livre : la relation avec un professeur dans Dans la maison, la scène dans un cimetière dans Frantz, celle de la morgue dans Sous le sable, le travestissement dans Une nouvelle amie. Il a ressenti alors l’envie, voire le besoin, de réaliser enfin l’adaptation de ce roman, envisagée 35 ans plus tôt. François Ozon a tenu à ce que cette période des années 80 soit montrée de façon réaliste tout en étant idéalisée. Il précise : « jai vraiment fait le film en pensant au spectateur que j’étais, au film que j’aurais aimé voir à cette époque ».

Pour être encore plus proche du cinéma de cette époque, pour retrouver la particularité du grain,  François Ozon et Hichame Alaouie, son Directeur de la photographie, ont choisi de tourner la plus grande partie du film en pellicule super 16, seules les scènes de nuit en extérieur ayant été tournées en numérique. Quant à la bande-son, François Ozon l’a concoctée à partir des albums qu’il écoutait à l’époque, une bande-son années 80 tout à fait personnelle. Petite anecdote : François Ozon tenait absolument à inclure la chanson « In Between Days » des Cure dans cette bande-son. Le film avait alors pour titre Eté 84 et lorsqu’on a demandé à Robert Smith, le leader du groupe, l’autorisation d’utiliser cette chanson, il a fait remarquer que c’était impossible, ce titre n’ayant été commercialisé qu’à partir du … 15 juillet 1985. Le film a alors pris Eté 85 comme titre et Robert Smith a autorisé l’utilisation de « In Between Days » (moyennant finance, bien sûr) !

Pour ce film, le choix des interprètes d’Alex et de David était bien sûr primordial. En choisissant Félix Lefebvre et Benjamin Voisin, il ne s’est pas trompé ! On avait rencontré le premier, l’interprète d’Alex, il y a 2 ans, dans L’heure de la sortie de Sébastien Marnier, puis dans Infidèle, une série de TF1. Quant à Benjamin Voisin, l’interprète de David, il était Simon, il y a un an, dans La dernière vie de Simon de Léo Karmann. Au moment du tournage, ces comédiens avaient tous les 2 quatre ans de plus que l’âge de leurs rôles, ce qui ne présente aucun problème pour le spectateur, d’autant plus qu’Alex, le plus gamin des deux, murit énormément entre le début du film et sa fin, en arrivant à s’interroger sur ses sentiments portés à David : Est-ce qu’on invente les gens qu’on aime ou les voit on tels qu’ils sont ? Le rôle de Kate, la jeune anglaise, est interprété par Philippine Velge, une comédienne anglo-belge dont c’est le premier rôle dans un film de cinéma. Le rôle du professeur de français d’Alex a été attribué à Melvin Poupaud, un habitué du cinéma de François Ozon. Quant aux deux mères, celle d’Alex est jouée par une Isabelle Nanty très sobre et celle de David par Valeria Bruni Tedeschi dont le jeu, comme d’habitude sans nuance et insupportable, convient finalement plutôt bien à ce rôle caricatural de mère juive exubérante et sans filtre.

En cliquant ici, vous accéderez à la critique écrite par Julien sur ce film qui fait partie de la Sélection officielle de Cannes 2020.

Le DVD

[5/5]

Que ce soit en ce qui concerne les qualités techniques ou la richesse des compléments, ce DVD édité par Diaphana Edition Vidéo touche à la perfection. La galette restitue de façon fidèle la photographie de Hichame Alaouie, une photographie bien servie par la belle lumière de l’été normand. Toutefois, par rapport à ce qu’on peut voir lors d’une projection en salle, on perd un peu quant au grain de la pellicule 16 mm qui était recherché. Concernant le son, on est dans le classique : choix entre 2.0 et 5.1 (avec un espacement sonore très bien rendu), possibilité d’audiodescription pour les aveugles et malvoyants, possibilité, pour les sourds et malentendants, d’ajouter un sous-titrage.

Le DVD et le BR étant tous deux à double couche, l’éditeur a pu accompagner le film d’un nombre impressionnant de suppléments. Certes, tous n’ont pas le même intérêt, mais on en compte quand même 10 ! 3 sont d’un très grand intérêt : tout d’abord, les 97 minutes du film commentées par François Ozon, Benjamin Voisin et Félix Lefebvre. Ensuite, un entretien de 10 minutes avec l’équipe du film. Etonnant, toutes les informations qu’on peut recevoir en 10 petites minutes : sur le montage du film, sur le choix de la pellicule, sur les mères d’Alex et de David, sur les personnages Alex et David, sur la confrontation sociale montrée dans le film. Enfin, le court-métrage  Une robe d’été, d’une durée de 15 minutes, que François Ozon a réalisé au Cap Ferret en 1996. Tourné 2 ans avant Sitcom, son premier long métrage, Une robe d’été  se confronte déjà à deux thèmes qu’on retrouvera plus tard dans la filmographie de François Ozon : les hésitations concernant l’orientation sexuelle et le travestissement (cf. le clin d’œil à cette robe d’été dans Eté 85 !). Plus anecdotiques : des scènes coupées (8 minutes), la répétition de la bagarre (1 minute), la répétition de la danse sur la tombe (3 minutes), des essais de pellicules 16 et 35 mm (2 minutes), des essais lumières et costumes (4 minutes) des prises coupées (13 minutes), des projets d’affiche (2 minutes). 

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